« Pour la Reconnaissance des Viols et Féminicides de masse du 7 octobre 2023 ». Olivia Cattan, Présidente de « Paroles de femmes »

Féminicide ou pogrom, une guerre des mots 

À la suite de notre pétition sur la reconnaissance des viols et féminicides de masse commis le 7 octobre en Israël par les terroristes du hamas, le mot « Féminicide » a fait grincer les dents de plusieurs personnalités. Certains le pensent, à tort, lié aux collectifs néo-féministes ou intersectionnels, pendant que d’autres préfèrent choisir le terme de « pogrom islamiste » qui n’est pourtant pas adapté puisque ces massacres ont aussi touché des victimes qui n’étaient pas juives, dont des Bédouins, des Thaïlandais, des Philippins[1]

Rappelons que le féminicide désigne « le meurtre systématique et délibéré de femmes en raison de leur sexe. Ce concept englobe différents types de meurtres, allant des homicides au sein de la sphère familiale aux actes de violence perpétrés dans le cadre de conflits armés ou de violences de genre généralisées ». 

En France, le féminicide ne figure pas dans le Code pénal français. Mais ce terme est entré dans le domaine du droit français en 2014, lorsque la Commission générale de terminologie et de néologie, en lien avec l’Académie française, a « publié un avis dans le Journal officiel ajoutant le terme de ‘féminicide’ au vocabulaire du droit et des sciences humaines »[2].

Il était donc essentiel de remettre ce mot dans le contexte du massacre du 7 octobre afin d’expliquer notre démarche intellectuelle et juridique mais aussi d’instruire, d’expliquer, de sensibiliser la société française et de redonner à ce terme tout son sens et son essence. 

Nous ne remettons pas en cause les mots « génocide » et « crime contre l’humanité » puisque des civils, hommes, femmes, enfants ont été assassinés, ni le fait que ces femmes aient été tuées aussi parce que « juives » ou « israéliennes ». 

Mais l’assassinat symbolique de ces femmes par les terroristes du Hamas, la façon de les tuer en s’en prenant à leurs organes sexuels, à leur féminité et aux ventres des femmes enceintes portant la vie, la façon de les violer devant leur mari pour les humilier, la façon d’exhiber le corps des femmes comme des « trophées » ou comme « un butin de guerre », en faisant un tri entre jeunes et plus âgées, valides et handicapées, montrent bien que le traitement fait aux femmes en ce 7 octobre est volontaire, spécifique et caractérisé. 

L’armée explique d’ailleurs avoir retrouvé un guide de viol sur l’un des terroristes comme si cette attaque visant des femmes avait été stratégiquement orchestrée. Lors d’un interrogatoire, un des terroristes explique que le viol avait été utilisé comme « une arme de guerre » pour humilier et déstabiliser l’ensemble de la société israélienne. 

Yaël Mellul, experte en droits des femmes, porte-parole de « Paroles de femmes », déclare : « De toute évidence ces crimes sexuels faisaient partie du plan d’attaque du Hamas, un objectif clairement assigné à ces barbares, à des niveaux de cruauté insoutenable et de sadisme, le but étant de terrifier. Il s’agit là de chosification des femmes. C’est en cela que le viol de masse est reconnu comme un puissant instrument de guerre, utilisé pour intimider l’ennemi, une bombe à fragmentation sur une société dans son entier pour l’anéantir et détruire un peuple. Dès lors que le viol commis lors d’un conflit est reconnu comme un crime contre l’humanité́ et un crime de guerre, les assassinats des femmes doivent être reconnus comme un féminicide de masse. Il vient ajouter une dimension genrée au génocide, au crime contre l’humanité ».  

Le féminicide au cœur de l’Islamisme  

L’utilisation du terme « féminicide » est également approprié dans le massacre de femmes du 7 octobre concernant son lien avec les groupes terroristes islamistes. Il ferait donc partie du noyau central du terrorisme islamiste, de leur idéologie, et de leur volonté de contrôler et de soumettre les femmes. Maitre Yaël Vias Gvirsman, experte en droit pénal international, représentant les familles de 58 victimes du 7 octobre, dont de la famille de Shani Louk, justifie le terme « féminicide » afin de nommer les choses : « Il n’est pas question de faire de concurrence entre les victimes du 7 octobre, mais nommer les choses avec justesse. Cette attaque délibérée et systématique a visé des groupes spécifiques, des femmes, des enfants, des femmes âgées pour ce qu’elles signifient pour la société. Les violences à caractère sexuel comprennent des viols de groupe aussi et vont au-delà avec des tortures. D’ailleurs, certains actes particulièrement sadiques, ne sont pas nouveaux- on reconnait les mêmes actes commis en Syrie contre les femmes Yézidies… Cette cruauté masculine vise surtout les femmes pour les salir et détruire toute une société ». 

