Comment tirer des leçons de ces deux méga-revers, et éviter de plonger le pays dans un nouveau autour de la réforme judiciaire ?
A deux reprises, ces derniers jours, les Israéliens ont eu l’occasion d’effectuer un retour vers le passé, plus exactement vers un douloureux passé : le 24 août dernier, le film « Golda » est sorti sur les écrans, permettant aux Israéliens de se replonger dans les affres de la guerre de Kippour. Et le 29 août, la censure nationale a autorisé la publication des protocoles du conseil des ministres historique qui a voté, fin août 1993, les accords d’Oslo : l’occasion pour ces mêmes Israéliens de prendre connaissance de l’envers du décor gouvernemental, quelques jours avant la poignée de main, non moins historique, entre Rabin et Arafat sur la pelouse de la Maison Blanche.
Le point commun de ces deux épisodes incontournables de l’histoire d’Israël réside dans leur fiasco retentissant : la guerre de Kippour a coûté la vie à plus de 3000 soldats israéliens, et provoqué un traumatisme national dont le pays n’est jamais vraiment sorti ; les accords d’Oslo, quant à eux, passé le formidable espoir qu’ils ont suscité, ont très vite accompagné le terrible cortège de « victimes de la paix », avant de sombrer dans la sanglante Seconde Intifada.
Il n’y a pas de hasard: ces souvenirs de 1973 et de 1993 ressurgissent alors que l’Etat d’Israël s’apprête à vivre un mois de septembre particulièrement mouvementé, à l’aune de deux verdicts dramatiques de la Cour suprême: celui autour de la loi sur l’annulation de la clause de raisonnabilité, et celui autour de la loi sur l’indisponibilité du Premier ministre.
Alors comment tirer des leçons de ces deux méga-revers et éviter de plonger le pays dans une nouvelle crise et un chaos effrayants autour de la réforme judiciaire ? Pour tenter de répondre à cette question, une constatation historique s’impose : trois des derniers gouvernements de gauche endossent la responsabilité d’un échec cuisant. Kippour pour le gouvernement de Golda Meir, Oslo pour le gouvernement Rabin-Peres en 1992, et la Seconde Intifada pour le dernier véritable gouvernement de gauche, celui d’Ehud Barak en 1999.
Le point commun de ces gouvernements : leurs dramatiques erreurs d’appréciation de la réalité proche-orientale, et de la mentalité des ennemis arabes et palestiniens.
En 1973, Moché Dayan, alors ministre de la Défense, et le général Elie Zeïra, chef des Renseignements militaires, sont intimement persuadés qu’après la déculottée de juin 1967, jamais les armées égyptienne et syrienne ne se lanceront dans un conflit ouvert avec Israël.
Erreur fatale, car ni le gouvernement de Golda Meir, ni même Tsahal n’ont envisagé l’hypothèse selon laquelle Sadate et Assad voudraient laver, le moment venu, leurs humiliations de 1967 ! En hébreu, les spécialistes des Renseignements appelaient cela « la Svirout Nemou’ha », la faible probabilité (que les Arabes déclenchent un conflit). Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le terme de « Svirout » est également traduit par « raisonnabilité », cette même raisonnabilité sur laquelle la Cour Suprême va devoir statuer le 12 septembre. Comme si de Kippour à la réforme judiciaire, une seule et même trame d’un demi-siècle de raisonnabilité ou d’irraisonnabilité avait été tracée…
En 1993, le gouvernement Rabin a cru qu’il pouvait faire confiance à Yasser Arafat. Et il a eu l’audace de prétendre qu’il avait enfin trouvé le moyen de résoudre le problème insoluble du conflit israélo-arabe. Les protocoles révélés la semaine dernière sont éloquents et stupéfiants : « A partir du moment où Yasser Arafat annonce qu’il abandonne le terrorisme (et qu’il reconnait Israël), ce sera dans son intérêt de lutter contre le Hamas », affirme alors Shimon Peres avec beaucoup d’assurance, avant d’ajouter: « Donnons-lui des fusils et une police, et il fera le travail ». Voilà comment au lieu de tenter de dialoguer, par exemple, avec un leadership palestinien de l’intérieur, le gouvernement Rabin-Peres va non seulement sauver Arafat de l’oubli de Tunis, mais il va lui confier des armes pour qu’il lutte contre le Hamas !
