L’Album de Lili Jacob

L’Album d’Auschwitz (aussi appelé Album de Lili Jacob, du nom de la détentrice de l’album) est un ensemble de photographies prises dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau à l’été 1944, et constituant une collection unique dans la mesure où elle est l’un des principaux témoignages visuels du processus d’extermination des déportés juifs d’un convoi dans un centre de mise à mort.

L’album, découvert en avril 1945 dans l’ancienne chambre d’un SS par une déportée, Lili Jacob, dans une baraque du camp de Dora-Mittelbau, a une particularité: Lili se reconnait sur certaines photos, et reconnait certains de ses proches dans cet album titré « Transplantation des Juifs de Hongrie ».

En 1980, Serge Klarsfeld, convaincu que l’album doit être sauvegardé et protégé, organise une rencontre à Jérusalem entre Lili Jacob et le Premier ministre Menahem Begin: l’album est donné au Mémorial de Yad Vashem où il se trouve toujours.

Les photographies portent sur l’arrivée des convois de Juifs hongrois, communauté déportée en mai 1944. Les historiens Serge Klarsfeld et Marcello Pezzetti estiment que ces images ont vraisemblablement été prises par les SS Ernst Hofmann et Bernhard Walter, du service d’identification du département politique d’Auschwitz, dans une démarche qui suscite des interrogations.

Tal Brutmann ajoute que certaines photographies peuvent également être l’oeuvre de Rudolf Höss lui-même, comme le rapporte le témoignage du photographe polonais Wilhelm Brasse au procès de Francfort-sur-le-Main.

Quelques historiens relèvent des traits propres aux photographies de propagande allemande dans le cadrage et le choix des sujets, d’autres estiment qu’il pourrait s’agir d’un rapport commandé.

Les images ne montrent en tout cas pas la phase d’extermination proprement dite mais sa préparation. Elles ciblent les sélections sur la « rampe » – voie de chemin de fer arrivant directement dans l’enceinte de Birkenau, installée peu de temps avant l’anéantissement de la communauté hongroise, ce qui permet notamment de dater les photographies de l’album. Les récupérations des biens confisqués au Canada qui les suivent et l’attente des personnes qui vont être gazées.

L’historien Tal Bruttmann, qui a consacré un ouvrage à cet ensemble photographique, questionne l’usage contemporain de ces photographies et appelle à la prudence concernant les interprétations que l’on peut tirer du fonctionnement du camp à partir de ce support : « Ces images ont été utilisées pour montrer ce qu’était Auschwitz. Le problème c’est que ce n’est pas ce qu’était Auschwitz au sens premier du terme, mais ce que des SS veulent montrer à d’autres SS à Berlin sur le fonctionnement d’Auschwitz. Un Auschwitz ‘idéalisé’ par des SS pour des SS. […] Nous, on s’identifie à ces victimes. Sauf que le photographe SS ne cherche pas à apitoyer qui que ce soit. Au contraire, il cherche à montrer à ses supérieurs à Berlin le ‘brio’ du système de duperie mis en place pour réaliser la plus grande opération d’assassinat de la ‘Solution finale' ».

L’Album comprend aujourd’hui quelque 193 prises de vues.
Outre cet ensemble iconographique, on possède aujourd’hui dans le cas du camp d’Auschwitz-Birkenau quelques photographies prises par des membres des sonderkommandos d’Auschwitz II (Birkenau), et, depuis le début de l’année 2007, un album de photographies du personnel SS du camp, couramment appelé « Album de Karl Höcker », sur lesquelles apparaissent certains hauts-gradés présents à Auschwitz, comme Josef Mengele ou Rudolf Höss.

Bibliographie:

Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, 2004
Serge Klarsfeld, Marcello Pezzetti, Sabine Zeitoun, L’Album d’Auschwitz, préface de Simone Veil, coédition Al Dante et Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2005
Serge Klarsfeld, Marcello Pezzetti, Sabine Zeitoun, « L’Album d’Auschwitz », avant-propos de Simone Veil, préface de Najat Vallaud-Belkacem, préface de David de Rothschild, coédition Canopé et Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2015, 160 p.
Tal Bruttmann, Christoph Kreutzmüller et Stefan Hördler, « L’« album d’Auschwitz, entre objet et source d’histoire », Vingtième Siècle : Revue d’histoire, no 139,‎ 2018, p. 23–42 (DOI 10.3917/ving.139.0023, lire en ligne [archive]).
Tal Bruttmann, Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller, « Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes », Paris, Seuil, 2023.



Filmographie

Alain Jaubert, « Auschwitz, l’album de la mémoire », 1984.
László Nemes, « Le Fils de Saul », 2015

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*