En effet, le féminicide a toujours été utilisé par des groupes terroristes islamistes comme une tactique pour semer la terreur et déstabiliser les sociétés, une idéologie mortifère contre les femmes spécifiquement, contre celles qui représentent et portent la vie. 

Dans un dossier sur les Droits des femmes d’Amnesty international[3], il est écrit que la femme est la cible première de violences barbares des Talibans : « La lapidation publique des femmes accusées de relations sexuelles extra-maritales » a d’ailleurs entrainé la mort d’un certain nombre d’entre elles. En Irak, l’ONG ajoute que 130 femmes au moins ont eu la tête tranchée en 2000″, et que « la décapitation est encore un moyen légal d’exécution » dans certains pays dont l’Arabie saoudite[4]Ce qui rappelle également les décapitations de femmes du 7 octobre. 

Nous reconnaissons donc dans le massacre de femmes du 7 octobre le même mode opératoire pour semer la terreur contre l’ennemi et gagner la bataille psychologique dans une surenchère de barbarie.

Les femmes, les premières cibles des conflits 

Mais les groupes terroristes islamistes ne sont pas les seuls à se servir des féminicides et des viols de femmes lors des guerres. Le conflit armé en République du Congo, qui a débuté dans les années 1990, a entraîné des violences sexuelles massives à l’égard des femmes. Des groupes armés ont souvent utilisé le viol comme arme de guerre pour terroriser les populations locales, déstabiliser les communautés et exercer un contrôle sur les territoires. Ces actes criminels ont laissé des séquelles profondes et durables sur les survivantes et les communautés touchées. De la même façon, les meurtres de femmes et les viols de masse ont été également pratiqués pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine, dans une « stratégie militaire préplanifiée et délibérée »[5], une politique de « violence systémique, qui a pris une forme de masse et ciblée sur le genre »[6].

Nous pouvons citer également le génocide des Tutsies au Rwanda en 1994, au cours duquel 250 000 femmes environ ont été violées.  Ces crimes sexuels ont été utilisés comme »un instrument de nettoyage ethnique »[7], « une méthode de génocide »[8]. « Les femmes étaient violées publiquement, devant leur mari, leurs parents, leurs enfants, pour ajouter à l’horreur et détruire psychologiquement l’ensemble de la famille et de la communauté ». Plusieurs d’entre elles ont été aussi victimes de mutilations génitales. Là encore nous reconnaissons des similitudes avec les massacres des femmes du 7 octobre en Israël. Dans le Parisien, Esther, rescapée du 7 octobre, a raconté avoir été « frappée et violée sous les yeux de son fiancé, puis mutilée par un terroriste ».  Arme blanche dans le vagin, sein découpé, la liste des mutilations est accablante.

Ce terme peu employé de « féminicide de masse » que j’ai utilisé dans ma première tribune avait déjà été choisi pour décrire le massacre de quatorze jeunes femmes à l’École polytechnique de Montréal commis par un tueur qui détestait les féministes. Il a fallu patienter de longues années afin que ce massacre de femmes soit enfin « nommé comme le premier féminicide de masse revendiqué »[9]. Mais le véritable symbole du « féminicide de masse » est sans conteste les meurtres de plus d’un millier de femmes à Ciudad Juárez, ville frontalière du nord du Mexique[10].Tuées, mutilées, enlevées, ces féminicides de masse ont suscité une profonde consternation à l’échelle mondiale, mettant en lumière la vulnérabilité extrême des femmes dans certaines régions du monde.

