Ils s’appelaient Sigal, Amit, Shimoni, Yair… Ils avaient des prénoms, une histoire

Ils ont dansé avant de mourir. Ils se sont aimés, ils ont cru en leur jeunesse et en l’avenir. Ils ont bu et trinqué en criant « Le’chaim… À la vie », sur une musique trop forte pour s’entendre rire. 

Ils se sont préparés devant leur miroir, se sont faits beaux. Ils ont hésité à mettre telle ou telle tenue. Ils ont embrassé leurs parents en promettant d’appeler et certains ont dû leur rire au nez en lançant un « T’inquiète, c’est bon »! 

Avec désinvolture.

Ils ont dansé, bu et trinqué. 

Il y en a qui sont partis main dans la main pour fêter l’amour. 

D’autres  sont partis entre copines se détendre avant de reprendre leur vie de maman.

Des copains en route à la recherche de l’âme sœur.

Toute une nuit à trinquer, à boire et à danser. 

Ils avaient 20 ans, 18 ans, 32 ans. Ils s’appelaient Sigal, Amit, Shimoni, Yair… Ils avaient des prénoms, une histoire. 

Assassinés parce que juif. Comment imaginer que quelques heures après,  l’horreur les attendait ? Plus que l’horreur: l’enfer sur terre.

Le soleil à peine levé, les ténèbres les ont frappés.

Et ces enfants. Qui ont joué avant de s’endormir au Lego, à la PlayStation peut être, qui s’étaient promis de se retrouver pour un foot entre copains le lendemain. 

Ceux qui, tranquillement, au son de la boîte à musique se sont assoupis, gazouillant encore dans leur berceau. 

Ceux qui se sont aimés, enlacés, dans l’intimité de leur chambre à coucher.

Ces vieux qui ont peut-être râlé sur leurs jambes ou leurs dos fatigués.

6h30 du matin. L’enfer les attendait, les monstres au pied de leurs portes. Des bêtes sauvages assoiffées de sang. 

Puis le néant…

Je m’efforce d’être politiquement correcte, réfléchissant avec ma tête. Mais ma tête ne fonctionne plus. Il faut un cœur pour cela! Le mien est en miette, le mien ne contrôle plus ce cerveau qui essaye à tout prix de chercher une porte de sortie. 

Il explose de rage, de colère, de trop de douleur, d’incompréhension, de sidération. L’ignominie n’est pas morte. Elle existe encore et encore, comme si on ne le savait pas…

Et puis … les mots n’ont plus de sens, ces mots, ceux qui veulent décrire ce que l’on ressent profondément, à l’intérieur, tout dedans. 

Les mots dérisoires face à la grandeur des sentiments qui se battent dans notre être tout entier. 

Cette espèce de flou au petit matin quand on se réveille et que le rêve est encore présent mais déjà lointain.  A se demander si c’etait réel. 

On essaie de continuer nos vies, nous autres qui n’avons pas été touchés. 

Pourtant, s’il y a dans l’atmosphère cette énergie qui nous unit les uns et les autres, la tristesse nous rattrape: on ne peut y échapper. 

Et alors on comprend tout le sens de ces quelques mots que l’on prononce souvent : « Le Am Israël. » Nous sommes tous unis, nous faisons Un, Un dans la misère, Un dans la joie.

Comme ces jeunes soldats qui se sont mariés en uniforme. Oui, il y a aussi de la joie dans ce chaos, et les larmes sont brouillées par tous ces sentiments mêlés.

Il nous faudra du temps… 

Oh, on reprendra vite le chemin de nos projets, on rira encore à gorge déployée. Mais… 

Sursauterons-nous encore au moindre bruit ? Nos rêves ne seront-ils pas hantés entre des visages d’enfants et des hommes en noir ? Continuerons-nous à fermer nos portes à double tour en vérifiant par deux fois ? 

Sentirons-nous encore cette espèce de liberté dans les rues de la ville le soir quand il est tard ? Cette sécurité qu’on est venue chercher dans le pays qui nous la promettait.

Il nous faudra du temps, même si on peut penser le contraire. 

Nos âmes ont été souillées de trop d’images insupportables. 

Les nuits sont courtes, et les  jours trop longs…

Que nos otages rentrent à la maison…

© Isabelle Didi Oliel

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