Bombardements sur Gaza City, 9 octobre 2023. — © MAHMUD HAMS / AFP
ÉDITORIAL. Le coup porté samedi par le Hamas est d’autant plus fatal aux Israéliens de gauche que les kibboutzniks, héritiers du mouvement travailliste, et les jeunes qui contestaient le pouvoir de droite et religieux ont été ses principales victimes
Echec des Accords d’Oslo, violences de la seconde Intifada… cela fait des années que la gauche israélienne est moribonde. Après le massacre de samedi, elle a peut-être été définitivement enterrée, car il se trouvera moins d’Israéliens encore pour imaginer faire la paix avec les Palestiniens de Gaza. Certes, le Hamas ne représente pas tous les habitants de ce territoire, mais comment penser à un rapprochement après en tout cas 900 Israéliens, dont des civils, tués dans leur foyer, 3000 autres blessés et des dizaines d’otages? De même, on imagine bien que les proches des près de 600 Palestiniens morts sous les frappes opérées en représailles ne voudront jamais tendre la main à leurs voisins.
Une cruelle ironie
Cette évidence se trouve encore renforcée par un fait d’une cruelle ironie, car les premières victimes du Hamas ont été les Israéliens les plus convaincus d’une coexistence pacifique avec les Palestiniens: les kibboutzniks et les jeunes laïcs de Tel-Aviv. Là-dedans, nul calcul mais le simple fruit du hasard: tout s’est joué à la proximité géographique. Les premiers habitaient dans l’un des 11 kibboutz construits en 1946 pour résister à une éventuelle attaque égyptienne. Les seconds avaient organisé une rave à côté de la frontière.
Dimanche et lundi, les réseaux sociaux regorgeaient de photos des 260 jeunes victimes, postées par ceux qui, il y a 10 jours, affichaient les selfies pris dans les manifestations antigouvernementales à Tel-Aviv. Ces «bobos» israéliens s’opposaient aux religieux et à la droite qui veulent réformer la Cour suprême. Alors certes, personne ne revendiquait la création d’un Etat palestinien. Mais si la gauche israélienne pouvait exister, c’est là qu’on la trouvait.
Ce temps fou où Israéliens et Palestiniens se retrouvaient ensemble à la plage
Quant aux habitants des kibboutz du sud du pays, ils se percevaient encore comme les héritiers de la gauche historique, même si les modes de vie avaient changé. Ceux que, alors correspondante à Tel-Aviv, j’avais rencontrés vers Gaza étaient nostalgiques de l’époque d’avant les frontières et les intifadas, ce temps fou où Israéliens et Palestiniens commerçaient, voire se retrouvaient ensemble à la plage. «Avant la prise de pouvoir du Hamas, nous étions amis, nous travaillions ensemble, dans les champs…» soupirait le Belge d’origine Jehan Berman, à 3,5 km de Gaza. Ces mêmes champs dans lesquels a peut-être été enterrée, le week-end dernier, une idée phare de la gauche: celle de la coexistence avec tous les Palestiniens.
© Aline Jaccottet
https://www.letemps.ch/opinions/editoriaux/la-gauche-israelienne-enterree-par-le-hamas
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