Elle s’appelle Charline Avenel et était supposée diriger comme il se doit en sa qualité de Rectrice la vie de l’Académie de Versailles, cette gigantesque machine qui regroupe les écoles des Yvelines, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise.
La voilà, bien que mutée au cœur de l’été, mise en cause dans le suicide du jeune Nicolas, le 5 septembre, énième victime de ce harcèlement scolaire duquel on nous conta qu’il était « le » sujet N°1 du gouvernement dans la question scolaire.
Il aura fallu que ressorte un courrier hors-sol envoyé aux parents du jeune garçon pour que la France dans son entièreté s’émeuve et s’indigne du ton et des mots employés pour renvoyer les parents dans leurs buts.
Qui donc a pu écrire cette lettre, ces lettres plus exactement, puisqu’on s’aperçut dans la foulée que ledit courrier n’avait rien d’exceptionnel et que bien d’autres familles qui avaient osé s’adresser au Rectorat avaient reçu quasiment le même texte ?
Elle n’était pas au courant, pleurnicha la donzelle acculée à présenter de vagues excuses à la famille de Nicolas, à déplorer des … « failles dans la procédure », « un souci dans la relation humaine avec les usagers », et à assurer qu’ »elle ne se défaussait pas ».
C’était sans doute à l’insu de son plein gré. Elle ne savait pas, celle qui était supposée faire de la laïcité et du harcèlement à l’école ses chevaux de combat.
Nous n’allons pas ici lui reprocher à notre tour sa proximité estudiantine avec un Emmanuel Macron ni l’assouplissement des règles de nomination qu’il fallut opérer pour faire Rectrice celle qui était secrétaire générale de Sciences Po mais en nous penchant sur son profil, on en trouve, des interviews accordées au site « Sciences Po Carrières » pour prôner l’égalité hommes-femmes, au magazine « Elle » pour livrer 8 conseils « pour s’affirmer à la rentrée », qui encore chantait en main 2019 au « Salon Viva Tech » « le potentiel de la tech pour faire réussir nos élèves ».
Mais nous n’oublierons jamais et rappellerons à ceux qui l’ignoreraient que sa gouvernance fut tragiquement montrée du doigt lors de l’assassinat de Samuel Paty, décapité par un terroriste islamiste : à la tragédie indicible qui marquera l’histoire, s’ajouta déjà une honte absolue : notre collègue avait été lâché par les siens : sa hiérarchie, sa rectrice donc, la même Charline Avenel. Si Stéphane Simon, dans son ouvrage « Les derniers jours de Samuel Paty », pointa les responsabilités écrasantes de la hiérarchie de l’Éducation nationale dans le drame, chacun a pu lire celle d’un rectorat plus soucieux de rappeler au professeur les règles de la laïcité au lieu que de le protéger de la barbarie islamiste.
C’est que, très occupée par la mission qu’elle se donna de « mettre la technologie et le numérique au service de l’humanité », notre Rectrice délégua sans doute ces « autres dossiers ».
Elle ne sait pas à qui d’ailleurs. Ou elle ne sait plus. Avait-elle la tête ailleurs, celle qui en avril dernier postulait au poste de directrice générale de la Fédération française de football et qui in fine a rejoint aujourd’hui la direction générale d’un groupe d’enseignement privé spécialisé dans les domaines des transformations technologiques, du business, du management et de l’innovation.
On apprend ce matin qu’un DRH, adjoint de la rectrice et bénéficiant à ce titre de la délégation de signature, un haut fonctionnaire ayant travaillé au Conseil d’État, aux services du Premier ministre ou encore à la Commission européenne, mais jamais pour l’école, s’occupa de « la chose » et écrivit lesdites lettres.
C’est ainsi que naquit un 4 mai 2023 « le » courrier administratif de la honte duquel « TJ » entretint récemment ses lecteurs: « Aussi, dans l’intérêt de votre enfant et par souci d’exemplarité à son égard, je vous enjoins d’adopter désormais une attitude constructive et respectueuse envers les autres membres de la communauté éducative et, plus largement, tout le personnel de l’Éducation nationale qui œuvre à la prise en charge de votre fils et agit au mieux à son égard. Je serais contrainte, le cas échéant, de prendre toutes les mesures nécessaires tant au bon fonctionnement du service public de l’Éducation nationale qu’à la protection et à la sécurité des personnels qui y concourent ».
Un courrier non signé Charline Avenel mais bien écrit sous sa gouvernance et son image.
Elle ? Elle avait bien, en 2019, invité sur « France Bleu Paris » les parents et les élèves à « faire confiance à l’institution pour lutter contre le harcèlement scolaire » : Qu’ils appellent donc le 3020, avait-elle conseillé, imaginant telle Perrette des dispositifs qui miseraient sur l’empathie et citant en exemple « le dispositif de préoccupation partagée ». (!)
Quasiment 3 ans après la décapitation du Professeur Paty, quelque 20 jours après le suicide de Nicolas, on apprend que des lettres telles celles que l’on sait furent pléthore : « Plus de 100 », liste un Gabriel Attal atterré, « dont 50 posant un réel problème », des lettres comme écrites à la chaîne, parmi lesquelles celle adressée à ce père alertant sur des faits d’attouchements sexuels qu’aurait subis sa fille.
Recteur. Ça n’est plus ce que c’était. Recteur de Versailles entre 2004 et 2012, Alain Boissinot déclara au « Monde » : « Autrefois, devenir recteur était le couronnement d’une carrière, une consécration universitaire. Un recteur s’inscrivait dans une tradition de haute fonction publique et restait recteur jusqu’à la retraite ou bien jusqu’à rejoindre un grand corps de la fonction publique comme le Conseil d’Etat ou la Cour des comptes ».
Un job comme une autre
Pour certains hélas, ç’aura été … un job qu’on quitte pour un autre…
Recteur.
Revenant le 19 septembre dans Vu du Droit sur cet épisode qui venu ajouter le sordide au tragique, Régis de Castelnau, citant le Code pénal, écrit : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. La responsabilité des personnels de l’Éducation nationale impliqués dans la rebuffade et les menaces adressées aux parents de l’adolescent de 15 ans sautent aux yeux à la lecture des échanges de courriers. Qui ne sont pas seulement honteux , pour reprendre le mot de Gabriel Attal, mais constituent en eux-mêmes l’infraction de chantage, et caractérisent un refus volontaire de porter secours à une personne en péril. Charline Avenel, habilement exfiltrée vers le privé en juillet 2023, sera-t-elle entendue après ce deuxième mort ? »
© Sarah Cattan
L’académie de Versailles a failli à ses devoirs et des morts sont à déplorer . La justice doit passer et sévir.
@Danielka Mais le système judiciaire français est aussi pourri que notre système éducatif (et réciproquement) !
J’espère que le nouveau ministre de l’éducation va prendre en mains et étudier tous les dossiers épineux hérités.
Il y a le harcèlement scolaire, l’éducation sexuelle exagérée à des enfants de 6 ou 7 ans, les cours qui ne sont pas donnés faute d’enseignants, la façon de s’habiller pour venir en classe, etc. Je lui souhaite chance et courage.