Emmanuel Bloch. L’épopée de l’ethrog

Un invité mystère s’est s’invité dans les foyers juifs pratiquants. Mais très peu de gens ont conscience du périple de ce grand voyageur, qui a traversé les continents et les millénaires. Heureusement, un ouvrage récent par David Moster (lien en premier commentaire) relate l’épopée de l’ethrog : un fruit chinois qui est devenu un symbole juif.

L’ethrog n’est pas originaire de la terre d’Israël mais de la Chine. Il y a plusieurs millénaires, il poussait déjà en abondance dans le Yunnan, une province du sud-ouest de la Chine, et le berceau de nombreuses espèces d’agrumes. Il est toujours utilisé, à ce jour, dans la médecine traditionnelle chinoise.

Ce sont les Perses qui ont apporté l’ethrog en Terre d’Israël, suite à la conquête de l’Inde occidentale en 518 avant notre ère. Des archéologues ont ainsi retrouvé ses traces dans les restes d’un avant-poste perse près de Ramat Rahel (Jérusalem). L’analyse du pollen des jardins anciens de Ramat Rahel a permis de révéler la présence de l’ethrog parmi les autres espèces présentes, tant indigènes qu’importées, aux 5ème – 4ème siècles avant notre ère. Le cédrat s’est ensuite répandu dans tout le pays, et est devenu connu sous le nom d’ethrog, un terme qui dérive du persan wādrang.

Les sources juives anciennes décrivent les célébrations de la fête de Soukkot sans faire aucunement mention du cédrat. Ainsi, le livre de Nehemiah (8 :14-15) décrit l’obligation de rassembler des feuillages et d’habiter sous des tentes – mais pas d’ethrog, qui était encore inconnu en Israël à l’époque. De même dans le livre des Maccabées.

Pourtant, c’est l’ethrog que les rabbins ont identifié avec le fruit mentionné dans Vayikra 23:40, alors que l’expression פרי עץ הדר signifie, au départ, quelque chose comme « les plus beaux fruits des arbres » – c’est ainsi que des sources anciennes (Septante) et médiévales (Ibn Ezra, Bekhor Shor) ont traduit le verset.

Moster décrit les changements sociétaux qui ont eu lieu au cours de la période du Second Temple et qui ont conduit à la transformation de Soukkot : d’une fête agricole en une fête centrée sur le Temple. L’altérité, la beauté exotique et le manque d’utilité de l’ethrog ont favorisé son choix comme fruit symbolisant la fête. Il décrit également comment le loulav et l’ethrog sont devenus des symboles juifs importants pendant cette période, apparaissant sur des pièces de monnaie et des mosaïques de synagogues jusqu’à la période byzantine.

Aujourd’hui, difficile d’imaginer Soukkot sans l’ethrog – un fruit chinois devenu un symbole juif.

© Emmanuel Bloch

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