Ypsilantis. Un grand soldat et un grand ami d’Israël, le général Pierre Kœnig

J’ai découvert l’existence du général Pierre Kœnig, adolescent, en lisant son livre, plus de quatre cents pages, « Bir-Hakeim 10 juin 1942 » aux Éditions du jour / Éditions Robert Laffont dans la collection « Ce jour-là », un gros livre à couverture verte. Peu de livres m’ont autant captivé et j’en relis régulièrement des passages. A présent, je regarde volontiers des vidéos de cette bataille dont le nom m’est familier depuis mon enfance parisienne à cause de la station de métro, un nom que je lisais et prononçais sans savoir à quoi le rattacher. Je le trouvais simplement beau, exotique. J’aimais particulièrement cette station car elle annonçait la Seine, un espace vaste et lumineux. De fait, elle était et reste ma station de métro préférée, une station que prolonge un pont particulièrement élégant et que le cinéma a souvent célébré.

Le général Pierre Koenig (1898-1970) avec Yitzhak Rabin à Tel Aviv en 1967

Bir-Hakeim, en Libye, en Cyrénaïque plus précisément, un point défensif important dans le dispositif britannique qui monte jusqu’à la côte méditerranéenne avec Tobrouk, un point défensif au sud de ce dispositif, un point contre lequel Rommel va s’acharner du 27 mai au 11 juin 1942 en espérant foncer le plus vite possible vers l’Égypte et le canal de Suez, un axe vital pour les Britanniques, puis vers les champs de pétrole du Caucase, vers Bakou notamment, formant ainsi la mâchoire sud d’une tenaille, la mâchoire nord poussant vers Stalingrad, une bataille qui durera du 11 juillet 1942 au 2 février 1943. Cet acharnement de Rommel aura des conséquences incalculables pour les forces de l’Axe et dans l’ouvrage en question, Pierre Kœnig écrit : « En lieu, nous avions la satisfaction intense d’avoir infligé à l’ennemi un coup d’arrêt d’une ampleur et d’une durée telle que le pire serait peut-être évité ». Et cet homme modeste et nullement porté à l’exagération poursuit : « Mais si Rommel avait montré de l’énervement et s’était acharné sur nous, c’est que nous lui avions fait perdre du temps, un temps précieux. Je l’expliquai à mes officiers et aux hommes et je le répète en pesant toutes mes responsabilités. Si nous avions cédé plus tôt, à plus forte raison si nous avions cédé très vite, l’adversaire serait sorti des combats de Bir-Hakeim en meilleur état. Il aurait été capable de fournir un effort ultérieur plus dangereux. Mais dans le même temps, Rommel aurait été en mesure d’infliger au reste de la 8ème armée une défaite plus rapide et plus complète. Il aurait été en mesure de capturer une fraction considérable des services britanniques sans lesquels l’armée aurait été incapable de vivre et de se refaire. L’affaire eût pris un tour catastrophique. La division française libre avait donc sauvé la 8ème armée ». La division française libre avait donc sauvé la 8ème armée et elle permettra la victoire de la première bataille d’El Alamein, une victoire stratégique.

Les troupes de Pierre Kœnig ont tenu contre un ennemi très supérieur en nombre et lui ont infligé des pertes considérables. Elles ne décrocheront qu’après en avoir reçu l’ordre, un ordre venu des Britanniques. Et dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, le gros de ces troupes réussit un autre exploit (rapporté dans le chapitre VI, « Vers la liberté »), quitter les positions de Bir-Hakeim pour rejoindre les lignes alliées. Sur les 3 700 hommes présents à Bir-Hakeim, plus des trois-quarts vont ainsi échapper à la captivité. Bir-Hakeim, un combat à un contre dix voire plus, les forces germano-italiennes étant de plus soutenues par des armes lourdes en quantité et par l’aviation dont des Stukas.

