Catherine Stora. Parlez-vous le chat-mot ?

Cela fait quelque temps que TJ suit Catherine Stora et son blog: Alma Medoubar. Et ça fait du bien…


 »Alma Médoubar » veut dire en hébreu  »de quoi parle t-on » : c’est un nom en forme de blague car j’aime bien les blagues, et rigoler en général, quoi que les occasions de se marrer deviennent assez rares par les temps qui courent. Je veux parler d’Israël où je vis depuis quelques années, espérant intéresser autant ceux qui y vivent que ceux qui l’aiment de loin, sans complaisance ni tabou. Et de tout ce qui m’intéresse dans la vie : le monde, la politique, le bonheur, la joie, la santé, etc

J’ai décidé d’écrire des articles, puisque les journalistes professionnels ne font pas leur boulot ! Qu’ils récitent benoitement le narratif du gouvernement, en ce qui concerne la prétendue crise sanitaire !


Je déblatère, c’est entendu, mais je ne parle pas encore le chat-mot… Et vous ?

C’est paraît-il une langue que l’on apprend très facilement en conversant avec un bot, (prononcez botte) il s’agit d’un chat, (prononcez tchatte) ça veut dire « conversation » en anglais : un nouveau programme informatique nommé « ChatGPT ». Une copine m’a tout récemment signalé son existence, enthousiaste et volubile, parlant des possibilités étonnantes de ce nouveau gadget mis en circulation il y a peu par la société Open A.I, ça se prononce open eye, l’œil ouvert.😉

Ainsi, le 30 novembre 2022, cette société (qui appartient à Samuel Altman et… Elon Musk) a mis à la disposition du grand public un programme dit « conversationnel » : il permet à l’homme d’avoir une conversation fructueuse avec un bot (un programme informatique) : dame ! Il serait capable de produire des textes sur commande, et en un clin d’œil, (en un seul clic) et ce, sur tous les sujets imaginables. A la femme aussi, préciserons-nous pour ne pas fâcher les copines féministes qui liraient cet article de blog. (Je vous fais grâce de l’énumération des genres des lecteurs potentiels, laquelle serait trop fastidieuse, je crois, bref, si vous êtes un dauphin transgenre non-binaire vous pouvez rester.) Il faut d’emblée préciser qu’il s’agit d’une nouvelle version de GPT3, qui lui, est un outil payant. Les possibilités de ce nouveau programme entièrement gratuit (en fait, cette version grand public de GP3 donc) suscite un véritable engouement, elles sont vantées un peu partout sur les réseaux, car sa vitesse serait phénoménale, il serait capable de pondre en trois secondes des articles que vous mettriez quatre heures à écrire, (et encore, en bâclant) et ce dans tous les styles, sur tous les sujets, et dans toutes les langues. Un succès sidérant.

Tout le secret est paraît-il de savoir lui poser les bonnes questions. Et surtout, de trouver la bonne formulation, pour arriver à lui faire produire du contenu réutilisable : parler sa langue, qu’il s’agisse de cuisine, de politique, de sport, de mécanique, peu importe, ce qui compte c’est que ce chatGPT soit entraîné par des humains, adultes, enfants, qui travaillent bénévolement à l’améliorer : tous, il bossent le chat-mot… Se rendent-ils compte qu’ils contribuent grandement à l’affinement des paramètres, le tri du data, et donc au fonctionnement du programme ?

« Si c’est gratuit, c’est toi le produit« 

« Si c’est gratuit, c’est toi le produit »… dit-on, et avec justesse semble-t-il : ce programme informatique est actuellement testé par un grand nombre de personnes qui l’utilisent pour produire des textes, qu’il s’agisse d’articles, synthèses, devoirs d’histoire ou de n’importe quelle matière, de manuels d’utilisation, de discours… Oui, de discours, car, et c’est même une première mondiale, pas plus tard que y’a pas longtemps comme disait Coluche, une députée israélienne a prononcé un discours entièrement écrit par chatGPT devant la Knesset. Elle s’en est vantée, toute fière, et c’était le 15 février dernier. Il y a à peine huit jours. Madame Sharon Haskel, du parti Tikva Hadasha. (Nouvel Espoir).

