Nicolas de Pape. Massacres en Israël: la gauche française vous agace? Attendez d’entendre la gauche belge…

Un naufrage total

Le professeur pro-palestine François Dubuisson invité sur la RTBF. DR.


Englués dans le prêt-à-penser ou le communautarisme, médias et politiques belges de gauche ont relativisé les attaques terroristes subies par Israël.

En Belgique, la plupart des hommes politiques et des intellectuels francophones rechignent à condamner la barbarie du Hamas. Ils sont victimes du « syndrome La France Insoumise ». Le clientélisme électoral nauséabond en direction des électeurs musulmans en est l’une des raisons, mais force est de constater qu’on est face à un véritable et total effondrement moral.
En tant que centre djihadiste mondial, qui a enfanté les terroristes du Bataclan et de Zaventem, la Belgique francophone semble ne jamais tirer les leçons.

À côté de la RTBF, France inter c’est des fachos !

L’estompement de la norme commence bien sûr par le service public audiovisuel. La RTBF, Radio télévision belge francophone, est une sorte de France-Inter en pire, où 250 journalistes, tous de gauche, sont obsédés par le réchauffement climatique, la dysphorie de genre, l’extrême droite imaginaire et… la cause palestinienne. Le soir du massacre des innocents juifs, le 7 octobre, le journal télévisé interroge François Dubuisson, professeur en droit international à l’Université libre de Bruxelles, une université de tradition anticléricale créée par la franc-maçonnerie et qui défendait jadis le libre-examen, soit le refus de tout dogme. Pour ce spécialiste, le Hamas a voulu simplement « rompre les lignes ». Il critique au passage le Premier ministre belge, Alexandre De Croo, qui, comme tous les dirigeants d’Europe, a condamné sans équivoque l’attaque aveugle du Hamas sur X (ex-Twitter).

De Croo pécherait par « manque de contextualisation », à entendre Monsieur Dubuisson. Alors qu’aucune condamnation ne sortira de sa bouche, « il fau[drait] rappeler que les illégalités (sic) sont commises au départ par Israël, qui maintient un blocus militaire à l’encontre de Gaza depuis 16 ans, ce qui est équivalent à une agression en droit international », précise M. Dubuisson. En face, le présentateur, Laurent Mathieu, tel un stagiaire, apporte, pour toute contradiction, un « éclairez-moi ». Le professeur aurait pu alors rappeler, par exemple, qu’Israël a retiré de Gaza, unilatéralement, depuis 2005, l’ensemble des 8 000 « colons ». Que le Hamas a éliminé ses opposants politiques notamment les cadres du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas. Ou que l’organisation islamiste, financée par la théocratie iranienne qui a récemment massacré sa jeunesse, fait régner la terreur sur la bande de Gaza. Mais il ne faut pas trop y compter. Un expert neutre ? Dubuisson est en fait formateur en « apartheid israélien » et conseiller de BDS (boycott Israël)[1]. Est-ce vraiment le candidat parfait, pour commenter le pogrom de la rave party dans le sud d’Israël qui a fait 200 morts ?

Unique en Europe

Le lendemain, on a droit, toujours à la RTBF, à l’inénarrable Alain Gresh, ancien du Monde Diplomatique et journaliste à OrientXX1.info, qui relativise la nature « terroriste » du mouvement palestinien Hamas, pourtant inscrit comme tel sur la liste de l’Union européenne. « Écoutez, l’utilisation du mot terroriste me semble abusif », avance le journaliste. Jean Quatremer, spécialiste Europe pour « Libération », s’en est indigné : « Fascinant de voir le nombre d’islamo-gauchistes invité par la RTBF, de Dubuisson à Gresh, ce dernier estimant sans surprise qu’il est abusif de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. On n’est jamais déçu par le service public belge francophone ».

Les deux séquences ont provoqué de trop rares réactions dans la sphère politique belge. Le Mouvement réformateur (centre-droit), qui siège au conseil d’administration de la RTBF, réclame des explications. Son président, Georges-Louis Bouchez, affirme : « La RTBF n’a pas invité un expert pour traiter du conflit israélo palestinien lors de son JT, mais bien un militant pro-palestinien. C’est bien évidemment le droit de Monsieur François Dubuisson de l’être, mais que dire de la déontologie de la chaîne publique ? Des explications sont nécessaires ». Georges Dallemagne, du parti Les Engagés (centriste), ancien médecin d’Handicap International et témoin de nombreux autres massacres dans l’histoire récente, a tweeté : « C’est abject. Israël subit le plus vaste attentat terroriste au monde depuis le 11 septembre, avec une cruauté inédite (même des enfants battus, filmés pour terroriser leurs parents) et la RTBF invite un ‘expert’ qui justifie ces monstruosités. Unique en Europe ». [2] Pressée de toutes parts, la RTBF présente de pâles excuses le lundi, tout en essentialisant la communauté juive qui serait la seule choquée[3].

