Cette fois, l’opposition de centre-gauche rend les orthodoxes coupables de dévaliser les caisses de l’Etat et de refuser de partager le fardeau sécuritaire.
« Parasites, pique-assiettes, sangsues, pillards des caisses de l’Etat ». Ce sont là quelques-unes des accusations scandaleuses lancées, ces derniers jours, à la communauté orthodoxe d’Israël.
Des insultes souvent proférées par la fine fleur de l’élite israélienne, laïque, soi-disant « éclairée » et « tolérante ». Cette élite, qui affirme être le moteur de l’économie israélienne, et qui manifeste, chaque samedi soir à Tel Aviv, contre la réforme judiciaire. Une élite qui enfourche également, ces dernières semaines, ce sempiternel cheval de bataille hostile aux orthodoxes.
Et, au lieu de calmer les esprits et de favoriser un dialogue constructif entre ces deux courants majeurs de la société israélienne, la presse et les médias israéliens continuent d’alimenter les feux de la discorde en publiant, par exemple, des caricatures à fort relents antisémites, peignant les orthodoxes comme des cambrioleurs en train de dévaliser le ministère des Finances, et en ressortant les valises et les sacs pleins de billets ! « Ils sucent notre sang », a même osé lancer vendredi dernier Galit Gutman, une célèbre animatrice télévisée, lors d’un débat.
Deux motifs essentiels à ce déferlement de haine et de mépris : d’abord, un budget de 13 milliards de shekels qui serait attribué, entre autres, aux établissements scolaires orthodoxes en dépit du fait qu’ils n’enseignent pas les matières de base (mathématiques et anglais), et font donc obstacle à la future intégration professionnelle de leurs étudiants. Ensuite, le désir des formations orthodoxes de promouvoir, après la validation du Budget de l’Etat, une loi visant à dispenser les élèves des instituts talmudiques de service militaire.
Cette fois, donc, l’opposition de centre-gauche rend les orthodoxes coupables de dévaliser les caisses de l’Etat tout en refusant de partager le fardeau sécuritaire… Des accusations qui baignent dans l’hypocrisie. Ceci pour au moins quatre raisons :
- Les orthodoxes travaillent aussi : les « libéraux » accusent les orthodoxes d’être des parasites car, au lieu de travailler et d’être productifs, ils préfèrent étudier la Torah. Même s’il y a un peu de vrai quant à la productivité, il s’agit là d’un « pieu » mensonge ! Selon les données officielles, plus de 50 % des hommes et… 82 % des femmes orthodoxes travaillent officiellement avec une fiche de paie. Il est vrai qu’une augmentation des budgets de l’Etat attribués aux orthodoxes pourrait dissuader certains orthodoxes de s’aventurer sur le marché du travail, surtout s’ils n’ont pas étudié les matières de base. Mais encore faudrait-il que ces allocations soient conséquentes, ce qui n’est pas vraiment le cas.
- Des allocations plus faibles que celles des universitaires : les 13 milliards de shekels de budget « coalitionniste », au cœur du débat, sont répartis en deux années budgétaires, 2023 et 2024, soit environ 6,5 milliards par an. Qui plus est, moins de la moitié de cette somme est destinée au public orthodoxe. Le reste sera distribué, comme la loi l’autorise, au Likoud et à ses autres partenaires au sein de la coalition gouvernementale (Sionisme religieux et Force Juive). Les trois milliards de shekels alloués devraient être versés aux écoles et permettre aux élèves des instituts talmudiques d’obtenir une allocation mensuelle supplémentaire de 700 shekels soit 170 euros. Un véritable pillage, n’est-ce pas ? Ce que les médias et les manifestants anti-gouvernements omettent soigneusement de préciser, c’est qu’un Israélien qui étudie en vue d’une licence de littérature anglaise (!) est quatre fois plus subventionné qu’un orthodoxe qui étudie dans une yechiva.
- Une vaste hypocrisie politique envers les orthodoxes : il y a un an, le 5 mai 2022, Yaïr Lapid, leader ultra-laïc s’il en est, avait créé la surprise en assistant à l’anniversaire de Moché Gafni, l’un des hommes politiques les plus influents du monde orthodoxe. Etonnant non ? Pas tellement, car à l’époque, la classe politique était en période pré-électorale et Gafni était alors perçu comme le plus « gauchisant » des députés orthodoxes, et donc comme un possible partenaire dans une future coalition de centre-gauche. Conséquence : durant toute la campagne électorale de 2022, la gauche et le centre avaient bien pris soin de ne pas attaquer le parti Judaïsme de la Torah, dans l’espoir que Gafni pousse, ensuite, son parti vers une coalition conduite par Lapid. Les attaques contre les formations orthodoxes n’ont repris qu’après la très nette victoire de la droite… D’ailleurs Gafni l’a dit cette semaine à la tribune de la Knesset : « Ah ! Si nous avions rejoint la gauche, les journaux auraient été remplis de reportages élogieux sur les élèves des yechivot et sur leur contribution à la vie de la société israélienne ! » Pour Gafni, pas de doute : ceux qui aujourd’hui comparent les orthodoxes à des sangsues les auraient alors couverts de budgets.
