Richard Prasquier. De Donald Trump à Judith Butler

Ce sont deux luminaires de la pensée contemporaine.

Le premier, le monde entier le connait, depuis Washington jusqu’à la Corée du Nord où le 30 juin 2019, dans la zone démilitarisée, il a mis un  pied dans le pays  du dictateur Kim Jong Un. « C’est un grand jour pour le monde », avait-il dit sobrement, paraphrasant Neil Armstrong arrivant sur la Lune « Un petit pas pour l’homme un grand pas pour l’humanité » … 

Il s’agit évidemment de Donald Trump, vainqueur du « Super mardi » des primaires américaines, après lequel sa rivale Niki Haley a jeté l’éponge.

Le problème est qu’il n’a rien changé à la Corée du Nord, la dictature la plus impitoyable de la planète, puissance nucléaire et  grand pourvoyeur d’armement pour l’Iran et  la Russie . D’ailleurs les historiens disent  que la célèbre phrase d’Armstrong n’a jamais été prononcée telle quelle. 

Parole, parole, chantait Adriano Celentano dans ma jeunesse…

On attribue à Donald Trump un concept philosophique majeur de notre époque, celui de post-vérité. Il n’a pas inventé le terme, il ne sait probablement pas ce qu’est un concept et n’a certainement jamais ouvert une page de philosophie, mais dès les premiers jours de sa présidence , sa conseillère en communication parlait de « faits alternatifs » quand on lui faisait remarquer que contrairement à ce que disait le nouveau Président,  très peu de personnes avaient  assisté à la cérémonie d’investiture.

Hanna Arendt avait écrit que  la post-vérité, qu’on n’appelait pas encore de ce nom, se caractérise par l’indifférence à la distinction entre mensonge et vérité. Cette tournure d’esprit est d’ailleurs aussi vieille que la société. On la trouve en matière religieuse dès qu’on suspend son jugement sur la vérité ou la fausseté des récits sacrés, auxquels on croit sans y croire. A l’inverse, quand on dit d’un individu qu’il s’engage « aveuglément »  derrière une idéologie ou derrière un homme , c’est aussi qu’il se dispense de toute confrontation à la réalité.

  Outre ceux qui le suivent par intérêt ou parce qu’ils partagent certains de ses ressentiments, on retrouve chez les partisans de Trump ceux qui  ne croient pas à l’existence d’une  vérité objective comme ceux qui répètent avec enthousiasme les slogans de leur héros, comme MAGA, Make American Great Again, même si la formule pour rendre l’Amérique grande à nouveau consiste à se désintéresser des affaires du monde et laisser le champ libre à ses ennemis.

Trump lui-même se moque de la vérité, son narcissisme est sans limites et sa trajectoire judiciaire accablante. Mais ce sont là des caractéristiques qui lui servent pour entrainer les individus, humilier les adversaires, affabuler le passé et magnifier l’avenir. Il peut alléguer sans  preuve s’être fait voler l’élection, se dire aussi persécuté que Navalny, se vanter de résoudre le drame ukrainien en 24 heures et prétendre que s’il avait été au pouvoir, le Hamas n’aurait pas osé bouger,  ses admirateurs communient dans ses soi-disant combats et ses soi-disantes épreuves.

La présidence de Trump a été marquée par le contraste entre d’une part les initiatives  favorables à Israël, l’ambassade à Jérusalem, les Accords d’Abraham et la dénonciation d’un accord inepte et hypocrite avec l’Iran  et d’autre part les débordements antisémites de certains de ses partisans du QAnon . Par rapport au massacre du 7  octobre, Trump s’était peu exprimé. Il vient de dire qu’il faut laisser les Israéliens finir leur travail. Mais il n’est pas sûr qu’il aurait montré à l’égard d’Israël la même réactivité que Biden aux jours les plus sombres de l’histoire de ce pays, alors que le désengagement extérieur est l’un de ses mantras.

Pour l’autre personnalité américaine dont le nom est apparu dans les medias français,  à un niveau infiniment plus confidentiel, nous  savons comment elle aurait réagi si elle avait été aux « affaires ». Il s’agit de  Judith Butler, probablement la philosophe la plus influente de notre époque, qui a qualifié  les massacres  du 7 octobre  d’ « actes de résistance armée ».

Elle devait donner une série de conférences à l’Ecole Normale Supérieure.  Il semble que celles-ci ont été reportées. 

Judith Butler, née comme son célèbre mentor Noam Chomsky dans une famille juive très engagée, est la papesse reconnue  du woke ou plus exactement de ces « gender studies » dont l’emprise sur l’université américaine est en train de pervertir la liberté académique et de promouvoir des délires antisémites d’un genre -c’est le cas de le dire- inattendu.

