Vu du Liban. Le Hamas affirme avoir remporté la première manche de la guerre contre Israël.
D’après ses responsables, le mouvement islamiste palestinien peut crier victoire : les attaques sanglantes du 7 octobre ont porté un terrible coup à l’État hébreu, la riposte israélienne dans la bande de Gaza est loin d’avoir détruit l’organisation, et l’échange d’otages a permis la libération de détenus palestiniens, rapporte le journal libanais “L’Orient-Le Jour”.
Courrier International
Jusqu’à la dernière seconde, les bombardements israéliens se sont poursuivis à Gaza et même au Liban-Sud, alors que le Hamas et le Hezbollah ont continué à riposter jusqu’au bout. Finalement, vendredi [24 novembre] à partir de 7 heures du matin, la trêve est entrée en vigueur et, depuis, chaque partie procède à une première évaluation des 49 jours de conflit ouvert qui ont failli changer la région.
Les Israéliens cherchent à se présenter en vainqueurs et annoncent une reprise des combats à grande échelle après la fin de la trêve. Mais, du côté du Hamas, l’évaluation est différente. Pour les responsables de cette organisation, la meilleure preuve que les Israéliens n’ont pas gagné, c’est justement leur insistance à dire qu’il s’agit d’une trêve provisoire et que les combats vont reprendre de plus belle. “Celui qui a gagné insiste-t-il pour une reprise des combats ?” C’est la question que posent les responsables du Hamas à ceux qui mettent en doute la victoire de l’organisation à ce stade.
Ces responsables précisent ainsi que le discours prononcé vendredi soir par Abou Oubeïda [porte-parole des Brigades Al-Qassam, la branche armée du Hamas], l’homme masqué le plus célèbre actuellement [dans le monde arabe], est en soi un constat de victoire, notamment dans la partie où il remercie les différents alliés au sein de l’“axe de la résistance”, notamment les Yéménites, le Hezbollah et les factions de la résistance irakienne, un peu comme un chef rend hommage à ses troupes.
Préserver les acquis du 7 octobre
Pour le Hamas, justement, le principal enjeu des combats des 49 derniers jours, c’était de préserver les “acquis” du 7 octobre, lorsque ses combattants ont réalisé une opération appelée Déluge d’Al-Aqsa, unique en son genre.
Aux yeux du Hamas, cette opération lui a non seulement permis de capturer des otages israéliens pour pouvoir les échanger avec [certains des] quelque 6 000 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes, mais elle a aussi provoqué une grande crise de confiance au sein de la société israélienne envers les services de renseignement et les forces militaires, au point que, depuis ce jour, les Israéliens installés à la limite nord de Gaza refusent d’y revenir si le Hamas n’est pas définitivement écarté.
Or, justement, une des raisons qui poussent le Hamas à se considérer comme victorieux à ce stade, c’est que les responsables israéliens, [le Premier ministre] Benyamin Nétanyahou en tête, n’ont cessé depuis le 8 octobre d’affirmer que leur objectif était de détruire totalement le Hamas.
En attendant d’atteindre cet objectif, ils ont déclaré qu’ils vont, dans une première étape, chasser le Hamas du nord de Gaza avant de l’éliminer. Jusqu’à présent, ils n’ont pas pu donner aux Israéliens des preuves concrètes du départ du Hamas du nord de Gaza. Ils se sont engagés à tuer les responsables de cette organisation où qu’ils se trouvent. Mais, pour le moment, ils n’ont pas pu trouver des cibles de premier rang. Ils vont certes continuer à traquer les grandes figures du Hamas, mais leur bilan est encore faible.
La trêve est une victoire
De même, les responsables israéliens avaient promis à leur population qu’il n’y aurait pas de trêve avant la libération de tous les otages. Tout au long des dernières semaines, ils ont mobilisé leurs unités d’élite et sollicité l’aide des forces spéciales américaines, mais ils n’ont pas réussi à trouver un otage et à le libérer. Ils ont dû finalement consentir à cette trêve avec une libération partielle et par étapes des otages israéliens entre les mains du Hamas et du Djihad islamique.
Dans ce sillage, Nétanyahou a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’accepterait pas l’entrée de carburant à Gaza, mais un des points de [l’accord de] trêve parle justement de l’approvisionnement de Gaza en citernes de carburant par la voie de passage de Rafah. Même si les quantités autorisées restent en deçà des besoins de Gaza, c’est déjà un premier pas vers un minimum d’amélioration des conditions de vie dans cette bande.
Un autre point gagnant aux yeux du Hamas tient au fait que les négociations en vue de la trêve ont eu lieu avec ses représentants, ceux qui se trouvent au Qatar, comme le chef du bureau politique, Ismaïl Haniyeh, et celui qui est considéré comme la bête noire des Israéliens à Gaza, Yahya Sinwar, par le biais des Qataris et des Égyptiens, qui ont servi d’intermédiaires.
Toujours dans ce contexte, le fait que [l’accord de] trêve porte sur une libération partielle des otages en contrepartie de prisonniers en Israël montre qu’elle aura des suites. Il s’agit donc d’un premier test qui devrait être suivi d’autres jusqu’à la libération de tous les otages du côté palestinien et de tous les prisonniers du côté israélien. Cela signifie que le Hamas conserve la carte des otages dans les négociations futures et qu’il pourra ainsi négocier en position de force.
Plus une simple faction
Sur un plan plus général, les combats des 49 jours précédents ont été l’occasion de montrer un soutien occidental quasi général à Israël. Le Hamas considère qu’il a mené une confrontation non seulement avec les Israéliens, mais aussi avec les Américains et leurs alliés. Il ne s’agit donc plus d’une faction palestinienne au pouvoir et au rôle limités, mais d’une composante qui a son poids dans le conflit israélo-palestinien.
De même, et c’est le dernier point que les membres du Hamas évoquent, cette organisation a réussi à établir un équilibre délicat entre le fait d’être le fer de lance de cette bataille et le principe de l’unité des fronts si cher à l’”axe de la résistance”, puisque le Hezbollah, Ansar Allah [la branche politique des houthistes yéménites] et les factions irakiennes sont intervenus en tant que forces de soutien. L’axe a donc été préservé sans que ses différents membres n’aient à payer un tribut trop élevé ou ne mettent en danger leurs propres intérêts. À ce stade, le Hamas estime donc avoir remporté une manche importante. Il lui reste encore à préserver cet acquis…
© Michel Jefroykin
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