Sharansky : « Nous avons besoin d’un large consensus sur la refonte judiciaire »
L’ancien prisonnier de Sion, ministre sous Netanyahu, ne soutient pas le plan de réforme tel quel, mais il affirme : « Non, Israël ne devient pas la Russie »
« Est-ce que je suis inquiet à l’idée qu’Israël devienne une dictature comme l’Union soviétique ou comme la Russie de Poutine aujourd’hui ? Non », déclare Sharansky, ancien ministre dans des gouvernements qui étaient dirigés par Netanyahu et ancien président de l’Agence juive, au Times of Israel dans un entretien.
Si les réformes sont adoptées telles qu’elles sont présentées aujourd’hui par la coalition, « nous ne cesserons pas d’être une démocratie », explique-t-il. Il ajoute toutefois que « nous devrons nous battre de manière bien plus dure pour rétablir l’équilibre entre la Cour et la Knesset ».
« Le fait que cette réforme nous fasse passer d’un extrême à l’autre n’est pas une bonne chose », estime Sharansky. Et il fait part de son opposition à certains éléments spécifiques de la législation – soulignant que si les politiciens doivent avoir le dernier mot sur les affaires politiques, c’est le système judiciaire qui doit avoir le dernier mot sur toutes les questions liées aux droits de l’Homme.
Il rejette aussi la manière « brutale » qui caractérise l’avancée rapide des réformes au Parlement et il note que des projets de loi si déterminants et si amples auraient dû être conçus dans le cadre d’un dialogue, et bénéficier d’un large consensus.
En même temps, il critique néanmoins l’opposition pour ce qu’il considère comme une absence de volonté de négocier et pour sa croyance – erronée selon lui – qu’elle sera en mesure de déjouer la législation par des manifestations répétées. Il déclare que l’opposition doit établir les principes sur lesquels elle est prête à négocier et souligner les aspects des réformes dont elle estime qu’ils sont inacceptables, en présentant des arguments détaillés et cohérents au public, afin de rendre plus difficile au gouvernement l’adoption des lois telles qu’elles sont.
S’il devait conseiller Netanyahu, continue-t-il, il soulignerait l’impératif du consensus et il prônerait l’intervention de tous les experts concernés lors de l’étude en Commission des réformes. Il ajoute que les points de vue des spécialistes doivent être pris en compte.
Par exemple, précise-t-il, « ce que je dis, c’est qu’il faut inviter [Alan] Dershowitz et [Irwin] Cotler, », deux professeurs de droit reconnus et résolument pro-israéliens qui ont chacun fait part de leurs inquiétudes face au projet de refonte du système de la justice et soulevé certaines objections. « Il est très difficile de trouver des défenseurs plus fervents d’Israël. Invitons-les en commission pour savoir ce qu’ils pensent des réformes. Invitons des hommes d’affaires. Laissons-les nous expliquer ce qui leur semble problématique ».
Quand il lui est rappelé qu’une multitude d’experts avait déjà pris la parole devant la Commission judiciaire de la Knesset, il répond que Dershowitz et Cotler « sont des personnalités qu’il sera très difficile de passer au bulldozer ou d’ignorer ».
Sharansky rejette l’idée d’un Netanyahu qui aurait été le cerveau de la refonte judiciaire pour échapper à son procès pour corruption. « J’espère que ces réformes ne seront pas adoptées telles qu’elles sont. Mais penser que tout a été manigancé parce que Bibi Netanyahu voudrait échapper à son procès, je pense que c’est absolument injuste et que ce n’est pas la réalité ».
Mais si, d’aventure, la première phase de réforme devait être suivie d’un texte de loi qui extirperait le Premier ministre de ses déboires judiciaires, il faudrait l’arrêter à tout prix, dit-il. « S’il devait y avoir un projet de loi établissant qu’un Premier ministre ne peut pas être traduit devant les juges alors oui, je suis d’accord, il s’agirait spécifiquement d’une ‘loi Bibi Netanyahu’ et il faudrait l’arrêter parce qu’elle ne devra pas être rétroactive. Mais, selon moi, ce n’est pas ce qui est en train de se passer ici ».
Pour Netanyahu, ajoute Sharansky, « c’est un gouvernement qui pose énormément de problèmes. Netanyahu, pour la toute première fois, est à la gauche, à l’extrême gauche de son gouvernement sur les questions politiques et sur les questions de religion et d’État. Il est religieusement et politiquement à la gauche de sa coalition, qui manœuvre à droite toute. Ce qui limite excessivement sa zone de manœuvre. Ensuite, il a une si forte dépendance par rapport à ses partenaires de coalition… Je ne le dis pas de manière positive. Je considère que c’est très négatif. »
En conséquence, dit Sharansky, « on peut constater qu’il y a un certain nombre de demandes extrêmes auxquelles il n’est pas prêt à résister, comme accorder une autorité à [Bezalel] Smotrich au sein du ministère de la Défense. Comme accorder à Ben Gvir la responsabilité des enquêtes de la police, au détriment du commissaire de police. Cela change presque entièrement la donne et je ne sais pas si les gens comprennent bien à quel point c’est problématique. Je ne crois pas que Netanyahu y croit lui-même. Il accepte tout cela afin de pouvoir conserver sa coalition en un seul morceau ».
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© David Horovitz © Natan Sharansky
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