Oslo venait donc de réhabiliter un leader qui n’avait jamais vraiment abandonné la voie du terrorisme et lui confiait, de facto, la sécurité des Israéliens… Une erreur d’autant plus grave que ces « accords de principe » seront votés avec une infime majorité sans le moindre consensus, et sans tenir compte d’une « minorité » de quelques centaines de milliers d’habitants juifs de Judée-Samarie totalement réduits au silence par le pouvoir (démocratique) en place…. Pour finir, il est évident aujourd’hui, que si Rabin avait présenté le plan Oslo avant les élections de 1992, il n’aurait pas été élu. Une réponse à ceux qui accusent Levin et Netanyahou d’avoir dissimulé leur réforme judiciaire avant les élections de novembre 2022…
Pour ce qui est de la Seconde Intifada, Ehud Barak était persuadé qu’en proposant au même Arafat, en juillet 2000 au sommet de Camp David, la partition de Jérusalem, le raïs palestinien lui embrasserait les pieds. Au lieu de cela, Arafat lui a réclamé le droit au retour des réfugiés palestiniens, faisant échouer le sommet deux mois avant qu’il ne déclenche l’Intifada….!
Dans ces trois cas, les gouvernements de gauche ont péché par arrogance. Ils n’ont pas su « lire » l’histoire du Moyen-Orient. En 1973, Ils se sont endormis sur leurs lauriers. En 1993, Ils ont refusé de voir la supercherie d’Arafat. Ils se sont laissés bercer par ce que l’on a appelé en hébreu la « Conceptia », un concept de base qui repose sur une profonde erreur d’appréciation et sur un postulat paternaliste : « Nous, dirigeants de la gauche israélienne, savons mieux que les Arabes ce qui est bon pour eux ! »
Soulignons cela dit que la droite, une fois arrivée au pouvoir, n’a pas été exempte, elle aussi, de sérieuses erreurs d’appréciation, comme la première guerre du Liban (1982), l’évacuation du Gouch Katif (2005), et le climat hostile qui a précédé l’assassinat de Rabin (1995). Mais si historiquement, la guerre de Kippour et les accords d’Oslo appartiennent à une catégorie à part dans la série des grandes catastrophes qui ont ébranlé le pays, c’est surtout parce que la gauche n’a semble-t-il jamais réellement endossé la responsabilité de ses erreurs. Elle n’a, semble-t-il, jamais eu l’humilité nécessaire pour reconnaitre ses égarements lorsqu’elle était aux commandes du pays. Et c’est certainement cette condescendance qui lui a couté le pouvoir en 1977, et qui a entrainé sa lente descente aux enfers politiques.
Le paradoxe est que cette « Gauche », douloureusement touchée à Kippour et décimée par Oslo et l’Intifada, a réussi à ressurgir de ses cendres. Alors que les élections du 1er novembre dernier avaient sonné son glas, la voici ressuscitée avec le soutien du « centre libéral », mais aussi avec la généreuse contribution d’un sixième gouvernement Netanyahou, qui a commis toutes les erreurs possibles en présentant médiocrement sa réforme judiciaire. Dopée par cette formidable bouffée d’oxygène, cette gauche pure et dure s’est retrouvée à la tête du plus important mouvement de protestation que l’Etat d’Israël n’a jamais connu !
Officiellement, elle est dans l’opposition, en minorité. Officieusement, c’est elle qui, grâce au soutien massif des médias et aux moyens financiers dont elle dispose, donne le ton, fait entendre sa voix et dicte à la majorité qui a remporté les élections, ses conditions.
Un demi-siècle après Kippour et 30 ans après Oslo, on peut légitimement se demander, en voyant la tournure que prend la protestation anti-réforme et les dégâts qu’elle est en train de causer, si une fois de plus la gauche, celle qui orchestre aujourd’hui le mouvement de protestation, n’est pas en train d’ériger une nouvelle « conceptia » erronée.
N’est-elle pas, en effet, en train de se comporter avec ses adversaires politiques de droite-religieux-orthodoxe avec la même autosuffisance élitiste dont elle débordait à la veille de la guerre de Kippour envers les armées arabes ?!
