Opinion. « Gaza d’abord », par Raphaël Jerusalmy

Un jeune Palestinien brûle des pneus près de la barrière frontalière entre Israël et Gaza lors d’un rassemblement anti-israélien à l’est de la ville de Gaza. © Mahmud Hams / AFP

Le Hamas, comme à son habitude, tente de détourner la rancœur que lui portent les citoyens vers le bouc émissaire de prédilection : « l’ennemi sioniste »

Face à l’actuelle recrudescence des assauts menés par Gaza le long de la barrière de sécurité avec Israël, la question se pose de savoir ce qui les motive. Ces tensions représentent-elles un échec de la stratégie israélienne ? Existe-t-il des solutions alternatives ?

Il y a dix-neuf ans, les accords d’Oslo en vue de l’établissement d’une « Autonomie palestinienne », stipulaient une période intérimaire intitulée : « Gaza et Jéricho d’abord ». En juillet 1994, Yasser Arafat revient de son exil à Tunis pour s’installer d’abord à Gaza. A l’époque, la bande de Gaza est perçue comme le terrain d’essai des divers arrangements et dispositions prévus par l’accord. J’ai personnellement participé à ces premières tentatives de coordination, dont les fameuses patrouilles conjointes de soldats de Tsahal avec des membres de la sécurité palestinienne. Nous bénéficiions alors d’un partenaire convenable en la personne de Mohamed Dahlan, chef des forces de sécurité préventive de la bande de Gaza. Je me rendais régulièrement à Gaza et Rafiah (Rafah, en arabe) pour des réunions de travail avec mes homologues palestiniens et égyptiens. Cette période possiblement constructive fut de courte durée, comme on le sait. La seconde intifada en 2000, le désengagement israélien de 2005, la montée au pouvoir du Hamas en 2007, ont amené à la triste réalité que nous connaissons aujourd’hui. Triste, car elle a plongé la population gazaouie dans la tyrannie islamiste et la misère. Triste et inacceptable, puisque voilà plus de vingt ans que les habitants du sud d’Israël se trouvent à la merci des exactions des terroristes du Hamas et de leurs associés.

Que nous vaut cette dernière confrontation en date avec le Hamas ? D’abord, elle semble de routine. Chaque année, à la période des fêtes juives, il faut s’attendre à ce type de provocations du Hamas et du Djihad islamique. Il en va de même à chaque tenue de l’Assemblée générale des Nations unies qui, cette année, coïncide avec la période des fêtes juives de Tishri. Mais cette fois-ci, il y a d’autres motifs. À commencer par une perte croissante de popularité du régime du Hamas auprès de la population. 

Durant ces derniers mois, des manifestations en opposition à ce régime se sont multipliées dans les rues de Gaza. Et ce malgré une répression musclée. Le Hamas, comme à son habitude, tente de détourner la rancœur des citoyens envers lui vers le bouc émissaire de prédilection : « l’ennemi sioniste ». À cela, il faut ajouter une tentative de sabotage des efforts de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite. Sabotage commandité par Téhéran. 

Si les provocations du Hamas donnent lieu à une escalade et que Tsahal se voit amené à y réponde avec force, on voit mal les Saoudiens venir donner l’accolade aux Israéliens à une cérémonie de signature, en présence du président américain, Joe Biden. Lequel, depuis son arrivée à la Maison Blanche, ne cesse de faire pression sur Jérusalem pour que soit renforcée la position de l’OLP et du gouvernement d’Abou Mazen à Ramallah. Ce qui revient à affaiblir le Hamas. Sinon le délégitimer à l’approche cruciale d’une guerre de succession à Abou Mazen justement. 

Enfin, on note une nette baisse du financement du Hamas par nombre de pays arabes, laissant l’Iran comme unique patron et commanditaire. A quoi s’ajoute une diminution tout aussi importante de l’aide économique et caritative, provenant principalement du Qatar. 

Il reste une dernière raison, inavouée : la crainte des éliminations ciblées. Jérusalem envisage le retour à cette pratique en réaction à la récente vague d’attentats dont le Hamas est le principal instigateur. Ce qui a pour effet d’unir les dirigeants du Hamas, divisés par ailleurs, entre la branche politique et la branche militaire, entre les meneurs locaux et les chefs résidant à l’étranger, entre les ‘modérés’ et les extrémistes. Tous, se sentant menacés, montrent les dents.

La situation actuelle est un cruel rappel d’évènements antérieurs, répétitifs, face auxquels les Israéliens se sont montrés majoritairement réactifs, plutôt que proactifs. Les avis sont partagés quant à la retenue dont fait preuve Tsahal ces jours-ci, dosant ses ripostes afin d’éviter une escalade. N’aurait-il pas été préférable de frapper fort dès la première émeute violente ? En quoi la fermeture des points de passage entre Gaza et Israël est-elle efficace ? Elle a tout l’air d’une punition collective alors que le but même des allègements socio-économiques et des permis de travail qu’Israël prodigue au peuple de Gaza est de les dissocier des terroristes sous la coupe desquels ils vivent. 

Terroristes qui n’ont que faire du bien-être de la population et d’une bonne ou mauvaise économie, puisqu’ils contrôlent tous les revenus et ressources selon les méthodes les plus classiques du grand banditisme : prélèvement de droits de protection, de dimes sur les marchandises, usage de contrebande, de racket, de blanchiment de capitaux, détournement des subsides d’aide internationale.

Il est cependant hors de question de laisser les habitants d’Israël à la merci des exactions terroristes. Et il est révoltant de constater qu’un état fort, doté d’une armée puissante, ne soit pas capable de récupérer deux de ses citoyens détenus en otage à Gaza, ainsi que les corps de deux de ses soldats tombés au combat. 

D’un côté, il faut éviter à tout prix d’entrer militairement dans Gaza et risquer la vie de nos soldats. Le bilan catastrophique de « Bordure protectrice » montre à quel point le risque est grand. De l’autre, il faut continuer de jouer la carte humanitaire à l’égard de la rue palestinienne. Alors, quelle solution reste-t-il ?

Nous avons rappelé les accords d’Oslo. Par-delà le contenu d’un accord, ce qui est décisif, c’est le partenaire avec lequel on le signe. Force est de constater qu’il n’y a actuellement aucun interlocuteur fiable avec qui négocier, tant à Ramallah qu’à Gaza. Pour éviter un bain de sang causé par un éventuel nouveau conflit, une nouvelle vague d’attentats ou une sanglante guerre de succession à la présidence de l’Autonomie palestinienne, et dans l’espoir que montent au pouvoir des personnalités plus conciliantes, plus libérales, il serait préférable d’éliminer les dirigeants des factions qui font obstacle à la paix. Et de le faire à « Gaza d’abord ».

© Raphaël Jerusalmy

Raphaël Jerusalmy est ancien officier du renseignement militaire israélien

https://www.i24news.tv/fr/actu/analyses/1695881862-gaza-d-abord-par-raphael-jerusalmy

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2 Comments

  1. Les patrons du hamas sont des nababs orientaux bien gras dont les enfants etudient dans les meilleures ecoles et qui possedent de belles villas qui , a ce jour, sont toujours debout .
    La raison pour laquelle ils sont toujours vivants et prosperes a ce jour reste pour moi un mystere , et R Jerusalmi a raison d evoquer ce point .

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