Allocution de Richard Malka (Verbatim) Prix de la laïcité 2020, remis en 2021:
« Il y a un an, j’avais préparé un discours, c’est bien dommage qu’il ne soit plus d’actualité parce que franchement il était magnifique…
J’aurais voulu vous raconter pourquoi j’étais tant attaché à cette laïcité. Je vous aurais parlé de mes parents, mes parents venus du Maroc avec une religion, une culture qui n’était pas celle de leur pays d’accueil. Et pourtant, c’est mon frère qui me l’a rapporté, à chaque 14 juillet mes parents se levaient à l’aube pour regarder sur leur télé noir et blanc le défilé militaire et cette grande fête du 14 juillet qui pour eux était une fête merveilleuse. Le rêve de mon père, dans son petit atelier du boulevard Montmartre, il passait beaucoup d’heures sur sa machine à coudre, était que l’un de ses fils soit polytechnicien. Cà, ça été râté mais plus classiquement, ils sont devenus médecin, ingénieur, avocats. A cette époque là, la méritocratie était une garantie de justice et d’égalité et n’était pas encore un gros mot synonyme de racisme systémique pour les beaux esprits qui dirigent une école de la rue Saint-Guillaume.
(Sciences Po… applaudissements).
J’aurais aimé que mon père soit là aujourd’hui, il aurait été si heureux du chemin parcouru depuis le Méla, quartier réservé aux juifs à Meknès, jusqu’à cette Maison commune de la Ville lumière et je remercie Mme le Maire de nous y accueillir.
Mes parents s’inscrivaient sans le savoir dans la continuité de ces Juifs Askhenaze d’avant-guerre qui avaient choisi la France sans rien connaître de ce pays et parce qu’ils avaient dans l’idée que c’était la patrie de Victor Hugo, « Victor Hiougo » comme ils disaient avec leur accent et que c’était surtout la patrie de l’égalité des droits et que c’était en plus la patrie qui avait été capable de désarmer sa propre armée au bénéfice d’un Capitaine et de lui décerner la Légion d’Honneur parce que oui, il est innocent et c’est un révisionnisme indigne que de prétendre le contraire aujourd’hui.
(Applaudissements…)
Je vous aurais dit que la France c’était la République laïque. Je vous aurais dit que jamais à l’Ecole publique je ne me suis senti rejeté ou différencié, que mes identités multiples, Français, Juif, Arabe, à bien des égards ont pu se concilier harmonieusement grâce à cette laïcité. Et qu’ainsi j’ai pu découvrir d’autres familles dont la vôtre, celle des Libres Penseurs.
Quand on est serein avec sa différence, on n’a pas besoin d’en faire un étendard et cela permet d’aller vers l’autre plutôt que de se replier sur ses origines ou sur sa religion quelle qu’elle soit. C’est rare et c’est précieux, alors, au travers des combats qui me valent ce prix aujourd’hui, je crois que je cherche à remercier cette République et à faire en sorte que peut-être, les générations d’aujourd’hui et celles de demain bénéficient de cette même chance, même si je sais que malheureusement, ce n’est plus le cas parce que c’est l’époque des replis identitaires et si nous y résistons plus que d’autres pays, nous ne parvenons plus à fabriquer de l’universalisme.
Nous n’y parvenons plus pour bien des raisons mais surtout parce que nous avons cessé d’en être fiers et que nous n’osons plus transmettre cette transcendance qui est la nôtre, parce que oui, un pays a besoin d’une transcendance. Mais il y a un temps pour tout…
J’avais prévu de vous livrer un fragment d’histoire de la laïcité mais vous en serez privés aussi parce que ce n’est plus le temps de l’Histoire.
J’aurais pu vous dire que la laïcité est la fille aînée des Lumières mais il n’est plus davantage le temps de philosopher.
Aujourd’hui, c’est le temps de l’action, de l’engagement, du combat, du réveil pour être fidèle à ce que nous incarnons aux yeux du monde et pour lui offrir un autre modèle que le communautarisme anglo-saxon qui a enfanté d’un enfant monstrueux qui s’appelle le wokisme qui est la séparation de tous d’avec tous, ce qui conduira à la méfiance de tous à l’égard de tous puis à l’hostilité puis au conflit de tous contre tous. »
© Richard malka Extraits
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