« Les pâtes à la sauce »: Ces spaghettis ont quelque chose en plus (et on vous explique pourquoi)

Connaissez-vous l’histoire des « pâtes à la sauce » tunisiennes qui font concurrence aux traditionnels spaghettis italiens ?

© Konbini

Je suis né en France, mais j’ai la chance d’avoir des racines italiennes qui m’offrent régulièrement l’opportunité de râler sur la cuisson des pâtes, de donner mon avis pas forcément indispensable sur la carbonara ou simplement de revendiquer mon droit à prendre la plus grosse part de tiramisu quand il arrive sur la table. Si je ne suis toutefois pas hermétique aux prises de liberté – plus ou moins discutables – à l’égard de la cuisine italienne, il est un mystère que je rêvais d’élucider depuis un moment : celui des “pâtes à la sauce” proposées dans l’intégralité des restaurants tunisiens où je mettais les pieds ou certaines adresses juives séfarades traditionnelles. Des pâtes à la tomate à première vue, mais aucunement comparables aux pâtes similaires que l’on pourrait retrouver en Italie. Des pâtes au rouge plus vif et éclatant, plus sucrées et plus épicées aussi.

Pour élucider ce mystère, j’avais plusieurs angles d’attaque en tête : demander des explications à mes amis, qui ont l’habitude d’en manger en famille, ou aller mener l’enquête par moi-même. J’ai fait les deux, et j’ai fini par atterrir chez Vendredi Soir, près de la gare de l’Est, à Paris. Un nouveau restaurant, entièrement dédié à la cuisine traditionnelle juive, à rebours des tendances actuelles. “Il ne s’agit pas d’un restaurant levantin. Les restaurants levantins ne manquent pas à Paris et ce type de cuisine a le vent en poupe et plaît énormément. On adore aussi, mais Vendredi Soir, c’était un pari”, explique Keren Afriat, cheffe et cofondatrice du restaurant avec Jérémie Bankhalter. “Ici, c’est la promesse de plats bruts, familiaux, simples, mais bons. Un retour aux sources et une cuisine comme à la maison, sans chichi. Avec l’idée de rester dans le temps et de prendre la relève de belles institutions de cuisine juive qui ont été créées par la génération de nos parents ou de nos grands-parents (La Boule Rouge, René et Gabin…).”

Les « autres » pâtes

Parmi ces grands classiques, les “pâtes à la sauce”, un accompagnement commun dans la cuisine domestique tunisienne. “Beaucoup de Tunisiens ont des origines italiennes – ou prétendent avoir des origines italiennes”, sourit Keren Afriat. “Je pense que la tradition des pâtes à la sauce vient de là. Dans la culture de la cuisine tunisienne, ce qui compte, c’est la générosité et l’authenticité. Les plats sont souvent bruts, régressifs, réconfortants. Les pâtes à la sauce sont un incontournable qu’on mange avec tout. Il n’est pas rare de voir beaucoup de féculents à table.” Mais les ajouter à la carte du restaurant n’a pas pour autant été un choix facile et évident. Si la cheffe voulait absolument proposer un plat de grillades, il fallait réfléchir à ce que l’on allait servir pour les accompagner.

© Konbini

Le dilemme de la popularisation

“L’accompagnement classique dans ma famille ou dans les familles séfarades, surtout tunisiennes, c’est les frites ou les pâtes à la sauce. Mais on s’est réellement posé la question de mettre les ‘pâtes à la sauce’ à la carte. C’était presque un kiff perso de proposer ce plat, ou un kiff pour ceux qui connaissent”, dit-elle. “On craignait néanmoins que ceux qui ne sont pas familiers avec cette tradition ne comprennent pas trop le délire. C’est des ‘pâtes à la sauce’, pas des ‘pâtes à la sauce tomate’, encore moins des pâtes à l’italienne ! C’est un plaisir régressif et presque coupable. Des pâtes très (trop ?) imbibées, cette sauce sucrée et intense en concentré de tomate. On ne fait pas dans la dentelle.”

Prise par la nostalgie et encouragée par son instinct, elle décide finalement de les mettre à la carte. Tant pis, “on verra bien”. À déguster avec des merguez, des keftas ou des côtelettes d’agneau – ou les trois en même temps –, elles font le bonheur de ceux qui y retrouvent une part de leur enfance et ceux qui s’offrent là un petit plaisir coupable. Ainsi, l’idée de faire côtoyer à la carte des plats plus travaillés avec ces pâtes n’était alors plus un problème mais la solution. “On voulait proposer de la cuisine traditionnelle travaillée, mais brute aussi, sans détourner les recettes familiales. On souhaite rester fidèles aux origines : alors on assume. Alors oui, ça peut en surprendre quelques-uns de voir des ‘pâtes à la sauce’ à côté de plats comme la pastilla ou le couscous. Mais c’est tout le paradoxe de la cuisine juive et c’est ce qui fait sa complexité et son charme.”

Une recette (évidemment) secrète

À la question cruciale de la recette, que j’ai mis un peu de temps à aborder tant le sujet me paraissait sensible, j’ai évidemment reçu une cordiale mais ferme fin de non-recevoir. “Honnêtement, j’ai trop galéré pour livrer mes secrets”, rigole la cheffe. “Sachez simplement qu’il faut une bonne dose de concentré de tomate et d’huile d’olive.” Tout ce qu’elle voudra bien nous dire, c’est qu’elle a sondé tout son entourage pour arriver à la recette parfaite – car il n’existe forcément pas de recette officielle. “Ça paraît tout bête, et pourtant, il faut maîtriser cette sauce tomate qui n’est pas une sauce tomate classique, avec des tomates, des oignons, etc. J’ai mobilisé toutes mes copines tunisiennes, qui ont eu l’habitude d’en manger même à la sortie de l’école chez leur grand-mère, pour leur demander des conseils et des astuces.”

Et surtout, conseil d’ami : ne dites pas “pâtes à la sauce tomate” au moment de commander, mais juste “à la sauce”. Pourquoi ? Allez savoir. “C’est comme ça… Je ne sais pas pourquoi. Ça pourrait désigner n’importe quelle sauce, et pourtant, tous ceux qui disent ça savent à quoi ça fait référence. Ça veut tout dire, c’est un plat d’initiés”, finit-elle.

© Robin Panfili

https://www.konbini.com/lifestyle/ces-spaghettis-ont-quelque-chose-en-plus-et-on-vous-explique-pourquoi/

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4 Comments

  1. Ni les Marocains ni les Tunisiens n’ont inventé les pâtes « genre spaghetti »… Mais il existe une tradition de pâte artisanale avec ou et surtout sans œufs taillées à la main faites de mains de grand-mère… On les appelle « lintria » Elles sont courtes et très souples car bien blanches …Elles sont confectionnées surtout pour les mariages, mais aussi circoncisions ou fêtes du bar-mitsva ( rite de passage du jeune juif à la responsabilité adulte. Chez les Tunisiens l’influence italienne est criante Au Maroc la tradition est locale et remonte aux recettes venues de Juudée et passée par l’Espagne l’influence Ottomane quand les Juifs furent chassés d’Espagne et partirent vers Bordeaux Narbonne et toute l’Afrique du Nord L’influence italienne est évidente chez les Italiens, la Sicile est à moins d’une journée de barque poussée d’une courte voile La tomate à été ramenée par les Conquistadores et Christophe Colomb en offrit a Isabelle la Catholique et Ferdinand d’Aragon en 1494 à son retour des Caraïbes … Le Royaume d’Espagne était associé à l’Italie du Sud et la Sicile 2 brasse de Tunis et Carthage💘

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