Renée Fregosi. Cette passion dévastatrice anti-Israël est aussi un crime contre la raison 

Israël-Palestine : L’antisionisme est la permission d’être démocratiquement antisémite selon Renée Fregosi.

Caractérisé par son fondement islamiste et sa dimension révolutionnaire, le propalestinisme est avant tout une passion. Il consiste en un engagement inconditionnel en faveur de ladite « cause palestinienne » et son but stratégique est la destruction d’Israël et sa tactique, la délégitimation de l’État juif notamment par la victimisation obsessionnelle des populations palestiniennes. Or l’idéologie propalestiniste est aujourd’hui devenue une vulgate hégémonique car elle a insidieusement gagné les esprits de façon majoritaire. Et cela non seulement dans les pays dits « musulmans » jusqu’en Indonésie, mais aussi en Occident et tout particulièrement dans le monde anglosaxon et en France, grâce à l’adhésion progressive d’une grande part de la gauche politique, des intellectuels et des médias. Depuis l’épouvantable raid terroriste du Hamas en Israël, le 7 octobre dernier, on voit ce propalestinisme lamentablement à l’œuvre.

À peine découvre-t-on ce matin-là l’ampleur des assassinats, tortures, dévastations, enlèvements, et l’indicible des crimes contre l’humanité commis par le Hamas, que des manifestations de masse contre Israël se lancent dans les rues, du Caire à Téhéran, de Tunis à Jakarta en passant par Damas ou Istanbul. De New-York à Londres et bien sûr dans les grandes villes de France, des rassemblements en soutien au « peuple palestinien » se tiennent aux cris de « Israël assassin » et du sinistre « Allahu akbar ». En somme, l’attaque contre la population civile israélienne serait méritée puisqu’il y aurait, selon le communiqué de LFI (La France insoumise), une « intensification de la politique d’occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est », et que le Hamas serait un « mouvement de résistance ».

Ce penchant pour la logique de l’excuse trouve naturellement un écho dans le monde médiatique, souvent sous le couvert hypocrite d’une posture « équilibrée » renvoyant dos-à-dos Israéliens et Palestiniens. Et lorsque le 17 octobre, une explosion se produit dans la cour de l’hôpital Al Ahli de Gaza, la presse écrite et audiovisuelle occidentale, relayant l’annonce de la chaîne qatarie Al Jazeera, se précipite sans réflexion dans une dénonciation plus ou moins directe : il s’agirait d’une frappe de Tsahal, faisant près de 500 morts dont de nombreux enfants et femmes enceintes. Bien sûr, les jours suivants apporteront les éléments techniques probants disculpant l’armée israélienne et réduisant considérablement le nombre des victimes, mais le mal est fait et la plupart des médias qui se sont rendus complices de la fake news resteront très discrets sur leur coupable bévue. Pourtant, la simple raison leur aurait fait au moins soupçonner qu’Israël n’avait aucun intérêt, bien au contraire, à lancer un tel bombardement au moment même de la visite de Jo Biden et à la veille de sa rencontre importante avec le président égyptien Al Sissi et le roi de Jordanie, qui a de ce fait été aussitôt suspendue.

Le monde intellectuel, hélas, peut parfois être paradoxalement enclin aux engouements irraisonnables et aux emballements conduisant au pire. Sans remonter aux centaines d’universitaires de toutes disciplines, de la philosophie à la biologie, du droit à l’archéologie, en passant bien sûr par la médecine et l’histoire qui ont légitimé et structuré l’idéologie hitlérienne, ou ces « intellectuels engagés » qui ont soutenu aveuglément non seulement Castro, mais aussi Staline, Mao et Pol Pot, il suffit de constater aujourd’hui comment l’idéologie woke et la propagande islamiste ont envahi les campus. Le plus troublant est la convergence et la collusion entre wokisme et islamisme. À y regarder de plus près cependant, on constate que la même la passion « décoloniale » anime les deux mouvements, et cette passion est tellement puissante qu’elle balaie toute réticence des wokistes à tenir des position propalestinistes. Comment expliquer autrement par exemple, que des militants LGBTQ++ aient fondé un mouvement spécifique « Queers for Palestine » (Les homos pour la Palestine) alors que les islamistes les persécutent, allant jusqu’à les assassiner des pires façons dans les attaques jihadistes ? Leurs banderoles ont ainsi fleuri dès le 7 octobre à Times Square à New-York et sur plusieurs campus, lors de manifestations de soutien au Hamas.

Dans la vision fantasmatique conjointe que la plupart des wokistes partagent avec les islamistes, le Juif demeure en effet l’exploiteur capitaliste et le financier « suceur du sang du peuple » de l’antisémitisme de gauche traditionnel, avec son versant complotiste de « maître du monde », mais il est devenu de surcroit, colonialiste. Mondialiste après avoir été « cosmopolite », le Juif n’est plus l’apatride, le « métèque », le « sang-mêlé », la « race inférieure », voire le « sous-homme » de l’antisémitisme raciste de jadis mais devient au contraire le « super-blanc » dans une conception racialiste de la domination : suppôt de l’impérialisme américain, ancien supplétif des colons français et nouveau « colon » des « territoires occupés » ( « disputés »  de fait, après que la Jordanie qui s’en était emparé en 1948 en a été chassée par la guerre des Six-jours en 1967).

Dans ce justicialisme « antisioniste » et propalestiniste, la victimisation du peuple est, comme dans tout simplisme populiste, consubstantielle à l’affirmation de l’impunité des puissants et au prétendu « deux poids deux mesures » qui les favoriserait toujours. Le justicialisme consiste en une posture qui réclame la justice tous azimuts pour « les petits, les dominés, les discriminés, les exclus » considérés comme systématiquement « stigmatisés » et injustement persécutés, tandis qu’une injustice foncière organiserait l’impunité des puissants, des privilégiés, des élites corrompues et licencieuses, des dominants, des bénéficiaires de la mondialisation. Or parmi les favorisés, les Juifs accusés de « profiter » de tout y compris de la Shoah, occupent une place privilégiée en quelque sorte. Le « privilège juif », cet hashtag qui s’est répandu comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux depuis 2020, a été inventé comme justification ultime de cet antisémitisme contemporain.

Les Juifs seraient donc des colonisateurs qui usurperaient la terre des Arabes et plus particulièrement desdits Palestiniens, allant jusqu’à réaliser un génocide du « peuple palestinien », en se faisant passer pour des victimes, comme le faisaient les nazis, dont les Juifs seraient une nouvelle incarnation. Vladimir Jankélévitch était donc visionnaire dans un texte de 1967, repris dans l’ouvrage posthume « L’imprescriptible », quand il dénonçait ce retournement de la raison rationnalisante : « L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les juifs étaient eux-mêmes des nazis? Ce serait merveilleux ».

© Renée Fregosi


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