Monsieur Tahar Ben Jelloun,
Aux lendemains des massacres du 7 octobre, vous publiiez une tribune courageuse [1] qui avait remué bien des consciences. « La cause palestinienne est morte, assassinée par le Hamas », écriviez-vous.
La pression a dû être forte pour qu’un mois après, vous reveniez « à la raison ». Une tribune très pensée[2], trop peut-être pour faire croire encore à votre compassion. D’abord l’émotion, puis la reprise de la rhétorique très jésuite de la réponse disproportionnée que les bonnes âmes adressent exclusivement à Israël depuis sa création. Il ne me semble pas, lors de la bataille de Mossoul -ville de deux millions d’habitants-, vous avoir entendu demander aux armées occidentales et locales de décréter un cessez le feu dans leurs combats contre Daesh, pour épargner les civils. Le deux poids deux mesures que vous et vos amis défouraillez comme argument suprême contre « l’Occident » se révèle pour ce qu’il est: une fraude.
Le pathos donc. Il n’y a pas de bons et de mauvais morts innocents. Un bébé mort, quelle que soit son origine, est une -j’allais dire « tragédie », mais je vous laisse ce mot de théâtre-, abomination. Mais pour vous, il semble d’abord que ce soit l’occasion d’exprimer votre lyrisme au service de cette cause bien suspecte: l’Oumma puissante et massive.
« Un père tient dans ses bras son enfant de trois ans, mort sous les bombardements. Il ne veut pas le lâcher. Il le serre contre sa poitrine. Il pleure et l’embrasse. Il pleure et ne dit pas un mot. Il regarde le ciel. La mort est tombée du ciel. Un ciel plein d’engins qui crachent des bombes à l’aveugle. On ne sait jamais, peut-être qu’un dirigeant du Hamas est caché derrière ses enfants.
Peut-être qu’une frappe ou plusieurs frappes finiront par anéantir tout le Hamas. Qu’importe le chiffre de morts. Qu’importe si les victimes sont des femmes ou des enfants sans défense. C’est la guerre, une guerre à armes inégales. Il est vrai que la tragédie du 7 octobre a été terrible et a tué aussi des enfants. Est-ce une raison pour que d’autres enfants, d’autres familles soient tués sciemment ? »
Qu’il est triste de voir un intellectuel se livrer à un exercice de dissimulation aussi pernicieux. Nommer les choses vous ferait-il si mal?
« Il est vrai que la tragédie du 7 octobre a été terrible et a tué aussi des enfants« . Ce n’est pas une tragédie, c’est un massacre, un pogrome digne des exactions des SS, pires peut-être. Et ce n’est pas « la tragédie » qui les a tués, ce sont des assassins sanguinaires du Hamas, des terroristes palestiniens qui sont venus annihiler du Yahoud, du juif, aux cris d’Allahu Akbar. Et ces assassins étaient accompagnés de centaines de civils gazaouis « innocents » venus pour piller, violer et massacrer.
« … a tué AUSSI des enfants ». Et éventré une femme enceinte bâillonnée dont on a sorti le bébé du ventre pour l’étrangler devant les yeux exorbités de la mère avant de la laisser se vider de son sang. Et violé des femmes devant leurs enfants avant de les exécuter ou de les prendre en otages. Et décapité des hommes déjà morts pour jouer avec leurs têtes. Et brûlé, encore brûlé, avec jouissance, bébés, femmes et hommes pour effacer leurs traces de cette terre qu’ils ont magnifiée. Et ce ne sont pas des rumeurs rapportées, ce sont des vidéos, la plupart filmées par les assassins du Hamas, qui hantent tous ceux qui les ont vues, que je tiens à la disposition de votre courage.
Le reniement à 180 degrés de votre lucidité d’un jour
Le reste de votre tribune n’est que le reniement à 180 degrés de votre lucidité d’un jour. Reprendre sans grande inspiration les éléments de langage communs de la propagande anti-israélienne vous réduit à un donneur de leçons éculées et vous disqualifie définitivement comme possible penseur et passeur de paix.
« Représailles et vengeance . Mais jusqu’à quand ? Combien faudra-t-il à Netanyahou de victimes palestiniennes pour que son désir et sa volonté de vengeance soient assouvis ?« . Pour préciser votre propos, vous auriez dû accompagner votre texte de la caricature connue du juif au nez crochu se repaissant du sang des enfants chrétiens.
Privilégier Netanyahu – dont la majorité des Israéliens espèrent, attendent le départ avant qu’il ne rende des comptes- comme cible de vos « accusations » est évidemment d’une grande malhonnêteté, et illustre votre méconnaissance totale de la société israélienne. C’est l’ensemble d’un peuple qui réclame l’élimination du Hamas pour ne pas parler de celle du Hezbollah. C’est une armée populaire, dont la hiérarchie historiquement à gauche, qui assume et assure les opérations et les frappes jamais à l’aveugle quoi que vous en disiez en toute ignorance -mais non sans perversité-.
Quel pays accepterait de vivre en permanence sous la menace terroriste de ses voisins? C’est pourtant ce que vous exigez d’Israël. Aucune vengeance ici, juste répondre à la déclaration de guerre du Hamas, l’autorité de référence qui dirige le territoire de Gaza. Israël a le devoir d’éradiquer cette organisation terroriste qui a, en une seule journée, assassiné, exécuté, torturé près de 1200 personnes parce que juives ou assimilées comme telles (parmi lesquels des arabes israéliens ou travailleurs étrangers) et pris en otages 239 êtres humains, bébés, enfants, femmes et hommes.