L’émotion, à l’origine du mot féminicide

Mais le terme de « féminicide de masse » du 7 octobre qui est arrivé dans notre tribune est aussi lié à cette vague d’émotions que nous avons ressentie immédiatement dans la population israélienne en voyant le corps de Shani Louk dénudé et jeté sur le ventre à l’arrière de cette camionnette ou en découvrant les photos de cadavres de femmes dénudés avec leurs culottes baissées. Les détails, donnés chaque jour par le porte-parole de l’Armée, étaient insoutenables et les témoignages difficiles à supporter. Une femme a témoigné avoir subi un viol collectif. Un témoin a expliqué avoir vu une femme se faire violer par plusieurs terroristes avant d’être abattue d’une balle dans la tête. Une terreur qui a été amplifiée par les vidéos qui ont envahi les réseaux sociaux. Les terroristes avaient non seulement filmé certains de leurs crimes mais ils les avaient envoyées aux familles afin de les briser définitivement. 

Même si le gouvernement faisait tout son possible pour empêcher la diffusion d’images de ces corps de femmes et d’enfants mutilés, décapités ou brûlés, plusieurs vidéos sont devenues virales, se transmettant dans une sorte de frénésie, parce qu’il était important pour nous tous de se confronter à la réalité de la barbarie humaine pour devenir les témoins de ce moment de notre Histoire. 

C’est avec cette émotion dévastatrice, et après avoir collecté le plus de preuves possibles et de témoignages de la part des sauveteurs de Zaka, de la police ou de l’Armée que j’ai écrit, le 12 octobre, le premier communiqué de presse de « Paroles de femmes », employant les mots de « viol » et de « féminicide de masse » pour témoigner de ces atrocités, « lutter contre la barbarie », dans un besoin « d’ordre juridique pour mettre fin au chaos déchaîné par la haine meurtrière »[11].

Ce communiqué est devenu le 8 novembre une pétition à l’attention des ONG et des organisations féministes, afin de demander la reconnaissance des viols et féminicide de masse. De nombreuses artistes comme Charlotte Gainsbourg, Isabelle Carré, Muriel Robin, des journalistes dont Laurence Ferrari, Anne Sinclair, des députées dont Astrid Panossyan, des sénatrices comme Laure Darcos, des femmes politiques comme Sandrine Rousseau, Valérie Pécresse, et Anne Hidalgo, ont signé notre pétition qui dépasse aujourd’hui les 60 000 signatures. La ministre de la Famille en Italie a repris notre appel reconnaissant « un féminicide ». Plusieurs féministes israéliennes l’ont nommé ainsi, expliquant que ces femmes ont été bel et bien été assassinées en tant que juives, qu’Israéliennes mais aussi en tant que femmes.

Nos émotions individuelles se sont transformées en émotions collectives et mondiales. Des collectifs se sont créés en peu partout, les médias ont fait des centaines d’articles sur le sujet.

Corina Veleanu, Maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2, spécialisée en jurilinguistique, ancienne interprète juridique pour la Commission européenne, a analysé ce phénomène dans un dossier publié dans « Le Village de la Justice » : « Le féminicide est un terme juridique créé par des non-spécialistes suite à des réactions émotionnelles fortes, individuelles et collectives, qui est entré dans le langage juridique grâce à la société civile. Le féminicide, ou le meurtre des femmes et des filles en raison de leur sexe, est un terme juridique appartenant aux droits de l’homme et au droit international qui a été intégré dans la législation de plusieurs pays à travers le monde ». « Ce mot », ajoute-t-elle, « fait partie de la typologie de la violence de genre  et appartient au domaine des droits de l’homme mais aussi aux domaines de la politique, du journalisme, de l’anthropologie de l’histoire, de la psychologie, de la sociologie, de la jurilinguistique »[12].

La communauté féministe israélienne a partagé notre vision sur le 7 octobre: Shalva Weil, historienne et directrice de « L’Observatoire israélien du féminicide à Jérusalem », témoigne dans son article[13] du  « sadisme » des terroristes qui ont mutilé, torturé et « souillé des cadavres de femmes, non seulement parce qu’elles étaient femmes, mais aussi parce qu’elles étaient juives »[14].

L’experte en droit international et droit des femmes, professeure à la Faculté de Droit de l’Université Bar-Ilan, Ruth Halperin-Kaddari, a affirmé que « le féminicide de masse, la torture, les viols commis à l’encontre des femmes et des enfants, ont représenté une partie importante de l’attaque du 7 octobre dirigée contre des personnes juives et contre Israël, ayant pour but de semer la terreur à travers l’utilisation des crimes contre les femmes comme armes de guerre »[15]

Le terme féminicide est donc entré sociologiquement dans la société israélienne, alors qu’il n’est pas dans le droit pénal israélien.

