Je t’écris d’Israël. Voyage en Terre de Tikkoun Olam. Chapitre 6: Laisser parler les silences…

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Chapitre 6 : Laisser parler les silences

Tribune Juive vous propose tout au long de l’été un regard décalé sur Israël, berceau du Tikkoun Olam – la réparation du monde brisé -, à travers la correspondance de Valérie Pavia*, artiste photographe qui arpente le pays, avec Yves Lusson**, intervenant en Thérapie sociale resté en France. 

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© Valérie Pavia

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Cher Yves, 

Je souhaiterais lancer ce nouveau chapitre sur un silence, sur un « Chut… » 

Je reviens tout juste de Nazareth où je suis allée reprendre la photo de l’ange qui se trouve derrière Joseph. Un détail me saute aux yeux cette fois-ci. Chaque fois que j’y vais, cette sculpture semble me révéler un mystère nouveau. 

Ce soir, je prépare mon petit sac à dos pour me rendre une fois de plus à Jérusalem rencontrer tous les acteurs en présence du Tikkoun Olam, Elie dont je t’ai parlé dans le chapitre précédent et Joseph, qui est à l’initiative du projet Yeshurun que je te présenterai également un peu plus tard.

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

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Chère Valérie,

Merci… Le doigt délicat de cet ange devant sa bouche me parle… Chut… 

Je le reçois comme une invitation à laisser parler le silence, quand mes pensées et mes paroles ne produisent plus rien de bon, manipulées qu’elles sont par mes peurs inconscientes… 

Laisse-moi te raconter une histoire… 

Il y a une dizaine d’années, j’enchaînais les unes après les autres les semaines de formation à la Thérapie sociale avec Charles Rojzman, du côté de Montparnasse. 

Ces semaines étaient pour moi d’une rare plénitude, et d’une joie profonde. Nous étions une douzaine, en cercle, et, sous le regard aimant de Charles, nous traversions, avec courage et persévérance, au rythme de nos prises de conscience successives et des nécessaires silences qui s’en suivaient, les obstacles émotionnels et relationnels qui nous empêchaient d’être pleinement en contact avec nous-mêmes, avec les autres et avec la réalité. 

Un vendredi soir, juste après l’une de ces semaines libératoires, pleinement « en contact », donc, je décidai de traverser Paris à pied avec une amie avec laquelle je partageais la formation, pour aller assister avec elle à une conférence. Tout en marchant, je me mis à lui raconter ma vie, surtout ma vie sentimentale – tu me connais ! 🙂 -, et bien tu ne me croiras pas si tu veux, mais au moment où vint le chapitre d’une histoire particulièrement douloureuse, apparut la femme en question, venant dans notre direction, pile au moment où je parlai d’elle, juste devant nos yeux. Je ne l’avais pas revue depuis notre séparation, sept ans auparavant. Elle était au téléphone, nous échangeâmes trois mots, mais ce fut suffisant pour que je lui fasse un grand sourire et que je vive intérieurement l’épilogue d’un long deuil, une délivrance. 

Tu le sais, on appelle ce genre d’évènement une synchronicité, le grand psychanalyste Carl Gustav Jung en avait fait l’un de ses objets d’études. Je suis moi-même et sans le vouloir un collectionneur, et je sais que toi aussi. 

Mysticisme ? Superstition ? Pour qui veut bien les accueillir, les synchronicités ne sont-elles pas plutôt nos « nécessaires petits miracles de la vie » ?

Ton ange, Valérie, et s’il nous disait que parfois il faut savoir se taire, et apprendre à revenir à nous-mêmes, et au monde qui redevient alors un miraculeux allié ? 

Un « allié ailé », pour notre propre accomplissement en même temps que pour celui du monde… 

Et si c’était ça, le cœur de réacteur du Tikkoun Olam ? 

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Cher Yves,

Ouvrir un chapitre sur les synchronicités reviendrait pour moi à en faire un vaste inventaire tant celles-ci sont présentes dans ma vie ! 

Je dirais que poser les pieds sur la Terre Sainte en accélère encore davantage leur manifestation.  Il y a des jours où j’aimerais me mettre en repos tant celles-ci sont nombreuses et provoquent quand même toujours mon étonnement.

© Valérie Pavia

Cela n’a rien à voir évidemment avec l’idée d’un mysticisme évanescent, mais au contraire je constate chaque fois que la synchronicité se révèle au moment où nous-mêmes sommes le plus connectés. Connectés au ciel, connectés à la terre, cela revient au même. Elle apparaît à cet instant où nous sommes le plus alignés, ajustés sur ce que j’appellerais plutôt la voie du cœur. 

J’illustrerais ce chapitre sur les synchronicités par des images de gens que je trouve dans leur attitude ancrés et présents à eux-mêmes. Comme ces inconnus dans la rue. Qui mieux qu’un couple amoureux représenterait également cet ancrage, cette gémellité des corps dans une attitude physique ?