Je sais: la répétition -fastidieuse pour moi aussi-, du rappel de ces faits, du nombre de ces victimes auxquelles nous ne cessons d’associer un visage, doit vous paraitre insupportable tant vous traitez l’évènement en termes de masse. « La cause palestinienne est devenue une cause quasi universelle, représentant les populations de ce qu’il est convenu d’appeler le Sud, qui se reconnaissent dans l’écrasement du peuple palestinien« . Au nom de la cause. Votre prophétie apocalyptique façon choc des civilisations interroge. Ces palestiniens, vous n’en avez que faire et ils ne sont pour vous qu’un prétexte à encourager le ressentiment contre l’Occident -dont vous jouissez pleinement- jusqu’à convoquer les États et la rue arabe pour lui mettre la pression et le faire plier.
« C’est tout l’Occident dominant qui apparaît en train de bombarder des civils. C’est un ressenti planétaire et le monde occidental serait bien avisé de s’en rendre compte et de changer la politique de son soutien inconditionnel de la stratégie israélienne »:
Serait-ce, en creux, une menace? En désignant Israël comme acmé des problèmes du monde, vous reproduisez la vulgate antisémite du bouc émissaire qui nous collait aux sandales tout au long de notre errance. Israël, Juif des Nations? La soumission, la dhimmitude, il faudra vous y faire, sont révolues. Et difficile pour tout honnête homme -il en reste-, de croire que 15 millions de juifs représentent un danger existentiel pour 9 milliards d’individus dont 1,8 milliards de ces musulmans que vous appelez « à faire pression« , une expression dont les temps chaotiques que nous vivons imposent que vous donniez une définition. Le Hamas, après « avoir tué la cause palestinienne », aurait-il finalement fait suffisamment pression et ainsi retrouvé grâce à vos yeux en ayant, par ses massacres, « réouvert le dossier palestinien« ? Mieux que quiconque, vous savez que les mots dans ce contexte peuvent tuer.
« La stratégie israélienne ne fait qu’accroître la haine », osez-vous après les massacres du 7 octobre. Comme si,dans le monde musulman, cette haine du juif n’était pas culturelle, cultuelle et, il faut le rappeler, n’avait jamais attendu l’existence d’Israël pour se manifester. Et comme vous détestez la précision, il est temps de faire votre éducation ou secouer votre amnésie sur le sujet.
Pogroms de Safed en 1834, de Mascara en 1835. 1912 à Fès, le mellah rasé et 42 juifs morts. 1934, Constantine, 23 juifs tués. 1941, à Gabès, 6 juifs assassinés. 1929, Hébron, 67 juifs tués. 1945, Tripoli, 130 morts. 2 décembre 1947, Aden et Alep, 157 juifs massacrés. Et bien d’autres. Cette même haine du juif, que ma famille d’origine marocaine comme vous, a subie en 1948 à Djérada et à Oujda où plus de 80 juifs – dont des parents- sont morts, certains égorgés.
Monsieur Ben Jelloun, avec cette tribune vous avez certainement récupéré vos admirateurs dévastés par vos premiers écrits. Mais il est sûr que cette humanité et ce courage qui les caractérisaient se sont dissous, laissant place à une immense déception, au sentiment de honte que nous associerons désormais à votre personne. Une tache, à jamais.
© Georges Benayoun
Georges Benayoun est producteur de films et réalisateur de documentaires dont « Chronique d’un antisémitisme d’aujourd’hui », en accès libre sur le site de « France télévision ».
Notes
[2] https://www.lepoint.fr/monde/hamas-israel-le-danger-de-l-enlisement-14-11-2023-2542967_24.php
Vous avez déjà accorder votre confiance à Tahar ben Jelloun ? moi jamais.
Vu
Je pense à ce triste jour du 7 Octobre 2023, qui restera à tout jamais gravé dans nos mémoires….j ai lu dernièrement un article sur Dreuz via L Abbé Alain-René Arbez
« La Fatiha et la culture de la haine » Interprétation du verset 7 à travers les siècles
La première sourate du coran, la Fatiha, que les musulmans récitent 17 fois par jour, comporte un verset 7 où il est question de « ceux qui sont sous la colère d Allah » puis de ceux qui se sont égarés loin de sa volonté » c est-à-dire, pour être clair, respectivement les juifs et les chretiens, selon les commentateurs invariants au cours des siècles. Quelle pollution atmosphérique !!
ps : Lors du pèlerinage à la Mecque, les pèlerins tournent 7 fois autour du cube (Kaaba) pour le flageller. Je pense que la date du massacre, le 7 Octobre n a pas été choisie au hasard..
C’est le premier auteur musulman a avoir eu du succès en France. Je ne sais si ce succès est mérité, je l’ai pas lu, mais il a été instrumentalisé à une époque où il fallait démontrer qu’on n’était pas raciste. Il n’a pas à se plaindre car il en a bien profité. Je l’ai entendu parler deux fois. Une fois, dans les années 80, interviewé par Frédéric Mitterrand (?) qui lui avait demandé pourquoi il écrivait en français, la langue du colonisateur (sic), et pas en arabe. Sa réponse exacte je ne l’ai plus en tête mais elle disait clairement qu’ils n’y a pas de lecteurs arabes pour écrire dans sa langue maternelle. C’est à dire pas assez de lecteurs pour se faire du fric. Une autre fois, il parlait de sa mère qui était vieille qu’il aimait beaucoup et était restée au Maroc. A Tanger (?). Lui vivait en France et sa sœur s’occupait de la mère au Maroc. Ben Jelloun fait partie « des musulmans en grande majorité qui ne posent pas de problème à la République » (sic). Oui, ils sont en attente car ils savent que, quoiqu’il arrive, ils seront gagnants. Ils profitent de la vie en France, plus agréable que dans leur pays d’origine, et si, au bout du bout, la France devient musulmane, ils ne s’en plaindront pas. Ils pousseront des youyous de joie.