Ces derniers jours, je relis bien des années après « L’insoutenable légèreté de l’être » de Milan Kundera. Mais, cette fois, dans sa nouvelle édition, revue par l’auteur.
Je relis ce chef-d’œuvre et je me sens de nouveau, comme des années plus tôt, bouleversé par la puissance évocatrice de son écriture, la force tellurique de sa construction romanesque, le souffle intense de ses mots qui parlent à mon cerveau mais surtout à mon cœur.
Bouleversé donc, j’en viens par extension à ressentir une grande tristesse, une pesanteur, un spleen aurait dit Verlaine. Je me sens pour ainsi dire inconsolable de vivre à une époque où l’on consacre Ernaux, Despentes, Musso ou Marc Lévy, tandis qu’un génie comme Kundera a, tout compte fait, si peu fait l’objet d’hommages à sa mort… En tous cas pas à la hauteur de sa grandeur.
Inconsolable encore que le Prix Nobel ait consacré, quelques mois avant ce départ, l’égotiste et autocentrée Ernaux, ou quelques années plus tôt le baladin brillant – mais certainement pas un écrivain – Bob Dylan, tout en négligeant consciemment Roth, Rushdie et donc Kundera.
Deux de ceux-là ne sont plus. Le troisième ne vit plus et n’écrit plus que d’un œil, après que l’intolérance-crasse, la haine de la littérature et de la liberté, ait tenté de le faire taire à tout jamais. Les récents autodafés de Coran ou de Torah au Danemark sont la face opposée, mais tout aussi haïssable, d’une même médaille…
Alors que j’arrive, doucement mais inexorablement, à la soixantaine avec la conviction renforcée que la littérature c’est la vie, et inversement, je crois qu’il est nécessaire plus que jamais de prendre parti pour les grands écrivains, comment on s’engage en politique.
A fortiori dans un temps ou toute réflexion s’émousse. Où toutes les formes d’intolérance progressent. Où une cheffe de parti, dont on mesure chaque jour le vide intellectuel abyssal, se croit autorisée, sous les applaudissements et les rires gras de ses troupes prétendument de gauche, à assimiler un vulgaire rappeur gorgé de haine à Victor Hugo et Georges Brassens… Puis à s’en vanter chez le X de Monsieur Musk.
Alors, face au pathétique, ayons le courage d’opposer la force de ces grands écrivains qui nous laissent libre de penser et de revendiquer le droit à l’intelligence. Lisons-les, parlons-en, faisons-les connaitre aux jeunes générations sevrées de littérature, au profit de l’omniprésente image et des petits bonheurs instantanés et addictifs, souvent ricanants et obscènes, qui font flores sur Snapshat, TikTok ou Instagram.
Nulle question ici de snobisme ou d’imposer l’existence d’une littérature d’élite contre le peuple ; les grands écrivains viennent du peuple et parlent au peuple, et à son cœur. Mais tentons ce pari, même risqué, même sans doute déjà obsolète, ne serait-ce que pour montrer l’exemple, comme le disait, au sujet du bonheur, un poète. Un vrai celui-là !
Quant à « L’insoutenable légèreté de l’être », dont vous comprendrez le titre au chapitre 14 – entre douce légèreté de l’être à savourer et insoutenable douleur à subir- lisez ce livre au moins une fois, je vous le conseille… Pourquoi ? « Es muss sein ! » Il le faut !
L’implacable obligation de lire, en quelque sorte…
© Gérard Kleczewski
Voir mon commentaire précédent : la haine de la culture est intrinsèquement liée à l’idéologie fasciste. Bon sang mais toutes les preuves sont là quant à la nature fasciste du pouvoir en place. De ce prétendu monde libre devenu un 4eme Reich. Qu’est-ce qu’il vous faut de plus pour regarder la réalite en face ? L’inculture politique des Européens modernes va de pair avec leur inculture littéraire, ce naufrage absolu de la littérature française et européenne ayant commencé dans les années 40 et 50.
« Ses troupes prétendument de gauche » écrit l’auteur : en effet, le « prétendument » est important.