Cet entraînement gratuit lui permet de mettre à jour, chaque seconde, sa gigantesque base de données. Il apprend, au contact de l’utilisateur, à effectuer certaines tâches, à rechercher certains mots exactement comme un chien est entraîné par son maître à obéir à ses ordres et à aller ramasser le gibier, à la chasse. C’est du dressage. Le chien met un certain temps à devenir capable de faire ce qu’on lui demande, aller chercher un objet que l’on lui lance, ou un randonneur en montagne, enseveli sous la neige. On peut le dresser à attaquer le facteur ou les voleurs, à détecter de la drogue ou à sauter dans un cerceau. Chien blanc, héros du roman éponyme de Romain Gary, est un chien dressé à attaquer les Noirs, dans l’Amérique profonde de l’après-apartheid, mais change de maître, au cours de l’histoire…

En théorie, le chien est intelligent et il peut tout apprendre ou presque. Compter, jouer au ballon, reconnaître certains mots ou voler des saucissons au marché. Tout dépend de qui est son maître.

Qui est le chien ?

Je crois très sincèrement que la seule raison pour laquelle ce gadget (car oui, c’est un gadget) est gratuit, c’est qu’il a besoin d’être utilisé par des humains, pour pouvoir fonctionner et ainsi, s’améliorer. Il est actuellement en phase de test. Cependant, d’après ce que j’ai compris, l’humain doit comprendre comment l’outil fonctionne, comment ce programme informatique peut être optimisé pour fournir un maximum de contenu pertinent. On doit en quelque sorte le tenir en laisse pour l’empêcher de gambader partout et de perdre de vue l’objectif, de se perdre dans des détails superflus, et lui donner des ordres précis pour éviter les confusions possibles si la consigne est trop vague.

Et si c’était nous qui étions testés sur nos capacités à l’utiliser, ce nouveau gadget de productions de texte ? Si c’était nous qui apprenions, en réalité ? Car on ne s’adresse pas à lui comme à un humain, on doit s’habituer à la manière dont il fonctionne, apprendre à le connaître, s’il est fiable, s’il ne dit pas trop de bêtises…

Il dit beaucoup de bêtises

Par exemple, aux dires de cette amie que j’évoquais en commençant, il a parfois des réponses pour le moins surprenantes : elle lui a demandé comment se rendre de Beershéva à Tel Aviv, et a reçu ce conseil, prendre le bus et ensuite, l’avion. Trompé par la présence d’une université Ben Gourion à Beershéva, il en a conclu qu’il y avait un aéroport… Évidemment lorsqu’on lui signale ses erreurs il commence par s’excuser, promet de faire plus attention la prochaine fois, comme un enfant pris en faute. Assure qu’il « apprend de ses erreurs », ce qui est vrai évidemment, car c’est justement pour cela qu’il a été mis au contact du grand public, pour qu’il apprenne de ses erreurs… Donc non, mon cher, pour aller de Beershéva à Tel Aviv, on peut utiliser le bus, à partir de la gare routière, le 370 ou le 380, le premier a un terminus à la gare centrale de Tel Aviv, le second, à Arlozorov, plus au nord, à la gare des trains. Le 369 y va aussi, mais il est plus long car il dessert plus de localités. On peut y aller en voiture, en une heure, en train, en taxi, en chameau aussi, sûrement. Ici, c’est pas les chameaux qui manquent.

Quel est l’enjeu ?

