Ce qui suit ne relève pas d’un désir narcissique de me répandre mais d’évoquer un parcours de citoyenne française vaguement ( sans exaltation et rêve de grand soir ) de gauche depuis l’adolescence et dont les points de repères intellectuels et politiques « de départ » permettent, je le crois, d’éclairer la bifurcation des uns vers l’antisémitisme le plus crasse, la confusion de pas mal de gens rejetant l’antisémitisme mais n‘en mesurant ni l’importance ni les ressorts et par ignorance – car il faut se pencher sur l’Histoire et les données politiques- établissant des équivalences d’injustice et d’horreurs, israéliens et palestiniens s’indignant tour à tour ) et la prise de conscience progressive d’un impératif catégorique d’être aux côtés des juifs et aujourd’hui d’Israël.
Impératif catégorique qui concerne notre définition de ce qu’est d’être un humain et notre avenir à tous
Je répondais à une amie qui écrivait : « il est dur de parler à un non-juif ».
Que mes amis juifs perçoivent dans mon récit les pierres blanches et noires que politiques, intellectuels, citoyens pourraient utiliser pour faire un contre-discours et déciller notamment les syndicats qui auraient dû appeler à des manifestations massives hier pour Toulouse, aujourd’hui pour Israël, comme ils le firent pour l’attentat de la rue Copernic.
Que mes amis non-juifs comprennent combien il est essentiel et VITAL pour tous de soutenir nos concitoyens juifs et le peuple d’Israël.
« Je trouve dingue au sens de stupéfiant et aussi d’infinie tristesse de lire qu’il est difficile pour un juif de parler à un non-juif et puis, si j’y réfléchis quelques secondes, je comprends et je vois tous ceux que j’ai exaspérés depuis des années quand je dénonçais l’antisémitisme « new look » ou encore l’instruction et les décisions scandaleuses dans l’Affaire Halimi ..
Si je remonte dans le temps, deux choses me viennent à l’esprit :
– Ado, jeune adulte, votant à gauche mais dès le départ sans exaltation, je crois que si on m’avait parlé d’Israël et des Palestiniens j’aurais pensé bêtement et tel le chien de Pavlov que les Palestiniens avaient été chassés de chez eux, tout simplement ; je me disais aussi que les Juifs étaient légitimes à vouloir un pays après la Shoah ignorant alors l’Histoire réelle et ça, comment dire, n’allait pas plus loin ni intellectuellement, ni politiquement, ni émotionnellement.
Mais ces quelques mots constituaient un prisme fait d’ignorance, prisme qui pourtant allait, au fur et mesure des années, constituer le socle pour d’autres ( disons pour simplifier une grande partie de la gauche ) du glissement progressif vers le mot pavlovien aussi d’ »antisionisme » puis d’ »antisémitisme » pur et simple avec un faux nez.
– Pendant de très nombreuses années, je dissociais totalement Israéliens et juifs; je me souviens de la manif suite aux attentats de la rue Copernic: je haïssais l’antisémitisme mais je m’en foutais assez, ou pas plus que d’autres situations internationales, sauf pour en déplorer les effets terroristes d’Israël et des Palestiniens.
Ma haine de l’antisémitisme était, comment dire ? « Spontanée » et je ne m interrogeais pas sur les ressorts et significations de l’antisémitisme.
Et puis il y a eu deux évolutions chez moi, profondes, qui ont déterminé mes axes de pensée et de position à avoir :
– 1 : la lecture de ce que moi, catho, j’appelle Ancien Testament, et ce fut un éblouissement, une révélation aux sens les plus forts de ces termes : cette lecture m’a inscrite dans la lignée humaine dont la condition est intemporelle ( je me disais : ces juifs pouilleux dans le désert, ils se volent, ils se tuent, ils se trompent et soudain, un éclair, une note juste, un souffle, des fulgurances : le logos de vie ! ) et m’a fait accéder à un rapport poétique au monde et au temps.
J’ai vu dans le récit biblique notre structure psychique, un dialogue évolutif de l’Homme avec son Dieu, c’est-à-dire avec l’idée qu’il se fait de Lui, c’est-à-dire encore avec lui-même.
J’y ai vu une conception de l’Homme qui se sait non tout puissant mais faillible, qui voit le miracle d’avancer dans la Foi ( c’est « être en état de foi » et pas « l’objet de la foi » qui compte ) , dont l’humour n’est ni ricanement ni moquerie mais le rire de l’humilité et parfois de la Joie.