Je te présenterai enfin le coiffeur Waleed dans son salon. Il est en compagnie d’un artiste de rue du quartier du Wadi, qui parle lui aussi de la nécessaire connexion dans un travail artistique.

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

Les photos ont été prises à la fois à Haïfa, dans les quartiers du Wadi, HaNevi’im (qui veut dire les prophètes), ainsi qu’à la gare de Jérusalem pour la photo que j’ai mise en noir et blanc, et dans la boulangerie d’Elie, celle que j’ai évoquée dans un chapitre précédent.

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Chère Valérie, 

Je suis heureux de voir qu’Israël t’accompagne à ce point sur la « voie du coeur », et que ce pays te permet de vivre chaque jour toujours plus de ces petits miracles de la vie. 

Je te vois de plus en plus comme une sorte de compteur/conteuse (?) Geiger, qui, au lieu de mesurer la radioactivité, mesurerait cette fameuse force de réparation du monde qui nous émerveille tant, celle qui fait que justement peuvent advenir tous ces petits miracles – comme ces champs en Auvergne, où fleurissent mystérieusement, en même temps et sans se concerter, des centaines de jonquilles quand en vient la saison. 

D’ailleurs, et soit dit en passant, comment la vie aurait-elle pu apparaître sur notre Terre, sans qu’advienne un jour le miracle de la reproduction de la cellule biologique ? 

Il m’apparaît que les conditions soient si propices en Israël, que quelque chose de nouveau pourrait peut-être y naître ou y renaître. 

Et si c’était là, historiquement sur cette terre de miracles pour les trois grandes religions monothéistes, que de nouveaux miracles pourraient avoir lieu, mais cette fois pour la marche actuelle du monde, ce monde si chaotique, d’où devraient forcément naître de nouvelles étoiles… 

Ce, en favorisant la force de réparation du monde, justement, autrement dit en apprenant ensemble à combattre les forces qui nous en éloignent, celles qui nous égarent, qui nous divisent, nous réduisent, nous détruisent… 

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Cher Yves, 

Illustrer une synchronicité par une photographie n’était pas évident mais cela m’a été donné aussitôt après que nous ayons échangé sur le sujet. 

Quelle était cette infime probabilité que je rencontre ce rabbin aveugle avec qui je m’entretiens sur l’horizon et que je puisse le photographier ? 

Quelqu’un qui voit prend en photo quelqu’un qui ne voit pas. Si tant est que la vision se résumerait à la simple vue physique. Ce rabbin me semblait être bien plus voyant que n’importe quel voyant doté de la vue physique justement. Tu sais que je suis née à Montpellier et il se trouve que ce rabbin me raconte que son premier travail a été celui de s’occuper de la communauté de Montpellier. 

Qui mieux qu’un aveugle en effet pourrait laisser parler les silences ?

© Valérie Pavia

Le rabbin aveugle se trouve en compagnie d’Elie, dont je t’ai déjà parlé, celui que j’appelle le prophète Elie et qui est un peu mon guide lorsque je me rends en Judée. 

Comme tu le sais je voyage entre mon quartier de Haïfa, un quartier arabe plutôt cosmopolite et celui d’Elie à Jérusalem qui serait plus proche de l’essence de la Judée. 

A propos des silences, dans la Bible, on raconte justement que Dieu se serait manifesté à Élie a travers un murmure léger.

Je terminerai cette lettre par quelques photographies significatives de ce que je capte en Israël puisque j’ai la possibilité de capter ces instants que ce rabbin lui ne peut plus vivre que dans son intériorité.

© Valérie Pavia
© Valérie Pavia
© Valérie Pavia

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Merci Valérie…

Allez, une fois n’est pas coutume, je te réponds moi aussi par une photo… 

… et un silence… 

Le silence du sommeil de mon petit-fils, posé là sur mon ventre… 

Le silence de Timothée… Chut…

© Juliette de c.

À propos des auteurs

Valérie Pavia. Photo © Bruno G.

*Née à Montpellier, l’artiste Valérie Pavia a nourri une œuvre conséquente dans les domaines de la vidéo, de la photographie, de la peinture et de l’écriture. Après des études de théologie à Strasbourg, elle a enseigné le grec et l’hébreu dans des associations de langues bibliques. En Israël cet été, elle n’y est pas partie pour y faire son Alya à proprement parler, mais elle arpente la « Terre Sainte » en quête de sens pour sa vie, et peut-être d’un pays où poser ses valises.  

Yves Lusson. Photo © Valérie Pavia

**Yves Lusson, journaliste scientifique et social pendant plus de vingt ans, se forme depuis une dizaine d’années à la Thérapie sociale auprès de son inventeur, Charles Rojzman. Contributeur régulier de Tribune Juive, il voit dans le voyage de Valérie une occasion de questionner la destinée de cette « terre de Dieu » qui le fascine depuis l’enfance, et tout particulièrement sa vocation à la « réparation du monde » que la tradition juive nomme Tikkoun Olam.

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