Est-elle prête aujourd’hui à accorder ne serait-ce qu’un dixième de la confiance aveugle qu’elle avait placé en Yasser Arafat lors d’Oslo, à ses « frères » juifs de la droite nationaliste?
N’est-elle pas aujourd’hui engagée dans une démarche qui consiste à vouloir à tout prix crever l’abcès et à régler, en un tour de bras, un problème d’identité complexe qui divise Israël, alors que ce problème exige une solution de patience, à long terme?
La gauche israélienne réincarnée ne serait-elle pas en train, une fois de plus, de s’égarer en déposant de multiples recours devant la Cour Suprême au lieu d’encourager à un dialogue constructif ?
Et si en cautionnant l’insubordination dans les rangs de Tsahal, en multipliant les appels à une rébellion civile, en poussant la Cour Suprême à casser des lois fondamentales, en ébranlant l’économie, en affaiblissant la haute technologie, en clamant « Non à la dictature » et oui à la « Dé-mo-cra-tia »…, le mouvement de protestation n’était pas en train de répéter une de ces graves erreurs d’appréciation dont la gauche a eu le secret ? Quitte à remettre en cause l’existence même de l’Etat d’Israël….?
Alors que nous entrons dans ce mois de septembre de tous les dangers, il serait bon d’y songer. Avec, si possible, un peu d’humilité face aux leçons déjà infligées par l’Histoire…
© Daniel Haïk
La gauche la plus bête du monde !
Bien facile de critiquer, post factum, les décisions de gouvernements (israéliens et autres, dont français…) du passé.
C’est surtout facile 50 ans (la guerre du Kippour) et 30 ans (Oslo) après les évènements.
D’autant que l’on n’est qu’un journaliste qui ne prend aucune décision et n’assume donc aucune responsabilité, son métier consistant à remplir des minutes d’antenne et de noircir des pages entre deux pubs. C’est le cas de M. Daniel Haïk.
Aurait-il fait autrement, fait mieux en 1973 et en 1993 ? RIEN ne permet de le supposer.
MAIS soyons magnanimes : c’est son gagne-pain. Qu’il noircisse des pages donc.
MAIS jusqu’à un certain point. Jusqu’au point où il embrigade le lecteur dans la propagande.
Car GAUCHE ? Laquelle ? Il s’agit des gouvernements israéliens du moment qui n’étaient pas particulièrement « de gauche ».
Exemple contraire : le gouvernement Begin (pas de « gauche », ça), élu en 1977, a embourbé le pays dans une aventure militaire catastrophique au Liban.
Encore un : le gouvernement Eshkol (travailliste, lui ; donc « de gauche ») fut à l’origine de la victoire des six jours en 1967…
Encore ? L’Etat d’Israël existe à cause de ces gens dits « de gauche », Ben Gourion en premier…
Bref, les termes « gauche » et « droite » sont étrangers aux évènements dont parle ce cher Haïk. Ainsi, ses extrapolations à la période actuelle et ses problématiques sont tirées par les cheveux, non-fondées et hors sujet.
Qu’il cesse de nous gaver de « spin »…
Monsieur Pemi, je ne puis qu’admirer votre suffisance à tout maîtriser, en refusant d’admettre que les points de vue de M. Daniel HAIK peuvent être entendus et analysés de façon neutre et non en idolâtre de la gauche qui, partout, sut démontrer ses aveuglements néfastes.
Tout à fait d’accord avec Pemi
Mr Haik se moque de la gauche qui n’a pas entendu quelques colons en l’accusant de ne pas respecter la démocratie
Mais les centaines de milliers de protestataires contre les projets d’une infime minorité elue certe mais qui dicte sa loi à Netanyhou sont ils plus démocrates que la gauche que critique Mr Haij?
Daniel Haîk, parle d’aveuglement ce qui signifierait que ces gouvernements n’avaient pas toutes les cartes en main pour manœuvrer avec pertinence. C’est trop aimable à eux.
Le choix de ces gouvernements issus pour la plupart du mouvement ouvrier et bolchévique est délibéré, ils voulaient créer par la coercition un « juif nouveau », ils ont reçu l’hostilité grandissante de ses voisins qui considèrent le reniement comme un signe ultime de faiblesse.