« Et c’est le Hamas qui distribue les millions de tonnes de nourriture qui rentrent à Gaza«
La question de l’aide alimentaire à Gaza est d’une importance stratégique généralement sous-estimée par les médias. La perception de cette aide comme un geste de charité internationale et son traitement médiatique sous un angle strictement humanitaire masquent en réalité sa dimension militaire et stratégique. Il n’est pas anodin que les États occidentaux et l’ONU accusent Israël – pour ne pas écrire « diffament » – d’affamer les Gazaouis et de créer les conditions d’une famine.
Les Israéliens publient les chiffres de l’aide alimentaire qui rentre à Gaza. Depuis le début de la guerre, pas moins de 18 000 camions ont acheminé plus de trois cent mille tonnes d’aide alimentaire aux Gazaouis. Rien que le 18 mars, 222 camions ont livré 4400 tonnes d’aide alimentaire à Gaza.
Il est donc faux et diffamatoire d’affirmer – comme le font l’ONU, les États occidentaux et les médias occidentaux – que l’action militaire israélienne crée les conditions d’un risque de famine à Gaza. Le problème n’est pas que l’aide alimentaire n’arrive pas, le problème est qu’elle arrive pour passer immédiatement entre les mains du Hamas. Et elle semble être distribuée par le Hamas.
Que le Hamas ait le contrôle de l’aide alimentaire à Gaza et décide à son gré de prélever ce qui lui convient et de distribuer ou pas ce qui reste à la population n’est pas indifférent au plan politique et militaire.
Pour la population de Gaza, le patron du territoire n’est pas celui qui envoie ses chars, ni celui qui expédie l’aide alimentaire. Pour les Gazaouis, le patron de Gaza est celui qui distribue ostensiblement une ressource vitale. C’est ce qui peut expliquer que le Hamas continue d’être perçu par les Gazaouis comme le vrai patron du territoire, celui auquel ils doivent loyauté, car il est celui qui les nourrit au quotidien.
C’est un phénomène bien connu des sociologues qu’en Orient, le patron d’un territoire est celui qui prend en charge les besoins de la population. Ces relations paternalistes – fréquentes en Europe au XVIIème et au XVIIIème siècle – ont survécu en Orient. La relation patron – client se constitue quand une personne physique ou morale (en l’occurrence, un mouvement terroriste) met à disposition d’une population donnée, des ressources matérielles ou financières que ces dernières ne contrôlent pas.
Au Liban, le Hezbollah met des terres agricoles, des services médicaux gratuits des aides au logement pour les jeunes couples, des subventions, des prêts sans intérêt… qui sont perçus par la population chiite comme le devoir du patron envers son client. Celui qui donne est rémunéré en retour par une loyauté sans faille.
En 2012, le Bulletin d’information des services de renseignement américains (« Language and cultural compétency » in Military Intelligence Professional Bulletin, janvier-mars 2012) a consacré une étude approfondie à la relation patron – client afin d’aider l’armée américaine en projection hors de son territoire à obtenir le soutien de la population locale. Dans tous les cas, affirme l’étude, la générosité du patron a pour corollaire la loyauté du client. Cette relation se prolonge autant que dure la générosité du client. Les obligations sont personnelles, discrètes et généralement invisibles au regard du reste de la population. En échange, le client manifeste sa gratitude en vantant publiquement les mérites du patron et se faisant l’avocat des intérêts du patron.
Un récent sondage réalisé par le « Palestinian Center for Policy and Survey Research », montre que le Hamas est soutenu par la majorité de la population et que cette population approuve massivement l’attaque du 7 octobre 2023 qui est à l’origine des violences qu’elle subit actuellement. La loyauté incompréhensible de cette population extraite de son logement, jetée dans la rue, environnée par la peur et réduite à la mendicité s’explique sans doute par le fait qu’elle dépend toujours du Hamas pour sa survie. Si les camions cessaient de rentrer dans Gaza, ou si l’armée israélienne prenait elle-même en charge la distribution alimentaire, il ne serait pas exclu que l’attitude de la population change vis-à-vis du Hamas qui n’aurait plus que ses fusils pour imposer sa loi.
Israël a envisagé un moment de passer par les clans qui structurent la population de Gaza comme une alternative au Hamas. L’idée est séduisante, mais le 14 mars, le mukhtar (chef) du clan Doghmush, une puissante tribu de Gaza, a été exécuté par le Hamas pour avoir participé à la distribution de l’aide humanitaire en collaboration avec Israël. Il a été traité de collabo et sa mort a été décidée dans un « tribunal » du Hamas. Et malgré leur importante puissance de feu, les membres du clan Dogmush n’ont rien pu faire pour sauver leur chef.
C’est à ce genre d’évènement qu’on peut voir que l’armée israélienne ne contrôle pas encore totalement le territoire de Gaza. Que le Hamas puisse encore afficher les signes extérieurs de son pouvoir judiciaire en dit long sur sa résilience. Mais que les États-Unis, l’ONU et le Qatar aient pris délibérément parti de renforcer le Hamas en lui confiant la distribution de l’aide alimentaire est un scandale tout à la fois moral, politique et géostratégique.
© Yves Mamou
Merci pour votre article criant de vérité
Israël, comme d’habitude, se retrouve accusé d’affamer gaza
J’ai vu , la semaine dernière , dans TJ une excellente chronique sur ce sujet
et il était question d’un reportage de Pujadas sur LCI qui remettait les choses
en place.
mais comme d’habitude, c’est un reportage qui ne sera pas diffusé sur toutes les chaines