Vous connaissez Cécilia Paynes ? Moi non. Du moins jusque hier. Je l’ai rencontrée par hasard sur un Post de Facebook. Comme quoi cette plateforme n’a pas que du mauvais. À mesure de ma lecture, mes nerfs se sont tendus. Je ne supporte pas l’injustice.
Dans leurs grandes lignes, la mesquinerie, l’arrogance et la malhonnêteté, auxquelles cette immense astrophysicienne fut en butte au cours de sa vie de chercheuse et même à titre posthume, ne se distinguent guère de celles qu’ont dû affronter et souvent se plier la plupart des grandes figures féminines de l’histoire. De Camille Claudel à Fanny Mendelssohn en passant par Hypatie ou Marie Curie – finalement reconnue grâce à l’intervention d’un homme, une fois n’est pas coutume, son mari. On a tendance à penser que les femmes n’ont pas, ou presque, contribué aux sciences, aux arts, à la philosophie ou à la politique. Dans le meilleur des cas, on leur concède un rôle dans l’ombre. Un rôle secondaire. Accessoire. Objet de disputes voire de guerres, aphrodisiaques, muses, conseillères, elles n’auraient pas agi, au mieux dans des genres « mineurs ». Et l’histoire, écrite par les hommes, exclusivement par les hommes jusqu’à un passé récent, n’en retenant qu’un nombre infime, confirme cette théorie*.
Il est difficile, certes, de comprendre l’obstination à taire ou faire taire les femmes, à les nier, les effacer, ainsi que la violence parfois insupportable de ses manifestations. Mais il est impossible de mesurer les dommages ainsi causés aux femmes, à notre société aussi, et l’irréversible gâchis d’intelligence, de talents… de vies !
Le mouvement #metoo dénonce un droit de cuissage encore d’actualité, bien qu’informellement. Mais la source de sa virulence et de certains excès qu’on peut lui reprocher se trouve sans aucun doute dans ce mensonge par omission perpétré et perpétué contre les femmes sur des générations.
Et donc Cécilia Paynes ?
Cette dame s’est attaquée à un sacré morceau en choisissant l’astrophysique. Brillante, elle avait été admise à l’université de Cambridge et avait même obtenu une bourse d’études. Mais à la fin de son cursus, elle n’obtient pas de diplôme. Non pas pour avoir démérité, mais parce que la prestigieuse institution anglaise n’a daigné attribuer des diplômes à ses élèves femmes qu’après 1948.
Elle serait devenue enseignante, sa carrière aurait avorté, si les États-Unis et Harvard en particulier n’avaient été alors un peu, à peine, plus évolués. Un programme venait d’y ouvrir pour encourager les femmes à étudier dans ce domaine. Elle y fut la seconde inscrite. Elle fut aussi la première, femmes et hommes confondus, à décrocher un doctorat d’astronomie à Harvard.
Cependant, sur les conseils de son directeur de thèse, elle dénonce ses conclusions, à savoir que le soleil est largement constitué d’hydrogène et d’hélium, parce qu’elles vont à l’encontre du consensus de l’époque. C’est un autre dont je tairai le nom (chacun son tour) qui, quelques années plus tard, cueillera les fruits de son travail pour être considéré depuis comme le père de cette découverte. Car Paynes ne s’était pas trompée. Mais qui était-elle, pour contredire l’autorité ?
C’est ainsi que cette femme, son nom et son histoire sont inconnus des masses alors que sa contribution, dit-on, a révolutionné l’astrophysique. Passée à la trappe, Cécilia. Ne serait-il pas temps de lui faire une petite place dans la légende populaire et nos livres d’histoire ? Cécilia Paynes. Cécilia Paynes. Cécilia Paynes. À inscrire dans les mémoires.
* À lire de Michelle Perrot, Les Femmes ou les silences de l’histoire, publié en 1998 chez Flammarion.
© Judith Bat-Or
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