Les troupes sous les ordres de Pierre Kœnig sont formées de combattants venus de toutes les colonies et territoires d’outre-mer, y compris du Pacifique (voir le Bataillon du Pacifique). Ces combattants constituent les deux-tiers de ces troupes. Parmi les unités légionnaires, de nombreux républicains espagnols (au 3ème bataillon de la Légion étrangère). Les troupes britanniques sont elles aussi constituées d’hommes venus de partout, à commencer par des Indiens, des Australiens et des Néo-Zélandais. Parmi ces troupes, une unité placée au sud de Bir el-Harmat, à une dizaine de kilomètres au nord-nord-est de Bir-Hakeim. Cette petite unité bien moins armée que les troupes de Pierre Kœnig : la Brigade juive, soit environ quatre cents hommes commandés par le major Liebmann, une brigade venue d’Eretz Israël qui n’est encore que la Palestine mandataire. Durant huit jours ils vont subir les assauts terrestres et aériens des forces germano-italiennes.

Pierre Kœnig sait que les Britanniques ont placé une « brigade » sur la ligne défensive Gazala / Bir-Hakeim, à l’extrémité sud de cette ligne que termine Bir-Hakeim, une « brigade » qui n’est qu’un bataillon dépourvu de canons antiaériens et autres armes lourdes. Il ne sait pas encore qui sont ces hommes, des Juifs venus d’un pays encore sous mandat britannique et qui sont bien décidés à en découdre avec les Allemands, à leur infliger autant de pertes que possible. Déposés à Bir el-Harmat le 26 mai 1942, ces hommes entreprennent aussitôt de fortifier leur position, notamment en disposant des champs de mines. Le 2 juin, une unité blindée allemande se dirige sur Bir el-Harmat. Constatant que la position n’est que faiblement défendue, le commandant de cette unité brandi un drapeau blanc et demande à l’ennemi de capituler s’il ne veut pas être annihilé. Sachant qu’il a affaire à des troupes britanniques, il s’arrête, surpris, devant l’insigne du Jewish Brigade Group. Il lui est répondu que c’est le drapeau juif avec étoile de David et qu’il n’est pas question pour lui et ses hommes de se rendre.

L’insigne du Jewish Brigade Group

L’attaque allemande commence par un pilonnage d’artillerie avec canons de 88 mm suivi par des attaques répétées de Stukas. Puis c’est au tour des blindés. La plupart d’entre eux sautent sur des mines et ceux qui ont réussi à atteindre les positions tenues par les combattants juifs sont détruits au cocktail Molotov.

Les Allemands se réorganisent, appuyés par une unité blindée italienne, et repartent à l’attaque le 5 juin. Mais l’unité juive tient bon. Les bombardements terrestres et aériens se succèdent et dans ces attaques, les réserves d’eau du Jewish Brigade Group sont détruites, ce qui dans ce climat est dramatique. Les attaques se poursuivent et sont repoussées au prix de très lourdes pertes. Le 10 juin, un message émanant du British High Command ordonne à Pierre Kœnig et à ses hommes de décrocher de Bir-Hakeim, la 8ème armée ayant achevé de se réorganiser après avoir reculé en ordre. Cet ordre est transmis aux combattants juifs de Bir el-Harmat. Dans la nuit du 10 au 11 juin, les hommes de Pierre Kœnig et du major Liebmann quittent leurs positions respectives et convergent vers le centre de commandement français à Gasr al-Abid. Après huit jours d’assauts, tous repoussés, le Jewish Brigade Group a perdu les trois-quarts de ses hommes, ils ne sont plus qu’une centaine sur les quatre cents qu’il comptait.

A Gasr al-Abid, Pierre Kœnig observe ces hommes en haillons. Il pense avoir affaire à des survivants d’une brigade britannique, jusqu’à ce que le major Liebmann lui explique qui ils sont, soit un Jewish Palestinian battalion intégré à la British Army. Le drapeau sous lequel ils se sont rangés a été abaissé et plié afin de ne pas contrevenir au règlement en cours dans l’armée britannique. Pierre Kœnig déclare se moquer du règlement et ordonne immédiatement que ce drapeau soit déplié et placé à l’avant de son véhicule de commandement, à côté du drapeau des Free French, puis il ordonne que ses hommes saluent ce drapeau, un drapeau qui allait devenir celui de l’État d’Israël.

