« J’ai l’impression qu’encore et toujours, le problème, c’est le mot juif » : Philippe Torreton se confie

Philippe Torreton sera présent dimanche à la marche contre l’antisémitisme. « Tout le monde doit y aller », martèle-t-il. SIPA/Syspeo

Philippe Torreton, célèbre acteur de théâtre et de cinéma, engagé à gauche, a récemment publié un texte choc où il dénonçait le silence collectif après l’attaque du 7 octobre contre Israël. La grande marche de dimanche contre l’antisémitisme doit être selon lui l’occasion de marquer enfin notre solidarité.

César du meilleur acteur en 1997, Philippe Torreton a toujours été un comédien engagé. En première ligne pour soutenir Ségolène Royal en 2007 puis François Hollande en 2012. Pour épauler Yannick Jadot lors de la primaire écologiste de 2016. Pour faire barrage au RN de Marine Le Pen lors du second tour de la présidentielle 2017. Pour combattre certaines injustices sociales et, plus récemment, plaider la cause climatique…

Un homme de gauche, donc, lui qui incarna Jaurès à la télévision. Désabusé, il disait il y a cinq ans « ne plus être concerné » par la politique. Jusqu’à ce 1er novembre où il publie sur le réseau LinkedIn un texte en forme de cri du cœur. Intitulé « Je suis juif », il y dénonce le manque de réaction en France après l’attaque meurtrière du Hamas, le 7 octobre, et la multiplication, depuis, des actes anti juifs en France. Dimanche, il participera « bien sûr, en famille et avec des amis », à la grande marche civique contre l’antisémitisme, comme il l’explique au Parisien, entre deux prises du tournage de ‘La fille sur l’étagère’, le premier film de Philippe Safir.

Pourquoi marcherez-vous dimanche ?

Philippe Torreton. Parce que je ne savais pas que je serais contemporain d’un pogrom. Des centaines d’hommes, de femmes, d’enfants atrocement massacrés pour l’unique raison qu’ils étaient juifs. J’ai toujours lu ça dans les livres d’histoire, c’étaient des images d’avant-guerre en noir et blanc.

Aujourd’hui, l’histoire sort des livres, redevient du temps présent. C’est insupportable. Plus on sera nombreux dimanche à marcher, plus on le dira, que c’est insupportable. Après mon texte, beaucoup de gens m’ont écrit pour me dire qu’ils se sentaient moins isolés, moins perdus. Qu’un non juif puisse écrire cela leur met, je crois, un peu de baume au cœur. Aller à cette marche, c’est manifester cette même empathie, que nous devrions tous avoir.

Ce n’est pas le cas ?

Elle doit être là, mais… Ce qui me choque, c’est la non-expression de cette empathie, noyée sous les considérations électoralistes. Cette masse de silence m’a consterné. Elle nous a déjà perdus par le passé et nous perdra encore. Ces 1 500 Israéliens assassinés, c’est proportionnellement comme si plus de 10 000 Français avaient été massacrés. Souvenons-nous de notre état de sidération après le Bataclan, et mettons-nous à leur place en ce moment. Ayons ce minimum de décence et de courage en allant marcher dimanche. Témoignons-leur notre solidarité dans cette souffrance.

Pourquoi ce « silence », selon vous ?

J’ai l’impression qu’encore et toujours, le problème, c’est le mot juif. Israël est un État juif et c’est visiblement le mot de trop. On en est bassement là. Comment imaginer que cet État ne puisse pas riposter face à la barbarie islamiste ? Cela ne m’empêche pas de penser au sort des Palestiniens. Mais j’ai toujours l’impression qu’avec Israël, il y a une intransigeance qu’on ne retrouve pas ailleurs, un deux poids deux mesures.

« Je vois le cynisme et le clientélisme d’extrême gauche bégayer », dénoncez-vous dans votre texte. Que vous inspire l’attitude de la France insoumise depuis le début du conflit ?

Je n’ai jamais voté pour Jean-Luc Mélenchon mais là… Je peux vous dire que cela va au-delà. Je ne pourrai jamais cautionner la moindre alliance avec des gens de la France Insoumise qui ne seraient pas démarqués de lui. Son comportement, ses mots… La scission est irrévocable. Il souffle constamment sur les braises, divise toujours plus la société. C’est un traître à la patrie, voilà.

Vous, l’homme de gauche, vous devez être gêné de participer à une marche où le RN de Marine Le Pen sera également présent ?

Ce qui me gênerait, c’est de lui tenir la main (rires), mais comme je ne serai pas à côté d’elle… Mes convictions à gauche sont suffisamment ancrées pour que je puisse défiler avec des gens qui ne pensent pas ou ne votent pas comme moi. Tout le monde y a sa place, tant qu’il y va pour les bonnes raisons. Si on n’est pas capables de se réunir le plus largement possible dimanche, c’est à désespérer.

Gauche-droite, on s’en fiche ?

Je vais vous dire une chose : ce clivage m’insupporte. Ça ne fait plus sens. C’était bon pour la vieille politique à la papa, quand on ne se rendait pas compte des épées de Damoclès climatiques au-dessus de nos têtes. On devrait être dans une alliance sacrée pour que nos enfants et petits-enfants aient un avenir, pour que la France change radicalement de braquet, pour qu’on défende ensemble les valeurs de démocratie et de liberté qui nous sont chères.


Vous aimeriez qu’Emmanuel Macron participe à cette marche ?

Tout le monde doit y aller. Si le président y est, c’est encore mieux, évidemment. J’espère de tout cœur qu’on sera le plus nombreux possible, comme nous l’étions pour Charlie le 11 janvier 2015. Sinon, cela en dira long sur l’état du pays.

Propos recueillis par Charles de Saint Sauveur

https://www.leparisien.fr/politique/jai-limpression-quencore-et-toujours-le-probleme-cest-le-mot-juif-philippe-torreton-se-con

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