À l’occasion de l’hommage cette semaine aux victimes de l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier, l’écrivain Marek Halter appelle le Président de la République à annoncer la création d’une journée mondiale contre l’antisémitisme.
Nous, les juifs, disait Kafka, nous avons le nez long, mais sensible. Nous sentons l’odeur du brûlé, bien avant que ne se déclare l’incendie. Pour ma part, je sens déjà, dans les rues de nos belles villes de France, les relents de brûlé, le roussi, comme on dit. Et personne pour appeler les pompiers. Personne pour pousser le cri mémorable, et vital, de l’abbé Pierre : « Au secours ! »
La haine du juif est comme la dynamite déposée dans nos caves. Il suffit d’une allumette pour la faire sauter. Le soutien d’une frange de l’opinion française au Hamas, ainsi que les images de la guerre entre les Israéliens et le groupe armé islamiste à Gaza, relayées par les manifestations en faveur des uns et des autres, qui se succèdent dans notre pays, prépare le terrain. J’ai peur.
En regardant les chiffres publiés mi-novembre par le ministère de l’Intérieur, je constate que, en un mois, on a enregistré en France 1518 actes ou propos à caractère antisémite, soit 3 fois plus que durant l’année 2022.
Je comprends dès lors les juifs qui, se sentant rejeté en bloc, fonds bloc. Ils résistent. À Paris et ailleurs, femmes et enfants profitent de la nuit pour afficher les 132 visages des otages du Hamas dans les rues. Et, au matin, ils constatent la rage avec laquelle de bonnes bourgeoises ou de jeunes gauchistes, filmés en direct par nos télévisions, les arrachent et les jettent dans les caniveaux.
Qu’est-ce qui motive les antisémites aujourd’hui ? Il y a bien sûr une tradition d’extrême droite transmise de père en fils. Et puis il y a les musulmans de France, qui pourtant, en principe ne devraient avoir aucune raison de haïr leurs voisins de confession israélite. Car rien, au cours de l’histoire de France, ne les a opposés. Ce sont d’ailleurs des juifs qui ont pris leur défense contre les élans racistes d’une certaine droite. Ont-ils, eux aussi, besoin d’un bouc émissaire, de quelqu’un qu’ils peuvent accuser de tous leurs malheurs ? Leur haine est entretenue par une partie de la gauche qui espère avoir leur voix aux élections ainsi que par le biais de réseaux des Frères musulmans qui, eux, ont des ambitions planétaires.
Le sentiment antisémite, qui, pendant des décennies, ne s’exprimait que rarement publiquement, couve sous les lois de la République et la mauvaise conscience d’une génération qui a assisté sans réagir a l’assassinat de 6 millions de juifs. Or, curieusement, c’est à l’occasion du premier grand pogrom de notre temps que les barrages contre la haine que nous avons érigés après la 2nde guerre mondiale ont sauté.
Le mal ne s’invente pas, disait Hannah Arendt, il a besoin d’être libéré. Et peu importe que la plupart des juifs de la diaspora n’adhèrent pas à la politique de Netanyahu à Gaza. Ce n’est pas d’israéliens qu’il s’agit, en l’occurrence, mais bel et bien des juifs.
Il y a quelques années, j’ai publié un opuscule intitulé « Pourquoi les juifs ? » En effet, pourquoi ? Peut-être parce que, tous les rêves collectifs ayant échoué, il ne reste que la haine des juifs pour réunir, mobiliser et réconcilier des hommes et des communautés que tout oppose.
Aussi, quand un groupe de jeunes musulmans français avec lesquels nous luttons contre le racisme, m’a fait remarquer qu’il n’existait pas de journée mondiale, ni même nationale contre l’antisémitisme, j’ai été surpris. J’ai vérifié. Ils avaient raison. J’ai donc lancé, avec une cinquantaine de personnalités, artistes, écrivains, philosophes, une pétition en ce sens. Notre appel a été repris à l’étranger et par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux.
Apprenant que le Président de la République allait, le 7 février prochain, rendre hommage aux victimes françaises du Hamas massacrées le 7 octobre, je lui ai proposé d’annoncer, à cette date, une journée nationale contre l’antisémitisme, faisant ainsi de la France un exemple de la défense des valeurs de fraternité, dernier rêve universel qui reste peut-être encore à l’humanité.
© Marek Halter
Marek halter est écrivain.
Source: Les Échos
C’est le prototype de la très mauvaise idée. C’est même l’assurance-vie à perpétuité de la préservation de l’antisémitisme. On se souviendra du ratage jupitérien du président Macron qui a voulu faire de l’antisémitisme une cause nationale : en décembre 2019, le parti présidentiel présenta une résolution (non contraignante par définition) destinée à lutter contre l’antisémitisme et son faux-nez, l’antisionisme.
Au Président du simulacre et au parti présidentiel des vœux pieux répondit la désertion de l’hémicycle par 53% des députés de la représentation nationale au moment du vote de la résolution n°2403. C’est en réalité une adoption par défaut qui eut lieu, puisqu’à peine plus d’un quart de la représentation nationale (26,7 % exactement) se prononça en faveur de ce texte (154 votes favorables, 72 votes contre, soit 226 suffrages exprimés pour 269 députés présents, et 308 députés partis à la pêche !).
Soit la lutte contre la bête immonde qu’est l’antisémitisme mérite une mobilisation de tous les instants 365 jours par an, soit on se contente du prix de consolation, qui serait une défaite en rase campagne, qu’annoncerait la création d’une Journée mondiale contre l’antisémitisme ; elle pourrait alors prendre place entre la Journée de la Jupe et la Journée du Macramé !!
I had a dream : que les Juifs (de gauche) cessent d’être les idiots utiles de l’antisémitisme !