Pierre Kœnig restera un ami et un admirateur du peuple juif et de l’État d’Israël. En 1951, il entre en politique. En 1954-1955, il occupe le poste de ministre de la Défense et établit de solides relations avec Shimon Peres, alors directeur général du ministère de la Défense. Cette amitié permet le transfert vers Israël d’une vaste panoplie d’armes parmi lesquelles le char léger AMX-13 et le Dassault Mirage III. Mieux encore, la France assiste Israël à Dimona (Néguev) dans son programme nucléaire, un centre aujourd’hui connu sous le nom de Shimon Peres Negev Nuclear Research Centre.

Dans « Judaïsme français et sionisme » du grand-rabbin de France Jacob Kaplan on peut lire ces lignes :

« En ce premier anniversaire de la mort du très regretté général Pierre Kœnig, nous tenons à exprimer l’hommage du Judaïsme français à sa mémoire. Avec tous nos concitoyens, nous évoquons le souvenir du vainqueur de Bir-Hakeim qui, dès 1942, avait ouvert la voie à la victoire des Alliés, du commandant en chef des Forces Françaises Libres de l’Intérieur, aimé et respecté par tous les résistants, du héros national au courage légendaire, couvert de gloire et cependant si touchant de modestie et d’affabilité dans ses relations avec ceux qui avaient l’insigne privilège de l’approcher.

Depuis le jour où il a accepté la présidence de l’Alliance France-Israël et même bien auparavant, sa fidélité — il disait son amour — pour Israël ne s’est jamais démentie. Il était plein d’admiration pour la grandeur de l’œuvre constructive réalisée là-bas dans tous les domaines de l’activité et aussi pour l’héroïsme surhumain avec lequel Israël défendait ses frontières sans cesse exposées aux attaques de ses ennemis. Il n’ignorait rien des projets criminels de ces derniers et le sort du petit peuple courageux et laborieux, n’ayant que le désir de vivre en paix dans la liberté et la dignité, ne lui en était que plus cher.

Il était hanté par la pensée de la responsabilité de la civilisation qui, de 1940 à 1945, en gardant le silence et en s’abstenant d’entreprendre quoi que ce soit d’efficace jusqu’aux derniers mois de la guerre, a laissé massacrer six millions de juifs dans les camps nazis. »

Et je ne puis terminer cet article sur Pierre Kœnig sans signaler l’Association France-Israël, Alliance Général Kœnig qui dérive d’une association fondée en 1926 sous le nom de France-Palestine, comité des amis du sionisme. Ci-joint, un lien vers le site officiel de cette association :

En lien également, une sympathique vidéo mise en ligne par Studio Qualita, une émission animée par Eve Boccara et Eliana Gurfinkiel :

https://www.studioqualita.com/single-post/2017/09/13/les-69-23-le-general-pierre-koenig-le-héros-de-la-brigade-juive

© Olivier Ypsilantis

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1 Comment

  1. Cet épisode tragique et glorieux du rôle joué par la poignée de Juifs d’Eretz Israel membres de la Brigade Juive dirigée par le commandant Libman est raconté aussi par Pierre Van Paassen au chapitre quatre de son livre étonnant et très peu connu « L’alliée oubliée ». Ce chapitre s’intitule « Le secret le mieux gardé de toute la guerre ».Il comprend encore plusieurs autres exemples de l’éminence du rôle joué par les Juifs d’Eretz Israel ( notamment celui d’un certain Moshé Dayan qui y a a perdu son oeil et était dans le civil « celui qui tient le poste d’essence de la colonie Hanita » ). Comme est oublié le rôle essentiel joué par les jeunes juifs d’Alger dans l’aide à l’organisation du débarquement américain le 8 novembre 1942 que les historiens appellent « la bissectrice de la guerre ». Le chapitre du livre de Van Paassen se termine ainsi : » Pas une seule foison n’a fait mention de l’hérïsme des Juifs. Personne n’a parlé de cette communauté juive numériquement insignifiante, qui atenu ferme comme un roc au milieu d’un monde arabe hostile et prêt à la révolte da,s le dos de l’armée anglaise…. Et pourtant le Procje Orient a fourmillé de correspondants de guerre du début à la fin de la campagne ».

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