Personne ne peut plus le nier. Féministes, avocates, linguistes, s’accordent à le dire : Il faut écouter les paroles de ces femmes du 7 octobre qui ont survécu, et les paroles de celles qui sont revenues de l’enfer. Parler aussi des agresseurs qui se sont servi du viol comme « arme de guerre » et qui ont tué ces femmes avec une sauvagerie d’un autre temps. Il faut aussi et surtout nommer les choses.

Mais nos sociétés françaises et israéliennes sont-elles prêtes à le faire ?

Vers la reconnaissance du féminicide dans le Code Pénal

L’Amérique latine a été la première à reconnaître juridiquement le féminicide en 1994. 

En Europe, seuls l’Espagne, l’Italie et dernièrement la Belgique[16] ont fait entrer le féminicide dans le Code pénal pour faire face aux meurtres et aux violences faites aux femmes qui n’ont cessé d’augmenter. 

La France, qui a pourtant choisi les violences faites aux femmes comme « grande cause nationale », semble résister à cette évolution juridique pourtant inévitable. Déjà en 2011[17], « Paroles de femmes » s’était tenue aux côtés de Jean-Michel Bouvier, le père de Cassandre tuée avec son amie Houria lors d’un voyage en Argentine, pour faire entrer ce terme dans le code pénal. Nous avions mobilisé les médias, les députés, le Président de la République Nicolas Sarkozy, sans obtenir gain de cause. 

Mais continuer à ne pas vouloir reconnaitre le « Féminicide », en France comme ailleurs, c’est nier les violences spécifiques faites aux femmes et refuser de nommer la souffrance des victimes. 

Il est essentiel que ce terme fasse son entrée dans le Droit pénal international mais aussi dans le Droit pénal israélien et français où les violences n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Le changement des mentalités et la lutte contre les violences se font aussi avec les mots qui ont un pouvoir d’influence sur les sociétés. Cela passe également par la Justice et les législations afin de marteler l’engagement profond des États en vue de l’éradication de la violence à l’égard des femmes.

Reconnaître le féminicide dans le massacre du 7 octobre, c’est une façon de se souvenir de chacune de ces femmes violées, torturées, assassinées, ou encore otages.

Reconnaître le féminicide dans le Droit international, c’est un pas essentiel vers un monde où les femmes peuvent vivre en toute sécurité, libres de toute menace injuste simplement en raison de leur genre. « Paroles de Femmes » lance donc un Appel à une prise de conscience collective. 

© Olivia Cattan


Notes

[1] ttps://www.lefigaro.fr/international/conflit-israel-hamas-la-france-deplore-le-plus-grand-nombre-de-victimes-etrangeres-20231027

[2] Corina Veleanu: https://www.village-justice.com/articles/feminicide-pogrom-xxie-siecle-une-analyse-multilingue-jurilinguistique,47884.html

[3] Amnesty international http://news.bbc.co.uk/2/hi/4078677.stm

[4] https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2011/12/saudi-arabia-beheading-sorcery-shocking-2/

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Viol_pendant_la_guerre_de_Bosnie#cite_note-1

[6] Idem

[7] https://www.cs3r.org/4426-rwanda_-_les_femmes_et_le_g%C3%A9nocide

[8] idem

[9] https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/11/15/il-y-a-trente-ans-a-montreal-le-premier-feminicide-de-masse_6019295_4500055.html

[10] https://www.babelio.com/livres/Labrecque-Feminicides-et-impunite-Le-cas-de-Ciudad-Jurez/358873

[11] idem

[12] idem

[13] https://www.jpost.com/opinion/article-768792

[14] Corina Veleanu: https://www.village-justice.com/articles/feminicide-pogrom-xxie-siecle-une-analyse-multilingue-jurilinguistique,47884.html

[15] Idem

[16] https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/2019/11/25/feminicides-etat-des-lieux-de-la-situation-dans-le-monde

[17] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-plus-france-info/le-feminicide-doit-il-vraiment-etre-reconnu-par-le-droit-francais_1725309.html


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2 Comments

  1. Après les atrocités barbares faites envers les femmes juives le 7 octobre, où sont nos néo-feministes si promptes habituellement se mobiliser pour un baiser volé – condamnable par ailleurs – d’un entraîneur foot espagnol ??? On voit là leur vrai biais idéologique quand les bourreaux (musulmans) et les victimes (juives) ne sont pas les bons !!! HONTE A TOUTES CES FAUSSES FEMINISTES.

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