Extrait de la définition opérationnelle de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA)https://t.co/vhVpB2YZ8P https://t.co/8vbUhnhkLF pic.twitter.com/Y6pxzan7VN
— InfoEquitable (@InfoEquitable) March 29, 2024
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Une fois de plus Libération frise la perversion: Cette fois par la plume du sieur Thomas Legrand, lequel se pique de nous expliquer que non, l’antisionisme n’a rien à voir avec l’antisémitisme.
Et TJ vous donne le « billet », illustration de la feinte naïveté du sieur Thomas Legrand, lequel prétend dans sa conclusion vous faire la morale :
« Entre antisionisme et antisémitisme, de dangereux amalgames »
Le billet de Thomas Legrand – Libération.
Il devient de plus en plus difficile de démêler les positions politiques antisionistes du retour d’un antisémitisme à peine masqué. Mais le fait de traiter d’antisémites tous ceux qui se disent antisionistes est une forme de banalisation coupable de l’antisémitisme.
La meilleure planque pour un antisémite c’est de se dire «antisioniste». De même, la meilleure façon de camoufler sa haine des musulmans, c’est de traiter toute contestation un peu radicale de la politique d’Israël d’«antisémite». Le débat autour de la question israélo-palestinienne est pourri par ce double stigmate. Samedi 23 mars, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, allait au bout de l’absurdité et de l’auto-enfermement en qualifiant l’ONU d’«organisation antisémite, anti-israélienne».
Mais cet argument outrancier, qui souligne l’isolement international grandissant d’Israël en raison de la brutalité de son action à Gaza, n’est que la traduction au plus haut niveau diplomatique d’une idée que popularisent en France les plus hautes autorités de l’Etat et nombre de commentateurs : «L’antisionisme est forcément un antisémitisme.»
Un mot qui recouvre trop de réalités pour être réduit à de l’antisémitisme
Cette idée, prise comme une règle générale, est fausse et dangereuse. Elle n’est pas nouvelle. «J’ai eu l’occasion […] de dire qu’antisionisme et antisémitisme ce n’était pas pareil, expliquait déjà Simone Veil en 1982. Mais, petit à petit, on s’aperçoit, depuis quelques mois, qu’il y a une espèce de confusion dans les esprits et un glissement qui se fait. On a entendu, ces derniers temps, des gens qui, parce qu’ils étaient contre la politique de [Menahem] Begin [Premier ministre israélien de l’époque, ndlr], en venaient à mettre en cause tous les Juifs. Moi, ça m’est arrivé qu’on me dise «vous, les Juifs», me rendant responsable de la politique d’Israël.»
Le mot «antisionisme» recouvre trop de réalités pour que l’on puisse le réduire à de «l’antisémitisme». L’histoire de l’antisionisme fut d’abord l’affaire du bundisme. Le Bund, ce mouvement socialiste et syndical juif de la fin du XIXe et début du XXe siècle, souhaitait l’intégration des Juifs dans les sociétés où ils vivaient par l’avènement du socialisme.
Ensuite, l’affaire Dreyfus et, surtout, la Shoah ayant fait éclater cette idée, l’antisionisme juif devint une doctrine religieuse de juifs orthodoxes et tous ceux qui n’acceptaient pas, après la guerre, la création d’un Etat par l’expropriation de ceux que l’on n’appelait pas encore des Palestiniens. Ils contestaient cette maxime bien pratique selon laquelle Israël serait une «terre sans peuple pour un peuple sans terre».
Aujourd’hui, dans les universités américaines et même, ces derniers temps à Sciences-Po, nombre d’étudiants parmi les plus en pointe dans la contestation de l’action d’Israël à Gaza sont des étudiants juifs, et qui l’affirment. De son côté, comme le gouvernement de Nétanyahou et ses soutiens estiment que ce que vit Israël en ce moment est d’ordre existentiel, toute critique radicale de la politique de colonisation, des bombardements massifs, du carnage en œuvre à Gaza, est qualifié d’antisionisme et d’antisémitisme.
Pas la disparition d’Israël mais un Etat pour deux peuples si imbriqués
Après la seconde intifada, trois décennies d’actualité chaotique au Proche-Orient, puis l’attaque terroriste du 7 Octobre et l’offensive israélienne sur Gaza largement critiquée par l’opinion internationale, la question «peut-on être antisioniste sans être antisémite ?» est sans cesse posée.
Et pourtant : oui, on peut être antisioniste sans être antisémite… Parce que l’antisionisme ne veut plus dire «disparition» d’Israël mais «fin de la politique coloniale et lutte contre ce qu’est devenu le sionisme ces dernières décennies sous l’égide de l’extrême droite et des religieux radicaux au pouvoir».
Les antisionistes, hormis les islamistes radicaux et quelques Dieudonné d’extrême gauche ou d’extrême droite, ne veulent généralement pas la disparition d’Israël mais un Etat pour deux peuples si imbriqués, comme le proposaient d’ailleurs par le passé le philosophe Martin Buber ou même Hannah Arendt. On peut considérer que c’est aujourd’hui utopique, suicidaire ou illusoire, mais certainement pas antisémite.
Avec le conflit entre le Hamas et Israël, la montée du fondamentalisme islamiste et le virage théocratique du sionisme, il devient de plus en plus difficile de démêler les positions politiques antisionistes du retour antisémitisme à peine masqué. Mais le fait de traiter d’antisémites tous ceux qui se disent antisionistes, outre l’incongruité de la chose – puisque nombre de militants antisionistes sont juifs – est une forme de banalisation coupable de l’antisémitisme. Les commentaires hâtifs, les accusations d’antisémitisme à tout va à propos de ce qui s’est passé par exemple à Sciences-Po le 12 mars, sans attendre les conclusions de l’enquête, participent tragiquement à cette démonétisation dangereuse du mot et de la réalité de l’antisémitisme.
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