Liliane Messika. Sortir d’un choc traumatique, là-bas et maintenant… et ici, demain

Otages, Ô désespoir

Ramat Gan, Israël, 29 novembre 2023 © CHINE NOUVELLE/SIPA

Le Hamas a mis au point la razzia barbare sur des civils sans défense.

Un lieutenant-colonel de Tsahal a mis au point une procédure en six points  pour sortir du choc traumatique en quelques minutes.

Otages au désespoir  Otages Ô Désespoir

Une cinquantaine des 240 otages kidnappés par le Hamas lors du pogrome du 7 octobre ont été libérés, plus de six semaines après des événements traumatiques dont aucun Français contemporain ne peut se faire une idée.

Les Israéliens, eux, sont plus habitués au combat. Mais pas à une sauvagerie pareille. 

La guerre du Vietnam, le 11 septembre, le Bataclan, ont donné lieu à mille et une fictions, qui ont popularisé la notion de SPT, syndrome post-traumatique.

La logique voudrait que ce soit le sort qui attend les otages délivrés.

Ce serait sans compter sur l’inventivité, l’adaptabilité et l’efficacité du petit État juif. C’est là que les groupes terroristes (« militants » en LFI dans le texte) rivalisent de barbarie. C’est donc là et nulle part ailleurs qu’a été mis au point le protocole de premiers secours psychologiques SIX’C / 6C© qui est maintenant la procédure standard déployée par les ministères de la défense et de la santé israéliens.

Rien à voir avec le Protocole des Sages de Sion

Le protocole SIX’C / 6C© a conquis Tsahal et l’armée américaine. Il permet d’acquérir les compétences pour dispenser les premiers soins psychologiques aux victimes, dès les premières minutes d’un événement traumatique. Grâce à lui, victimes et témoins retrouvent immédiatement leur capacité à fonctionner efficacement.

Le protocole, mis au point il y a quinze ans, s’est appuyé sur les recherches les plus pointues de la neuropsychologie appliquée au stress. Son fondateur, Moshé Farchi, lieutenant-colonel de réserve de Tsahal, maître de conférence en résilience et stress aigu à l’université de Tel Haï, s’est formé à l’université pour la théorie et sur le tas pour la pratique au sein de l’armée israélienne. Il est maintenant chargé de la gestion des crises sanitaires dans le gouvernement de son pays.

Emmanuelle Halioua est la responsable du programme en France et dans le monde francophone. En plus d’être ultra-compétente et surdiplômée, cette ravissante jeune femme est douée d’un sens pédagogique aigu. Malgré les 25 ans d’expérience en psychologie dans la prise en charge des personnes souffrant de SPT qu’elle revendique, on ne lui donne pas son âge (on ne le lui prêterait même pas !). À elle toute seule, elle convertit avec enthousiasme et efficacité des bataillons de volontaires en autant de sauveteurs sur le terrain. La preuve par le résumé ci-après.

Si c’est 6C, c’est parce qu’il y a 6 phases

Emmanuelle Halioua témoigne au Studio Qualita

Elles s’appellent Commitment, Cognition, Contrôle, Chronologie, Challenge et Communication.

Quand une personne reçoit un traumatisme (guerre, mais pas seulement : accident, agression, catastrophe naturelle…) elle est paralysée par la pensée de sa mort prochaine et de sa solitude face à celle-ci. 

C’est alors qu’intervient le premier C, qui correspond à commitment, engagement en anglais. L’engagement ne concerne pas le traumatisé, en état de choc, mais la personne qui va le sortir de sa sidération.

En français, être engagé a deux sens : celui de se sentir concerné et celui de se lancer dans l’action. Les anglophones ont deux mots : involvement et commitment. La différence s’explique en général par les œufs au bacon : la poule est involved, le cochon est committed.

Le C n°1 du protocole, c’est l’engagement que prend le sauveteur vis-à-vis de la personne en état de choc : « Je suis là, je ne te quitterai pas tant que tu ne seras pas en sécurité ».