Dois-je l’avouer, je n’ai pas lu ses livres.  Autant ses partisans la mettent au pinacle, autant ses adversaires prétendent que la tortuosité de son style masque la pauvreté de ses arguments en impressionnant le lecteur qui confond difficulté de compréhension et profondeur de pensée. Son premier livre de 1990,  qui reste le plus connu, n’a été traduit en français, sous le nom de « Troubles dans le genre » que 15 ans plus tard, alors que, de Simone de Beauvoir à Monique Wittig, de Jacques Lacan à Michel Foucault, la plupart des intellectuels dont elle s’inspire et qu’elle cherche à dépasser sont d’origine française. Judith Butler a créé le concept de binarité et a été jusqu’au bout de la vision de la différence sexuelle comme une simple assignation sociétale. 1990, c’est aussi la parution du livre de l’universitaire afro-américaine Kimberley Crenshaw qui crée le concept d’intersectionnalité des luttes, cette formule qui permet les regroupements les plus baroques.

Judith Butler coche parfaitement la case consacrée à la haine d’Israël. 

Par leur influence, leur agressivité, leur simplisme, leur mépris  du débat, les idéologies antagonistes dont Donald Trump et Judith Butler sont les figures de proue ont finalement un air commun.

 Il n’augure rien de bon pour l’avenir de la pensée.

© Richard Prasquier

richard.prasquier.fr

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9 Comments

  1. Comparer Donald Trump aux surgeons de Derrida, Foucault, ou F.Fanon ce n’est pas hardi, c’est faux. A force de rejeter les gens nez à nez, et faire des parallélismes on passe à côté de la réalité. C’est peut être bien indiqué pour se faire accepter dans certains cénacles, mais Trump ne vous en déplaise est un véritable ami d’Israël, c’est que ses contempteurs lui reprochent.

  2. Tout à fait d’accord avec Farewell. M. Prasquier nous fait le coup du magazine « Franc-Tireur » en mettant dos-à-dos les « extrêmes ». Il fait un procès d’intention à Trump sur son hypothétique non-intervention en Israël après le 7 octobre et crache sur les avancées réelles réalisées par lui lors de son mandat.
    Et, comme tout bien-pensant paresseux et en dépit des faits, Richard Prasquier défend le sénile et catastrophique Biden. Cherchez l’erreur?

  3. D’accord avec les deux commentaires ci-dessus.

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que nos pseudo « intellectuels » n’ont pas inventé l’eau chaude.

  4. On peut rétorquer à M. Prasquier qu’il n’y a eu aucun conflit sous Trump alors qu’ils prolifèrent sous Biden. Alors pourquoi préférer ce dernier ? Le camp dit de la raison dans lequel se range M.
    Prasquier me paraît franchement irrationnel, dangereux et va-t-en guerre.Et plus avec un grand contentement de soi.

  5. L’infamie est de glorifier les assassins violeurs et pedocriminels du Hamas (et racistes : ils ont tué tous les otages tanzanien, curieusement les wokistes n’en ont rien dit). Cela s’arrête là, pas d’amalgame avec ce qui se dit sur le genre, qui relève d’un débat…

  6. Je suis assez souvent d’accord avec Prasquier.
    Mais là, il se fourvoie gravement dans cet exercice de comparaison sans raison ni argument.

  7. Les « pseudo intellectuels » français ont toujours pris les candidats et les présidents américains issus du Parti Républicain pour des crétins et leurs électeurs pour des ploucs et des culs-terreux. Il suffit de relire les Verbatim de Jacques Attali et ses commentaires sur Reagan (ce que j’avais fait à ) pour s’en rendre compte.
    Les Juifs américains sont de tradition démocrate mais les choses changent ; excepté le Chabad, les Juifs sionistes ont fait leur alya depuis longtemps et les Juifs démocrates qui sont encore aux Etats-Unis se détachent de la tradition et deviennent libéraux, partageant leur lieux de prière avec des évangélistes ou des chrétiens. On peut regarder une quinzaine d’années en arrière et comparer le mariage de Chelsea Clinton (mariage « juif » libéral) avec celui de la fille de Trump et Jared Kushner (mariage « chabad » avec conversion à ma connaissance).

    Monsieur Prasquier fabrique une construction intellectuelle qui ne repose sur rien : mais en France, on voit depuis longtemps que Macron et Le Pen sont les deux faces de la même médaille puisqu’ils ne pouvaient en 2017 et en 2022 gagner l’un sans l’autre ; j’aurais aimé également une analyse sur l’alliance objective Macron – LFI, puisque Macron va vendre la panthéonisation de deux résitants dans l’Humanité, le journal qui a couvert 100 millions de morts !

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