Comment distinguer entre les productions d’un robot et celles d’un humain ? Cette question, figurez-vous, les profs se la posent déjà… ça fait déjà un moment que les élèves vont piocher dans Wikipédia. Remettent des devoirs tout faits trouvés sur le net. Mais là, c’est du sur-mesure… Les profs devront devenir capables de distinguer entre un texte fourni par le programme issu de l’intelligence artificielle, et ceux provenant des élèves censés se servir de la leur exclusivement. Il va leur falloir devenir encore plus perspicaces, pour éviter la triche. Devenir inventifs. Créatifs. Demander aux élèves de fournir des devoirs écrits à la main n’est pas une solution, vu qu’ils peuvent toujours recopier ce qu’ils obtiennent du robot. À moins que les profs ne contre-attaquent en apprenant à leurs élèves comment collaborer intelligemment avec lui ? À trier ce qu’ils obtiennent ? Sans se contenter du tout venant ?

Ce ne serait déjà pas si mal.

Turing demandait si les machines pouvaient penser. L’inventeur de la célèbre machine, dans les années 50, (cette ancêtre de l’ordinateur, la « machine de Turing ») avait même mis au point un test permettant d’évaluer les capacités d’une machine à tromper un être humain, c’est-à-dire à se faire prendre elle-même pour un être humain, dans une conversation ou les « interlocuteurs » ne seraient pas dans la même pièce. La machine simulait : elle faisait comme si elle était un être humain. Elle l’imitait, écrivant des réponses destinées à le tromper sur la nature de l’entité qui les écrivait. Mais, à ma connaissance en tout cas, aucune machine n’a réussi à ce jour à passer le test.

Turing estimait qu’un jour viendrait où il serait communément admis que oui, les machines peuvent penser.

Ce jour est-il venu ?

Fast text

Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de gens semblent le croire. Oui, se disent-ils, elles vont penser à notre place, elles nous remplacent déjà dans les avions, les voitures, les métros… Les comptables se servent de programmes, ainsi que les traders, en Bourse.

Peuvent-elles à présent écrire nos articles, nos livres, nos chansons à notre place ? Personnellement, j’en doute. Mais une chose est sûre, on va clairement se faire envahir par le fast-text, qui va se répandre partout en s’introduisant dans tous les domaines de l’activité humaine, laquelle génère du texte, pas seulement à l’école ou au travail : on peut imaginer lui faire produire des romans policiers, des romans tout court, lui faire gagner des prix Goncourt… Pourquoi pas ? Il peut faire gagner en tout cas du temps aux écrivains professionnels, aux journalistes, aux thésards… Aux blogueurs. Ceux qui veulent avant tout caser leurs mots-clefs pour plaire à Google, qui va les référencer, c’est à dire les placer en tête des résultats de recherche lorsqu’un utilisateur de ce moteur de recherche tape une requête, (c’est-à-dire un ou plusieurs mots-clefs, voire, une question) et ne s’adressent pas vraiment à vous : leur blog est un hameçon, un moyen d’attirer des clients et d’obtenir plus de trafic vers leur site. Le bot va exceller dans le domaine du référencement je crois. Les copywriters (ceux qui écrivent ces fameux textes à mots-clefs visant à obtenir le meilleur référencement possible) ont à mon avis du souci à se faire…

Gadget ou cheval de Troie ?

Ce programme ne cherche qu’une chose : se faire adopter. Il veut se frotter à nous, partout, à l’école, au bureau. Dans les administrations, les entreprises, les magasins. En Israël il sévit déjà sur Whatsapp, où il se fait passer pour un humain, en particulier dans les services client, à la banque ou auprès de votre fournisseur d’accès à internet. « Il vous suffit d’appuyer sur la touche 8 pour être mis en relation via Whatsapp avec un de nos conseillers téléphoniques… » susurre la voix enregistrée qui vous accueille… Mon œil !

Le nouveau programme gratuit mis à notre disposition à présent représente-il vraiment un danger, voire, plusieurs ? Risque-t-il de sérieusement nous concurrencer, nous, humains ? De piquer nos boulots et pas seulement celui de copywriter ? La prolifération de textes issus de l’intelligence artificielle ne constitue-t-elle pas en outre une sorte de pollution ? En effet, vu l’énorme quantité de ces textes déversés dans la nature, c’est à dire dans notre environnement, travail, loisirs, administration, fera descendre le niveau de l’écrit. C’est inévitable. Et c’est sur l’ensemble des textes que sera jeté le discrédit, désormais tous suspects. Suspects d’en contenir.