Et puis j’ai aimé cette idée de « Peuple du Livre » que la France, pays des livres, devrait particulièrement comprendre et célébrer.
C’est là que j’ai compris bien des ressorts de l’antisémitisme plus forts, plus archaïques je crois que les discours classiques sur le peuple déicide, cosmopolite et riche ( importants car ils nourrissent la gauche du 19 ème siècle, de la droite bourgeoise et de l’extrême droite ) et qui ont à voir avec l’universalisme du judaïsme qui pourrait sembler paradoxal car ce n’est pas une religion messianique et l’humanisme résultant de l’image que les Juifs se font de l’Homme qui n’est pas Dieu, qui n’est tout puissant qui est rétif à toutes les idéologies de la Force et aux mythologies auxquelles elles se rattachent. Par son existence même, le fasciste ivre de volonté de puissance ressent confusément un danger …
Et puis sont venues les années 90, cette décennie noire en Algérie et le surgissement en Europe et en France ( qui a accueilli nombre d’islamistes algériens au nom de la CDEH ..), de l’idéologie totalitaire , névrotique, perverse et profondément antisémite des Frères Musulmans et autres salafistes.
La suite, on le connaît avec la contagion de ces idées et la perméabilité des partis et syndicats de gauche sensibles à l’antiracisme et à la cause des Palestiniens et mélangeant tout, ne voyant pas que progressivement, l’antisionisme qui devenait une cause de plus en plus prégnante dans toutes les manifestations était le faux nez de l’antisémitisme, l’antisémitisme musulman venant réactiver et s’agréger au vieux fond des préjugés antisémites « domestiques ».
– C’est avec la multiplication des actes et discours antisémites et la complaisance des partis de gauche de la gauche et le départ pour Israël de beaucoup de mes concitoyens juifs pour Israël qui me tordait de honte pour notre pays et d’infinie tristesse que j’ai commencé à regarder de plus près l’Histoire de la création d’Israël et ai compris qu’on ne pouvait absolument pas réduire cette Histoire au désir récent historiquement du Retour des Juifs et parallèlement ai compris viscéralement ce désir quand des Juifs Français dont des enfants ou des vieillards se font assassiner parce que juifs et qu’on entend la ritournelle de l’évocation du sort des Palestiniens, ce qui est littéralement du racisme …
Voilà comment, progressivement, d’une haine de l’antisémitisme initial, d’une perception néanmoins simpliste ou plutôt superficielle de ses ressorts notamment impensés et que je classais à l’extrême droite exclusivement ou encore des données / Israël -Palestine, progressivement par l’incursion relevant de l’intime dans le récit biblique et par l’observation de plus plus atterrée et bouleversée des dérives de plus en plus obscènes d’une grande partie de la gauche face au totalitarisme fasciste des Islamistes et vers l’antisémitisme le plus vomitif, j’ai évolué :
– Mon soutien à mes concitoyens juifs est indéfectible.
– Les Israéliens sont mes frères, ce qui ne m’empêche pas, comme nombre d’entre eux, de critiquer vivement et souvent la politique d’Israël.
Je le fais par grandeur d’âme et par solidarité ?
Non, je dis que c’est « monté en moi » progressivement jusqu’à devenir une conviction viscérale.
Je dis que c’est pour moi mon idée de l’Humanité, ma CERTITUDE que tuer des Juifs car Juifs ou vouloir la destruction d’Israël au nom , in fine , d’un droit de propriété que les arabo -musulmans auraient sur cette partie du monde ( alors tuons et détruisons les pays musulmans des Balkans si on va par là !!!) , c’est permettre le triomphe des logiques du Mal et de la Mort dans le monde.
Je vous défends ? Je me défends !
Voilà pourquoi, à ma mesure dérisoire, je débats, je me débats, je me démène sur les réseaux sociaux !
Enfin, ce que je voudrais que mes amis français juifs et mes amis israéliens comprennent : Ils se sentent seuls car nous devrions être multitude à défiler dans les rues mais voyons bien que les manif massives en France sont organisées par les partis et syndicats de gauche; seuls eux savent le faire efficacement et ces partis et syndicats ont trahi et nous sommes démunis.
Autour de moi, je ne vois que des gens extrêmement choqués et enfin, on commence médiatiquement et politiquement à rentrer dans le lard de LFI mais évidemment, on recommence à compter les points des morts Israéliens / Palestiniens; on commence à oublier le Hamas … »
© Catherine Galloy
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