Les deux C suivants, Cognition et Contrôle consistent à passer de l’émotionnel au rationnel. Face à quelqu’un qui est déjà envahi par ses émotions, le retour au cognitif se fait à l’aide d’un vocabulaire idoine. Trois questions ouvertes (auxquelles il ne suffit pas de répondre par oui ou par non) ont pour but de reconnecter le traumatisé à son cortex préfrontal, où siège le rationnel : quand cela s’est-il passé ? Comment cela s’est-il déroulé ? Combien étaient les agresseurs ?

Le fait d’avoir à y répondre redonne le contrôle de son cerveau à la personne en état de choc.

Le quatrième C, c’est celui de chronologie, pour sortir la personne de la confusion dans laquelle l’a plongée l’événement traumatique. En effet, on a remarqué qu’à la suite de la chute des tours jumelles, le 11 septembre 2001, des gens indemnes, cherchant à rentrer chez eux, se sont éloignés de leur domicile au lieu de s’en rapprocher, parce qu’ils n’étaient plus capables de se repérer dans l’espace. Rétablir la chronologie, c’est les reconnecter à leur Waze interne. 

Rappelons, incidemment, que Waze est le logiciel GPS le plus utilisé au monde, car distribué par Google, qui l’a racheté à ses trois créateurs. Trois question pour vous sortir de la confusion : quand était-ce ? le 11 juin 2013. Combien cela a-t-il coûté ? 966 000 $, soit à peu près 1,2 million pour chacun des cent salariés. Qui étaient les créateurs ? Trois étudiants israéliens : Ehud Shabtai, Amir Shinar et Ouri Levine.

Le Waze neuronal, lui, se reconnecte aussi en trois séquences chronologiques listées par l’intervenant : 1) l’avant : « Tu étais, avec 3000 personnes, au festival de musique Nova. Des terroristes ont surgi et ont tiré dans la foule » 2) le présent, ou état des lieux: « Tu es resté caché dans un arbre pendant 6 heures ». 3) l’après, qui doit exprimer clairement le fait que l’événement est terminé : « Maintenant, c’est fini, tu n’as pas été blessé et l’armée est en train de chasser les terroristes ». 

Cette verbalisation est le verrou qui empêchera le SPT de se développer ultérieurement : mieux vaut prévenir que guérir et ce d’autant que le syndrome post-traumatique est aussi difficile à guérir que les punaises de lit à éradiquer.

Dernières étapes, C5 et C6 : Contrôle et Challenge sont dans le bateau qui fait route toutes voiles dehors vers l’autonomie de la victime. D’abord on la « recrute » : « Maintenant, tu vas aller voir le sergent qui est sur le camion. Il va te donner des bouteilles d’eau à distribuer aux gens qui sont allongés dans l’infirmerie ».  Contraint à un effort, le traumatisé passe du mode passif à l’action. C’est là le « challenge », grâce auquel il reprend le contrôle de sa vie et redevient efficace.

La méthode des Six C, c’est efficace 

Elle est proposée aux militaires, aux pompiers, aux enseignants (ils sont de plus en plus nombreux à se voir menacer « d’un Samuel Paty »), à l’armée, aux médecins hospitaliers… Bref, à tous ceux à qui leur profession fait courir des risques mortels, mais aussi aux civils qui jouent les canaris dans les mines de l’antisémitisme. 

De fait, les Juifs sont sur-représentés dans les formations dispensées par l’équipe de Protocole Six. 

On ne doit pas les accuser de paranoïa : comme le rappelait le cinéaste Billy Wilder, « les pessimistes ont fini à Hollywood, les optimistes à Auschwitz ». 

© Liliane Messika

Source: Causeur

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1 Comment

  1. Le 7 octobre, nous avons subi un choc terrible en découvrant ce qu’il s’était passé dans les kibutzim . Nous sommes nombreux a en être affectés; il n’y a pas de remède pour ceux et celles, comme moi qui ne peuvent oublier.

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