FRANCE : c’est une révolution ? Non monsieur le Président, c’est un divorce
Les Français, toutes opinions politiques confondues descendent dans la rue depuis des semaines, contre la réforme des retraites. Elle a cristallisé des forces politiques d’ordinaire opposées et des syndicats pour une fois unis et tout cela avec la hantise de voir les black-blocs faire d’une situation inextricable une atmosphère insurrectionnelle. Face à ces troubles le président de notre république tellement monarchique pourrait se demander si ce n’est pas une nouvelle révolution, ce à quoi on serait bien inspiré de lui répondre : « Non Monsieur le c’est un divorce. » Car la France connait sans doute l’une de ses plus graves crises de confiance depuis 1968. Cette fois l’objectif n’est pas de faire tomber De Gaulle, mais de ramener un homme aux allures de jeune premier à des réalités bien oubliées depuis plus de cinq ans.
On pourrait dire que la réforme des retraites a été menée sans diplomatie ni concertation, sauf qu’en France il est impossible de discuter avec des syndicats décidés à systématiquement politiser les conflits pour masquer leur faible représentativité dans les entreprises. Quant aux hommes politiques, inutile d’ergoter sur le peu de confiance que leur accordent les Français. Ce que veut le peuple c’est être entendu.
Pour ce qui est des black-blocs, certains les ont vus comme la réincarnation des casseurs « katangais » de mai 1968 (1) Le monde a changé. Les black-blocs représentent moins de 0,5% des manifestants mais occupent 70% de l’espace médiatique, ce qui donne à l’ensemble une atmosphère insurrectionnelle (2). Cependant il suffit de bien les observer pour comprendre à quel point ils sont organisés et entraînés. Anti démocrates, éco-terroristes, woke, pro-islamistes, comment ne pas imaginer une intifada à la française faisant le lit d’une extrême-gauche totalitaire face à une extrême-droite tout aussi intolérante ?
ALGÉRIE : dis-moi qui organise et je te dirai qui arrêter
En Algérie, le « Hirak »autrement dit la contestation au régime paraît s’essouffler. En réalité elle a été brisée d’abord grâce au Covid, (pain béni pour les militaires) puis avec les nouvelles règles que le régime a imposées au peuple. Désormais toute manifestation doit faire l’objet d’une « déclaration préalable » sur laquelle doivent être expressément précisés son parcours, ses heures de début et de fin mais surtout, l’identité des organisateurs. C’est effectivement un moyen très efficace pour aller arrêter les organisateurs. Ainsi donc, l’Algérie, république islamiste qui ne dit pas son nom, qui, sous couvert d’une pseudo loi d’amnistie (3) permet aux militaires de gouverner forts d’une alliance aussi bâtarde qu’officieuse avec les islamistes.
L’Algérie dont on sait les richesses fossiles tient le peuple d’une main de fer. Depuis l’indépendance, la valse des profiteurs du FLN ne cesse de gangrener un pays avec une tendance marquée pour la corruption. On aurait pu penser que le président Boudiaf allait mettre de l’ordre dans la maison, mais, avec l’aide des Frères Musulmans, il a été assassiné. Après quoi la dictature a repris ses marques.
Les Algériens manifestent moins, certes, mais cela ne signifie pas un quelconque abandon de la lutte. Ce qui était difficile hier est devenu TRES dur aujourd’hui. Comme ils disent : « mieux mourir ailleurs que de vivre ici ».
IRAN : du grain dans les voiles
Depuis plusieurs mois, des femmes et des hommes descendent dans la rue en risquant leur vie, car au pays des mollahs on ne badine pas avec la mort. Aussitôt arrêtés les manifestants après un simulacre de procès sont expédiés dans l’autre monde par grue interposée. Mais plus la répression est dure, plus la résistance est forte.
Dans ce pays qui a été l’un des berceaux de la civilisation, manifester n’est pas le signe d’une révolte mais une action de résistance contre la terrible dictature sanguinaire des mollahs. Les journalistes filment ces manifestants parce que c’est leur métier. Mais les hommes politiques en Occident qui voient ces images que font-ils pour aider la jeunesse à s’extraire des corbeaux noirs que sont les mollahs ? Rien parce que nous vivons dans un monde où les interférences économiques se heurtent toujours aux impératifs humanitaires.
ISRAËL : Ben Gourion, reviens, ils sont devenus fous !
En Israël, l’élection de Netanyahou était prévisible. Le peuple israélien, notamment les religieux et les franco-israéliens ne sont pas particulièrement à gauche et pourtant, à peine trois mois après la réélection du leader du Likoud, la rue israélienne connaît l’une de ses plus fortes fractures depuis la guerre du Liban. Sur fond de conflit israélo-palestinien, Israël est pris entre deux feux : d’un côté les islamistes du Hamas et du Hezbollah ; de l’autre une réforme du système judiciaire qui met en danger une démocratie dont le mur porteur est la Cour Suprême. Ces manifestations dans les rues, cette angoisse du lendemain, cette obsession de ne pas sacrifier sur l’autel de la sécurité intérieure, les valeurs qui, dès 1948 ont fait de ce pays la seule démocratie de la région, traduisent un malaise qui tombe, ironie de l’histoire avec le 50ème anniversaire de la mort de Ben Gourion. Israël n’est pas à l’abri d’une dérive religieuse voire même d’un totalitarisme de la part des ultra-orthodoxes dont beaucoup voient en l’Etat d’Israël comme une sorte d’incohérence religieuse (4). En attendant, ils en profitent ces ultras, en ayant tout d’abord tenté de remettre en selle Arié Dhery, mais la Cour Suprême l’a renvoyé à ses chères affaires. Cependant si le peuple israélien manifeste c’est aussi parce que, via la présence de Ben Gvir au gouvernement, le rabbin Khan, interdit d’éligibilité pour racisme, entend bien tirer les ficelles. Ben Gvir a donné trois mois au gouvernement pour que la réforme judiciaire notamment le rétablissement de la peine de mort soit votée sinon il quitte le gouvernement. Dans les régimes autoritaires on appelle ça un ultimatum d’autant plus indécent que dans la rue des gens de gauche comme de droite manifestent contre l’iniquité de ce ministre mais pas contre Israël.
