Le 20 février 2021, une jeune femme attendait le tram. Elle avait 20 ans : le bel âge. Sauf qu’elle a été agressée par un homme de 35 ans, qui l’a violée en la menaçant d’un poignard. Quand la police est arrivée, appelée par des témoins, le violeur a cassé le nez d’un policier. Cela s’est passé à Bègles, en Gironde. Sud-Ouest[1] en a parlé. Et plusieurs médias anglophones[2].
Et Le Monde ? Pfff ! Si la victime avait été musulmane, nul doute qu’il aurait entamé une campagne contre l’islamophobie et que le nom de la malheureuse Rachida* (prénom modifié) serait sur toutes les lèvres.
Et Libération ? Et Télérama ? Pas de temps pour les faits-divers, ils sont occupés à chercher des poux islamophobes sur des têtes extrême-droitistes.
Hélas, c’est le violeur qui est musulman. Forcément poussé par la misère, la discrimination, les humiliations… Sauf qu’il dit le contraire : il est abasourdi par la dureté de sa condamnation : « Je suis venu en France pour me bâtir un avenir ; je suis quelqu’un de bien ». Aucune contradiction avec son passage à l’acte ludique. « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-ci au-dessus de celles-là » (sourate 4, 34). Le code pénal est peut-être une bonne carte, mais l’As, c’est le Coran.
Migrant ne veut pas dire « innocent«
Le violeur était algérien, autant dire migrant, autant dire innocent. Quoique… L’ONU définit le migrant comme « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer[3]« .
Les médias ont eu beau user d’une pédagogie de la répétition pour convaincre le public que c’est un synonyme de « réfugié dont la vie est menacée », les mots continuent d’avoir un sens.
Sauf pour le Président de la république, qui fait Joker : « Ceux qui viennent de l’autre rive de la Méditerranée sont une chance de faire la France en plus grand », dixit Emmanuel Macron en campagne, le 7 février 2022. Et d’enfoncer le clou, pour les mal-comprenants : « Nos diasporas, nos binationaux sont une chance formidable pour la France[4]« .
Justement, Ahmed Khalef est algérien. Lors de son audience, le 24 avril 2022, il s’est déclaré profondément choqué d’avoir passé 26 mois en préventive.
Les quinze ans de la sentence ne sont que l’olive sur la chéchia, car ce que l’accusé récuse, c’est le principe même. Au point qu’il ne comprend pas ce qu’il fait là : « Je suis quelqu’un de bien », « Je suis un fils unique au milieu de 7 sœurs », « J’ai reçu une bonne éducation » dans une famille « normale ».
Conflit de civilisations
Dans la hiérarchie de valeurs du violeur, condamner quelqu’un à la prison pour avoir violé une koufar en la menaçant d’un couteau, c’est pire que disproportionné, c’est incompréhensible.
Il n’en va pas de même du côté de chez #MeToo : la hiérarchie des normes médiatiques est la même que celle des réseaux sociaux, la transparence en moins.
Si Khalef s’était attaqué à une chèvre, les choses auraient été claires et l’animal aurait reçu le soutien d’une cellule psychologique.
Mais une jeune femme blanche ? C’est même pas une couleur ! C’est le mélange en quantité égale des sept couleurs de l’arc-en-ciel. L’arc-en-ciel, ça c’est une couleur respectable (synonyme : « victime »). Mais blanche ?
Dans cette affaire, les journalistes ont été confrontés à une dissonance cognitive : côté pile, musulman = innocente-victime-du patriarcat-blanc-dans-un-système-raciste. Côté face, viol = n°1 dans les crimes contre l’humanité, juste après l’indépassable « féminicide » (qui, dans les faits, est un homicide, même si le mot est synonyme de génocide).
Incapables de distinguer le gentil du méchant, ils se taisent.
Le Code pénal battu à plate couture par le Coran
Ahmed Khalef, lui, ne doute pas qu’au Jugement dernier, il bénéficiera de félicitations : il a tout fait comme il fallait, en suivant le mode d’emploi énoncé dans le Livre.
Notre civilisation judéo-chrétienne nous conditionne à une morale. Le Bien et le Mal sont des absolus universels. `
Ce qui les constitue a évolué au fil des siècles et des connaissances, pour arriver au XXIe siècle à un corpus dans lequel la vie est la valeur suprême, complétée par le trio Liberté-Égalité-Fraternité.
Nous sommes trop convaincus de la supériorité morale de nos valeurs pour admettre qu’elles n’ont aucun sens dans d’autres civilisations.
À l’est d’où vient le nouveau dogme, les « bons musulmans » sont ceux qui suivent le Prophète au plus près. Mahomet a épousé Aicha quand elle avait 6 ans et il l’a déflorée quand elle en avait 9. Cette norme est donc celle qui doit prévaloir dans les relations entre hommes et femmes. Ahmed Khalef ne se moque pas de la Cour quand il affirme être quelqu’un de bien et ne pas comprendre ce qu’il fait dans le box des accusés.
Petits calculs entre amis
Qu’il se rassure : une condamnation à 15 ans se traduit par une peine de la moitié. Quand il sortira au milieu de jeunes filles en fleur, il aura l’âge de combler des années de désirs inassouvis. Des années… Combien ?
Poser la question, c’est déjà y répondre par le point Godwin-Le Pen. La preuve, France Info a beaucoup tortillé de la plume pour décompter à charge : « Dans le meilleur des cas, un détenu condamné à 15 ans de prison peut donc sortir au bout de 8 à 9 ans ». [5] Desquels il faut déduire les 26 mois de préventive d’Ahmed Khalef, ce qui fait… 70 mois, soit un peu moins de six ans. C’est combien, déjà, la moitié de 15 ?
Damned ! Les maths sont d’extrême-droite !
© Liliane Merssika
Notes
[1] www.sudouest.fr/justice/cour-d-assises-de-la-gironde-il-est-accuse-d-avoir-entraine-une-jeune-fille-dans-un-parc-pour-la-violer-14911291.php
[2] www.frontpagemag.com/france-muslim-migrant-rapist-shocked-at-his-sentence-im-a-good-person/
[3] https://refugeesmigrants.un.org/fr/d%C3%A9finitions
[4] www.leparisien.fr/elections/presidentielle/une-chance-formidable-pour-la-france-macron-critique-zemmour-sans-le-nommer-sur-sa-vision-de-limmigration-07-02-2022-MRD5IDADGVEDLI37HIGYZJKFTI.php
[5] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/un-condamne-a-15-ans-de-prison-ne-fait-que-la-moitie-de-sa-peine_1770053.html
Écrivain, Essayiste, conférencière, traductrice, Liliane Messika est auteur de plus de 30 ouvrages, dont plusieurs sur les conflits du Moyen-Orient. Liliane Messika est membre du comité de rédaction de Menora.info.
À lire: Liliane Messika, Lettre ouverte aux antisionistes de droite, de gauche et des autres galaxies, éditions de l’Histoire, 2023.
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