Modiano… Un nom qui résonne dans la littérature française et francophone contemporaine.
Pour Patrick bien sûr, Prix Nobel de Littérature 2014 après avoir été récipiendaire d’un très grand nombre de récompenses, dont le Prix Goncourt 1978 pour « Rue des boutiques obscures ».
Mais Modiano c’est aussi un nom qui évoque l’Italie et surtout les Juifs Saloniciens d’avant-guerre, dont nous a parlé récemment, avec tant de talent, Caroline Bongrand (1).
Modiano, c’est aussi le patronyme de Sandra – autrice lausannoise, elle-même issue d’une famille juive salonicienne – qui, pour son troisième ouvrage a décidé de rendre hommage à la vie et l’œuvre de son grand-oncle, le Dr Léon Cuenca.
Le titre du livre évoque une lettre : « Mon cher Léon ».
Son sous-titre une enquête au long cours : « De Salonique à Lausanne, l’itinéraire du Dr Cuenca, médecin juif au camp d’Auschwitz ».
Une histoire familiale au cœur de la grande histoire
Mars 1943, à Salonique. Au cours d’une nuit, Léon Cuenca – médecin et notable de Salonique – et Jane son épouse sont cagoulés et enlevés par la Gestapo qui les déporte, comme nombre de leurs coreligionnaires, à Auschwitz.
Tel est le début de l’histoire sur lequel s’est penchée Sandra, la petite-nièce de Léon Cuenca. De Salonique à Leysin, puis d’Auschwitz à Lausanne, elle n’a eu de cesse d’éclairer le parcours de ce médecin respecté et courageux. De rendre hommage à son glorieux parent.
A la clé, un voyage dans la mémoire et dans le temps, mêlant les traces disparates d’un douloureux passé et les signes au présent d’une reconstruction.
Un texte qui mêle, quant à lui, une construction reposant sur un grand nombre de documents compilés, exhumés d’un passé désormais lointain, et une forme épistolaire adoptée avec justesse par l’auteure. Le tout est entrecoupé de saillies brusques et rapides, émouvantes, au détour d’une page.
Pourquoi lire ce récit ?
Bonheur que de lire le récit de la vie de Léon Cuenca grâce à cette construction originale, sans chapitrage et avec deux polices de caractères distinctes. Emotion de lire à chaque ligne, et entre chaque ligne, une tendresse teintée d’admiration que le cheminement par allers-retours entre passé et présent, aide à comprendre et à aimer.
Sandra Modiano est sans doute moins connue que son homonyme Patrick. Elle ne recevra sans doute pas autant de prix littéraires que lui (à fortiori de prix Nobel), mais son livre vaut incontestablement le détour et la lecture.
Inspirante, elle est aussi inspirée. Et si c’était la « présence » de son grand-oncle qui aura de bout en bout guidé son chemin vers lui ? N’écrit-elle pas, page 81, les mots suivants ? : « Une amie proche me souffle que c’est toi, Léon, assis sur ton nuage, qui tient les ficelles et qui guide mon chemin. Tu me chuchotes, d’un ton amusé et de ton accent mélodieux ‘Par ici, par là. Prends le temps. Réfléchis. Persévère. Si cela doit venir, cela viendra. Tu y arriveras ».
Elle y est arrivée…
© Gérard Kleczewski
Notes
- 1. Mon cher Léon, de Salonique à Lausanne. L’itinéraire du Dr Cuenca, médecin juif au camp d’Auschwitz. Éditions Slatkine. Collections « Etudes Historiques ». 130 pages. 28€.
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