Plus les manifestations montent en tension, plus on craint des débordements. Pour beaucoup, en ma qualité de juif français, vivant dans le pays de Diderot, je n’aurais aucune qualité pour évoquer la situation en Israël. Je récuse totalement ce point de vue car, si je ne commente pas ce qui se passe en Israël, alors je ne pourrais pas parler de l’Algérie puisque je ne suis pas Algérien ou de l’Iran puisque je ne suis pas Iranien ? Mon seul droit serait de ne parler que de la France ? Non je ne me tairai ni sur ce qui se passe en France ni en Algérie ni en Iran et encore moins en Israël.
FRANCE, ALGÉRIE, IRAN, ISRAËL : Bruxelles au cœur des tensions
Bruxelles n’a pas les mains propres. Loin de là ! Question des retraites, politique agricole, immigration non contrôlée, partout c’est l’omnipotence de la législation européenne tous les jours plus pensante. Bruxelles est sur tous les fronts quand il s’agit de briser les velléités nationales. Je suis fondamentalement européen mais totalement opposé à une UE poreuse à l’idéologie islamiste à travers les réseaux des frères musulmans (5). Par ailleurs, ce n’est pas innocemment que j’ai évoqué « pêle-mêle » les manifestations en France, la dictature en Algérie, la terreur en Iran et la situation en Israël. C’est pour démontrer à quel point la politique extérieure de l’UE préfère cultiver les intérêts des grands groupes industriels plutôt que d’aider les peuples. La Commission n’a aucune légitimité démocratique à fortiori la présidente de ladite commission puisqu’elle ne repose sur aucun vote populaire.
La question des retraites par exemple est liée aux « bons points » donnés par les banques à la classe France. Pas de réforme des retraites et c’est un point en plus sur les taux d’intérêts, car qui dit retraite dit fonds de pension. Tout est lié et l’Europe n’a aucun intérêt à s’opposer aux intérêts financiers. Pauvre France ! Même ton président est obligé d’aller prochainement en visite en Chine en emmenant dans ses bagages la présidente de l’UE comme s’il risquait de faire un faux pas au pays des alliés de Moscou et de Téhéran.
L’Algérie n’est pas non plus hors de propos. Les richesses gazières et pétrolières sont telles que l’Europe qui a besoin de ce gaz et de ce pétrole, met sous le tapis ses déclarations de droits de l’Homme au profit d’une « coopération économique dans la concertation et la compréhension de chacun » autant dire que Bruxelles bloquera systématiquement toute tentative de déstabilisation du régime militaire à Alger.
Quant à l’Iran, Bruxelles n’hésite pas à coopérer avec Téhéran sur ce que l’UE appelle un programme civil nucléaire, tout en sachant pertinemment que les mollahs n’ont qu’un objectif : posséder la bombe et anéantir Israël.
Israël justement. Le 27 mars se tient une réunion d’intellectuels juifs sur le thème « sauver la démocratie israélienne ». Le sujet est important et urgent. Mais pourquoi diable tenir cette réunion à Bruxelles ? Pourquoi ne pas avoir le courage d’aller en Israël mener un tel débat, qui certes a toutes les chances d’être houleux, mais qui, j’en ai la certitude aura toutes les chances de se tenir. L’UE aurait-elle besoin d’une telle réunion pour s’affranchir d’un islamisme toujours plus pernicieux dans le tissu de la société civile, au sein de l’éducation, dans les coulisses du sport, dans les collections de vêtements et pour finir, passer sous silence cette campagne d’affichage de Bruxelles où les femmes sont voilées ? Messieurs les Intellectuels juifs, votre réflexion est louable mais votre allégeance à l’UE est regrettable.
© Michel Dray
Notes
- 1. On appelait les casseurs de mais 1968 « katangais » Ils sont à l’origine de la loi anti-casseur.
- 2. Il suffit de regarder les images diffusées sur la chaîne américaine CNN pour croire que la France est en pleine guerre civile.
- 3. En 2002 l’Algérie a officiellement mis fin à la guerre civile par une amnistie qui a effacé l’ardoise. Bref plus de coupables…mais 300 000 tombes. Il n’empêche l’Algérie est de plus en plus islamisée.
- 4. Les religieux ont été très hostile au mouvement sioniste. Ben Gourion dit qu’à Odessa quand un juif partait en Palestine les rabbins faisaient la prière des morts. A noter également que le premier congrès sioniste devrait se tenir à Munich mais devant le refus des rabbins il s’est tenu à Bâle en 1896.
- 5. A lire absolument le dernier livre de Florence Bergeaud-Blackler « le Frérisme et ses réseaux » chez Odile Jacob, préface de Gilles Keppel.
Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenne, Michel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée. Il fut en 2021 Président du Jury du “Festival International de Cinéma et Mémoire commune” au Maroc.
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