Shabat dans une famille juive du 93. Il y a du monde, peut être même plus que d’habitude, tant le besoin de se tenir chaud s’est imposé à tous. Autour de la table dressée par Juliette, une très chère amie qui m’en fait le récit, ses deux filles, son ex-mari, encore de la famille, des amis, d’autres enfants.
Deux semaines sont passées depuis le massacre génocidaire du Hamas dans le Sud d’Israël. Après la sidération, les révélations de l’abomination, de ces actes bestiaux faits aux nôtres, au genre humain, est venu le temps de la peur. Pour les juifs d’Israël et de diaspora.
On parle bien sûr de là-bas, de ceux qu’on connaît qui ont perdu un être cher, des enterrements qui s’enchaînent. Et puis on se rapproche, à moins de deux kilomètres, dans le 20eme arrondissement. On parle de ce couple d’octogénaires, les parents d’une cousine proche de Juliette, dont la porte de l’appartement ainsi que la mezouza fixée sur ses montants avaient été incendiées la veille, en pleine nuit. Ici, là bas, une même culture de haine.
Vers la fin du dîner, l’ex mari de Juliette s’est levé pour annoncer à son ex-femme que pour sa sécurité et celle de leurs deux filles il allait retirer la mezouza extérieure de l’appartement. Pour mon amie, qui depuis son premier jour, a vécu sous la « protection » de ce parchemin, c’est l’effondrement. Comme la déclaration d’une capitulation.
Sa plus petite fille assiste son père et une fois la mezouza enlevée – dans les pleurs -, elle se précipite dans sa chambre, pour revenir avec un pot de peinture brune, qu’elle tend à son père pour effacer la marque laissée par la mezouza, -tel un vêtement déchiré signalerait le deuil- .
PS: l’incendie de la porte de l’appartement fait l’objet d’une enquête judiciaire. Le présumé auteur de ce crime a été appréhendé. Il s’agirait de Mohamed B., voisin du couple d’octogénaire. Il a été admis à l’infirmerie psychiatrique de la Préfecture de Paris.
C’est curieux, quand il s’agit de crimes contre les juifs, cette tendance à psychiatriser les criminels. Comme si la folie excusait et relativisait l’antisémitisme.
Quant à la mezouza de Juliette, elle s’est retranchée à l’intérieur de son appartement.
© Georges Benayoun
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