Gérard Kleczewski. SEFARDIM, une BD majeure sur une épopée familiale et historique de 3 000 ans

Elle s’appelle Anne. Elle s’appelle Benoliel. Elle s’appelle Defréville. 
Anne Benoliel Defréville doit son nom à son père, Juif originaire d’Algérie mais surtout d’Espagne (il descend en droite ligne d’une famille de sefardim expulsés, comme tant d’autres, d’Espagne par Isabelle la Catholique en 1492). Anne Benoliel Defréville doit son second nom à sa mère, Catholique et normande. Selon l’orthodoxie juive et la Halakha, elle n’est pas théoriquement considérée comme Juive. Et pourtant, que vaut la théorie face au chef-d’œuvre que je viens de lire et de terminer en pleurant…

Si vous voulez comprendre qui est Anne, sa quête identitaire et historique personnelle et, au-delà, celle des Juifs d’Espagne, vous ne lirez rien de plus beau que sa BD « Sefardim » qui vient de sortir aux éditions Futuropolis. Un objet d’art accessible (un peu plus de 20 euros) qui se double d’une histoire personnelle et familiale lovée dans l’Histoire des Hébreux et des Juifs, de la nuit des temps à aujourd’hui.    

Une épopée sensationnelle que celle de la famille Benoliel. Une errance de trois millénaires, qu’Anne nous livre avec tant de passion, d’humour, de précisions historiques, d’allers-retours perpétuels joliment enchâssés et graphiquement identifiés entre hier et aujourd’hui… 

Une épopée grandiose servie par des dessins éblouissants, bouleversants parfois. 

Plus de 520 ans après que les hommes et femmes juifs espagnols (et portugais) aient été condamnés à quitter leur royaume sous peine de mort ou de confiscation de leurs biens, le nouveau roi d’Espagne a présenté ses excuses à leurs descendants en 2015, alors qu’ici en France nous pleurions les victimes de la barbarie islamiste du Bataclan, du Stade de France et des terrasses. 
Dans ce contexte, sa proposition d’une forme de retour permise aux familles juives expulsées le 31 juillet 1492 n’a pas eu l’impact qu’elle aurait dû avoir. Et les tracasseries administratives induites par cette annonce, sans doute généreuse, mais pas assez bien préparée en amont, en auront épuisé plus d’un. En auront poussé plus d’un à jeter l’éponge… 

Pas Anne qui, soudain, a senti qu’elle entrait dans l’histoire. S’est dit qu’elle aller pouvoir rattraper le temps perdu. Rendre justice à tous ceux qui s’étaient dispersés au cours des siècles aux quatre coins de l’Europe et de l’Afrique du Nord. Rendre aussi un hommage vibrant et plein d’amour à son père, et au père de son père, et à tous ceux qui les ont précédés…

Une phrase glanée à la fin du livre résume bien le sentiment qui porte Anne Benoliel Defréville et lui permet de résister : « L’histoire des Benoliel, c’est d’abord celle d’une famille qui pendant des millénaires, contre vents, marées et persécutions de toutes sortes, n’a jamais abandonné son identité juive et donc sa religion. Ils ont eu de nombreuses occasions de se dissoudre complètement dans la culture méditerranéenne et d’abandonner leur religion. Beaucoup l’ont fait, pas eux« .

En rendant hommage à ce peuple et à sa famille, elle s’assure et se rassure : ce long voyage avait un sens. Elle dit : « l’identité juive est restée pour moi en grande partie silencieuse pendant longtemps. Ce récit l’a réveillée, la questionnée. Je la porte en moi, comme une multitude d’autres histoires cachées dans les gènes. » et plus loin : « Ce qui compte ce n’est pas l’identité, c’est la transmission (…) c’est ce que j’ai compris. La transmission d’une histoire de résilience« . 

À ceux qui l’ont questionnée et ont trouvé bizarre que cette spécialiste de l’écologie, du naturalisme et du lien entre l’art et la science s’intéresse soudain à l’histoire des Juifs d’Espagne, Anne a répondu :  « parce que tout est lié » et aussi « pour éviter que l’histoire ne se répète en ces temps de crises multiples il ne faut pas oublier son histoire ». 

Qu’ajouter de plus ? Sinon : Précipitez-vous chez votre libraire et achetez ou commandez « Sefardim » ! Vous ne le regretterez pas, tant ce livre se révèle d’une profondeur inouïe. Tant cette BD se lit avec fièvre et émotion. Tellement je suis certain que, comme moi, vous conserverez précieusement cet ouvrage dans votre bibliothèque pour le reprendre régulièrement et admirer l’œuvre de mémoire accomplie !

© Gérard Kleczewski

  • Sefardim, d’Anne Benoliel Defréville. Éditions Futuropolis. 160 pages. 22€. ISBN : 2754834559

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