Daniel Sarfati. Hannah Arendt

Le 11 avril 1961, s’ouvre à Jérusalem le procès Eichmann. 

Dans une cage en verre, un homme chauve et myope de 55 ans, le fonctionnaire nazi qui a planifié l’extermination des Juifs d’Europe. 

Hanna Arendt a été chargée de couvrir ce procès pour le magazine américain « New Yorker ». 

Il est probable qu’elle n’ait pas assisté à toutes les audiences. 

Le livre qu’elle en tire n’est pas un compte-rendu exact et exhaustif du procès, il est surtout une réflexion philosophique, et un ressenti devant l’horreur de la Shoah. 

La Shoah, elle ne l’a pas vécue. 

Elle fait partie de ces intellectuels juifs qui ont pu être exfiltrés aux USA par le diplomate Varian Fry. 

Hannah Arendt commence par s’interroger sur la légalité de l’enlèvement en Argentine de l’accusé, puis de la légitimité de l’Etat d’Israël à le juger. Puisqu’il s’agit de crimes contre l’humanité c’est un tribunal international qui doit statuer. 

Elle, la juive allemande, la « yeke », décrit le procureur israélien Gideon Hausner comme « un Juif galicien typique, très antipathique », au service de la propagande de Ben Gourion.

Hannah Arendt n’a jamais été séduite par l’idée sioniste. 

Elle met en cause les Conseils juifs qui, dans les ghettos, livrèrent leurs coreligionnaires aux nazis. Il s’agirait d’une forme de collaboration. 

Son ton est ironique lorsqu’elle souligne le manque de précision des témoignages des survivants. 

Pour elle, Eichmann n’était qu’un petit fonctionnaire falot au service de sa hiérarchie. 

D’où le fameux concept de « banalité du mal », qui ne banalise pas le Mal mais le met au service de tout le monde y compris les plus médiocres. 

La désinvolture et le manque d’empathie d’Arendt indignera le philosophe, spécialiste de la Kabbale, Gershom Sholem. 

Dans leur correspondance, Hannah Arendt persiste à l’appeler « Gerhard », son prénom allemand. 

Sholem, qui était son ami, refusera par la suite tout contact avec elle. Il écrira :  

« Encore un peu, les Juifs se seront persécutés et exterminés eux-mêmes, en la présence fortuite de quelques nazis… »

En lisant le livre d’Hannah Arendt, j’ai ressenti le même malaise que Gershom Sholem.

J’ai eu du mal à arriver jusqu’au bout. 

Tant par le témoignage d’Eichmann que par le raisonnement froid d’Harendt. 

Eichmann a été capturé, un soir, dans la banlieue de Buenos Aires, par un commando du Mossad. 

Isser Harel, le directeur du Mossad, avait fait très attention en composant les membres de son commando, il avait choisi des hommes qui n’avaient pas perdu de proches pendant la Shoah. 

Il fallait ramener Eichmann vivant en Israël. 

Rafi Eitan dirigeait ce commando.

Il le fit de manière froide et déterminée. 

Mais au dernier moment, alors qu’il tenait, serré entre ses bras, Eichmann, il fut envahi par l’émotion. 

Il raconte :

« Ce fut l’une des opérations les plus simples que j’aie menées. 

Vous le frappez sur l’épaule droite, vous tournez l’épaule gauche vers vous, vous verrouillez la tête entre les deux mains et vous le traînez. J’ai commencé à sentir ses cicatrices et j’ai réalisé : c’est lui. 

J’aI chanté en silence la chanson des partisans : ‘Nous sommes ici.

Nous sommes toujours vivants' ».

© Daniel Sarfati

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