Entretien
Michel Dray – Victor Abbou, vous êtes, à Marseille, la voix juive de la communauté originaire du Maroc. Que représente le Maroc pour des générations de Juifs qui sont nés en France même s’ils sont de parents ou de grands-parents nés au Maroc.
Victor Abbou – La Communauté juive du Maroc comptait avant l’indépendance quelque 500 000 juifs, et était la plus grande communauté juive dans le Maghreb. Après 1956, date de l’indépendance beaucoup ont choisi la France, le Canada et Israël mais, jamais, ils n’ont oublié le Maroc qui est toujours resté dans leur cœur.
Le roi Hassan II avait coutume de dire que les Juifs d’origine marocaine sont assurément les meilleurs ambassadeurs de son pays de par le monde et il ne se trompait pas en la matière. Le judaïsme marocain a été le seul dans la tourmente de la seconde guerre mondiale a être protégé par Mohamed V, compagnon de la Libération, qui, luttant ouvertement contre le régime de Vichy a eu le courage de dire à Bousquet, haut commissaire aux affaires juives venus lui demander le compte exact de ses sujets juifs pour que leur soit imposé l’étoile jaune, « rajoutez deux cent étoiles jaunes, pour la famille royale et pour moi. Les Juifs sont sous ma protection. Bousquet n’a pas moufté. La mémoire juive se souvient du rôle de Mohamed V qui a sauvé ainsi 250 000 juifs des griffes de Vichy et des nazis. Sa Majesté Mohamed VI a poursuivi cette politique d’accueil et de tolérance vis-à-vis des Juifs et que son père avait lui-même reçue de la bouche Mohamed V son père. Pour toutes ces raisons — il y a trois mille juifs actuellement au Maroc — la tragédie que vit actuellement le peuple marocain est perçue par nous comme un drame personnel.
Michel Dray – Est-ce que les relations entre Rabat et Jérusalem ont changé depuis les Accords d’Abraham ?
Victor Abbou – Les Accords d’Abraham n’ont fait qu’officialiser une état de fait qui existait depuis au moins 1980. Les relations entre les deux pays étaient officieuses mais bien réelles. Je dois dire qu’en 1982 j’ai été avec quelques autres à l’origine de l’autorisation d’obtention de visa pour les citoyens israéliens.
Quand le roi Hassan II m’a reçu, j’ai compris qu’un nouveau pas venait d’être franchi. J’ai connu depuis près de 60 ans une vingtaine de consuls généraux du Maroc en poste à Marseille. Et tout dernièrement un nouveau consul général a été nommé, avec qui nous entretenons les meilleures relations.
Michel Dray – Comment pouvons signifier notre solidarité avec le peuple marocain ?
Victor Abbou – Toute initiative privée ou publique en direction du peuple marocain ne peut être que la bienvenue. Ici à Marseille, j’ai demandé la convocation d’une réunion d’urgence en présence du Consul général dans le but de débloquer une aide conséquente. J’exhorte tous les consistoires et particulièrement le Consistoire central de nous imiter. Je sais qu’ils suivront largement notre exemple. A noter aussi qu’il importe que nous favorisions au maximum le tourisme marocain qui vent de prendre un sale coup. Pourquoi ne pas organiser un voyage de solidarité au Maroc ? Je lance l’idée.
Entretien réalisé par Michel Dray auprès de Victor Abbou
Victor Abbou est Président des Juifs originaires du Maroc à Marseille.
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