4. L’hypocrisie de l’exemption du service militaire
C’est surtout là que le bât blesse. La détermination des partis orthodoxes à maintenir une législation dispensant les dizaines de milliers d’élèves des yéchivot de service militaire est, sans aucun doute, l’obstacle majeur qui sépare le monde orthodoxe du reste de la société israélienne. L’absence « légalisée » des orthodoxes à ce carrefour majeur de la vie sociétale israélienne qu’est le service militaire, jette une ombre pesante sur l’ensemble de ce public.
Mais là aussi, il y a derrière ce problème une fâcheuse dose d’hypocrisie et un étonnant paradoxe. Car si les données font état d’une baisse du nombre d’orthodoxes qui s’enrôlent, personne ne souligne qu’avant 2013, leur nombre au sein de l’armée ne cessait de grimper. Il a commencé à chuter lorsque Lapid, alors ministre des Finances du gouvernement Netanyahou, épaulé par la Cour suprême, a voulu forcer les jeunes orthodoxes à s’enrôler sous peine de lourdes sanctions. Erreur majeure : ceux qui veulent un jour voir les orthodoxes s’enrôler dans Tsahal doivent abandonner toute forme de coercition et privilégier le dialogue.
Mais l’hypocrisie règne aussi au sein de l’état-major de Tsahal, et c’est certainement là le plus grand paradoxe : les militants anti-orthodoxes voudraient voir cette population sous les drapeaux, c’est légitime. Seulement l’état-major ne veut pas en entendre parler ! Si, d’aventure, les grands rabbins orthodoxes voulaient déstabiliser ce prestigieux forum, ils donneraient leur feu vert à l’enrôlement de tous les élèves des yechivot dans Tsahal. Ce serait alors l’armée qui serait prise de cours et embarrassée. Car elle ne saurait absolument pas gérer près de 10 000 jeunes recrues orthodoxes par an avec leurs exigences en matière d’alimentation casher, d’étude de la Torah, d’offices publics et de respect du shabbat. Paradoxe plus stupéfiant encore, et moins connu : alors que, d’un côté, de nombreux Israéliens souhaitent que les orthodoxes rejoignent les rangs de l’armée, de l’autre, de nombreux généraux font tout pour endiguer l’irrésistible ascension d’un nombre toujours plus élevé d’officier supérieurs issus de la mouvance sioniste religieuse dans la hiérarchie militaire, de crainte de voir Tsahal se théocratiser. L’exemple du général Offer Winter, commandant adulé par ses troupes dont la promotion militaire a été freinée parce qu’il avait appelé ses soldats en 2014 à combattre « pour le Dieu des armées d’Israël », est l’expression la plus marquante de ce paradoxe.
Certes, le monde orthodoxe est aujourd’hui à la croisée des chemins. Cette communauté qui compte plus d’un 1,3 million de membres, soit 15 % de la population israélienne, va devoir très vite se confronter aux multiples défis qui frappent à sa porte quant à son implication dans la réalité israélienne. Mais ne soyons pas dupes : beaucoup de ceux qui viennent manifester contre le public orthodoxe à Bnei Brak ou ailleurs, sont souvent plus mus par des intérêts purement politiques, ou par un mépris envers le judaïsme traditionnel, que par de nobles considérations.
© Daniel Haïk
Journaliste franco-israélien, installé à Jérusalem depuis 35 ans, Daniel Haïk est analyste politique de la chaine I24news et rédacteur en chef de l’hebdo-madaire Haguesher. Il a été pendant 30 ans, l’une des « voix » connues de la fréquence juive parisienne.
Merci pour ces éclaircissements bienvenus ! Tout ça pour 13 milliards sur 2 ans soit 6,5 milliards et demi par an pour un budget de 485milliards ! Pas de quoi pousser ces cris d’orfraies ! On est loin des 53 milliards au secteur arabe qui n’ont donné lieu à aucune contestation.
C est la derniere phrase de cette bonne analyse de Daniel Haik qui est a retenir : la gauche bourgeoise n aime pas qu on ne partage pas son mode de vie , Brassens l avait observé avant Daniel Haik et cela reste vrai .
Par ailleurs je ne cautionne pas l existence de partis religieux en Israel , nous sommes un pays juif , c est etabli et je ne ressens pas le besoin de voter pour un parti qui me rappelle qui je suis !
De la meme maniere qu un parti » ecologiste » n a aucun sens : aimer et proteger la nature n est pas une opinion politique .
Les Harédim ont une âme mais les gôchistes israéliens n’ont pas de coeur comme les parasites.
Après la sortie d’Egypte, Dieu avait statué que les lévites devaient s’occuper du peuple; si les gauchistes d’aujourd’hui avaient « »afgané » » dans les allées du camp et après, dans les rues des villes en terre promise, nul doute que Dieu les aurait brûlé et aurait ouvert la bouche de la terre pour les avaler.