D’autre part, le risque lié à la propagation de faike niouzes sera démultiplié. Car les gens ne se méfieront pas et prendront tout pour argent comptant. Comme il fonctionne en évaluant des probabilités, il calcule des chances, statistiquement, à partir d’ éléments trouvés sur internet… Les gens qui pensent tenir avec lui une sorte de lampe magique ou une nouvelle boule de cristal se mettent évidemment le doigt dans l’œil, open eye ou eye wide shut…

Mais revenons aux métiers qu’il est susceptible de faire disparaître : défendre l’idée que ChatGPT va bientôt remplacer journalistes, blogueurs, travailleurs du livre et autres professionnels de la production de texte revient à dire que les menus de Mc Donald vont désormais être distribués partout et que les restaurants gastronomiques sont voués à la disparition à plus ou moins brève échéance. C’est dire que le travail humain et l’humain lui-même est obsolète. Qu’il peut être remplacé, pour des productions équivalentes, mais à moindre coût. Il me semble que c’est une position un peu extrême. Simplement, il va falloir, et de plus en plus, faire avec lui. Les avocats, les médecins vont sûrement apprécier ses services de compilateur. Mais évidemment il ne peut produire de l’art. Ni poème, ni chanson, ni polar… Et puis, franchement, quel plaisir aurons-nous, en lisant un texte écrit par une machine ? Pour éprouver du plaisir, c’est à dire, des sensations, des sentiments, bref, pour être touché, ne faut-il pas avoir affaire à un être humain ? Un être humain qui éprouve des émotions, des passions, des coups de sang, des coups de foudre ? Il y a fort à parier qu’il proposera aux amoureux d’écrire leurs lettres d’amour à leur place. Ou bien leurs lettres de rupture, c’est trop dur d’écrire ça tout seul… De bonnes rigolades en perspective, ça c’est sûr.

Non, monsieur Turing, les machines sont peut-être intelligentes, oui, mais elles ne pensent pas. Le programme ne pense pas, il compile. On le gave de données, comme une oie à Noël, et il vous les régurgite agencées entre elles ou je ne sais comment. Ou bien il en choisit certaines en calculant les probabilités pour qu’elles conviennent. Fait des recoupements. Bref il croise des informations pour en retirer du contenu, mais rien de nouveau. Le nouveau est le propre de l’homme, prenez des notes je me répéterai pas. Ou de la femme, cela va sans dire. Le problème est que lorsqu’il renseigne, ce programme, il prétend décrire la réalité, qu’elle soit géographique ou historique. Ou géopolitique. Or, compiler n’est pas penser. Pour penser, il faut du recul. Il faut être capable d’évaluer la valeur des contenus que l’on manie, notamment leur origine. La tentation de compiler, en recourant aux commentateurs plutôt qu’aux textes originaux des auteurs, des philosophes, est un défaut courant et que l’on connaît bien en philosophie. Il ne date pas d’aujourd’hui. Mais rassurez-vous je ne vais pas me lancer dans une dissertation philosophique sur le sujet « Peut-on penser par soi-même ? » ou « La compilation d’idées philosophiques est-elle de la philosophie ? »…ou encore « Peut-on prédire l’avenir ?’ »… Il y a tellement de bons livres déjà écrits à ce sujet ! CS

© Catherine Stora, Alma Medoubar


Texte issu de la production humaine, garanti 100 % d’origine naturelle, sans plagiat ni adjuvants issus de l’intelligence artificielle hormis les fonctionnalités du traitement de texte, (image piquée sur internet) à Beershéva le 23 février 2023…


https://almamedoubar.blogspot.com/

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