Quelques jours plus tard pourtant, rebelote au pays du surréalisme, Koert Debeuf, « expert » du Moyen-Orient affirme : « Bombarder Gaza en représailles aux attaques du Hamas, c’est comme si l’armée belge décidait de bombarder Molenbeek suite aux attentats terroristes du 22 mars ». Grotesque comparaison ! Mais au moins reconnaît-il indirectement que le Hamas est bien terroriste. Contrairement à la présidente de la Chambre des Représentants, Eliane Tillieux (Parti socialiste), interrogée par Martin Buxant (RTL-TVI) qui est incapable de qualifier convenablement les attentats barbares du Hamas. M. Buxant lui demande : « Mais les terroristes, ce n’est pas Israël, c’est le Hamas ? Qu’on se comprenne bien ? » Réponse : « Écoutez, à partir du moment où il y a atteintes au droit international de part et d’autre. Je ne sais pas où (sic) nous devons qualifier les attaques de terroristes, mais globalement les atteintes au droit international sont à combattre… » Les Ecolo-J (la jeunesse du parti écolo), eux, marchent carrément à côté de manifestants criant « Israël Assassin ». Le 11 octobre, la FGTB (syndicat socialiste) se retire in extremis d’une manifestation pro-Hamas. Quel contraste avec la Flandre où Bart De Wever, maire d’Anvers, clame : « Il n’y a qu’un seul camp à choisir, c’est celui d’Israël », et hisse le drapeau israélien au sommet du château médiéval Het Steen.

Drague du vote musulman

Comme La France Insoumise, la gauche wallonne est engluée dans le communautarisme, se partageant notamment à Bruxelles les Arabo-musulmans (PS), les Turcs (Ecolo) et les Africains (Les Engagés). Les élections législatives fédérales (et régionales), qui auront lieu en même temps que les élections européennes, ravivent peut-être l’appétit de bien des hommes politiques. Surtout que le PTB (Parti des travailleurs belges, communiste), qui refuse de condamner le Hamas, est déjà crédité de 20% des voix et taraude le Parti socialiste…

Mais le problème dépasse donc largement ce simple clientélisme électoral. Il n’existe plus guère de réel contre-pouvoir, en Belgique francophone. En France, la gauche laïque (Parti communiste, Parti socialiste et évidemment gauche macroniste) a condamné sans concession la barbarie du Hamas. Les compromissions de LFI avec le Hamas sont finalement isolées et suscitent bien des réactions scandalisées, d’autant que droite et droite nationale sont désormais invitées sur les plateaux de télévision dans l’hexagone et y assurent un pluralisme véritable. En Belgique, rien de tel. Et le poids électoral lilliputien de la communauté juive au regard de la population (35 000 âmes sur 12 millions d’habitants) explique aussi pourquoi la cause palestinienne y est érigée en véritable passion : elle vous range dans le camp du Bien et vous assure un confortable matelas électoral. L’excellent média juif, Regards, parle à cet égard d’ « antisionisme empathique ». C’est lors de la deuxième intifada que le narratif anti-israélien s’est véritablement installé au pays de Magritte. Les invités sionistes ou pro-israéliens étaient alors quasi-absents des médias. Les experts sont toujours pro-palestiniens, qu’ils soient belges ou français, d’Alain Gresh à Pascal Boniface. On a droit aussi, un peu partout, à une série impressionnante de Juifs « honteux », antisionistes, ou encore à l’inévitable Union des Juifs progressistes de Belgique, qui taxe Israël d’ »apartheid » à son tour.

Dans ce maelström anti-israélien surnagent le courageux Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, le blogueur Marcel Sel et l’ancien soutier du Parti socialiste, Merry Hermanus. Observateur averti de la Belgique, Jean Quatremer, déjà cité plus haut, observe finalement sur Twitter de manière assez désabusée que « le festival de la gauche francophone belge se poursuit. En fait il n’y a que les libéraux du MR pour sauver l’honneur de ce pays en voie d’évaporation… »

© Nicolas de Pape

Dernier ouvrage paru: Sur la nouvelle question juive. Nicolas de Pape. Préface de Joël Rubinfeld. Texquis Éditions. 2020.


Notes


[1] https://www.association-belgo-palestinienne.be/%C3%A9v%C3%A8nement/bds-un-pas-vers-lavant-entre-liberte-officielle-et-repressions-officieuses

[2] https://twitter.com/GLBouchez/status/1710915724523221404

[3] « C’est vrai qu’il n’a pas été rappelé dans cette interview précisément que le Hamas est sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. Cela avait été dit précédemment, dans ce même JT, mais cela n’a pas été rappelé dans cette interview. Cela a suscité une émotion vive au sein de la communauté juive (sic). Évidemment, nous le regrettons. Ce n’était pas notre intention. La RTBF qualifie les actes du Hamas de terroristes ».


Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*