« Qui est Macron ? Pour certains, impressionnés par son pouvoir de séduction et sa rhétorique réformiste, il serait le fils naturel de Kennedy et de Mendes-France. On peut en douter ; le premier avait plus de charisme et le second plus de principes. Pour d’autres, il serait Brutus, fils adoptif de César. Le Romain qui ressemble plus à Macron, ce n’est pas Brutus, c’est Macron ». Cette déclaration est signée — excusez du peu — de Edouard Philippe le 18 janvier 2018 dans les colonnes d’un grand quotidien français (1) Mais alors, de quel Macron parle-t-il ? Le Président aurait-il par hasard une doublure ?
Qu’on se rassure. Emmanuel Macron n’a pas le don d’ubiquité et il assume pleinement sa fonction. Edouard Philippe évoquait l’autre Macron, celui qui, sous Tibère d’abord, ensuite sous Caligula a été préfet des Vigiles (sorte de préfet de police de l’époque) avant de devenir préfet du Prétoire, autrement dit l’homme de l’ombre contrôlant les réseaux les plus influents de l’Empire Romain. Macron vécut de 21 avant JC jusqu’en 38. Issu de milieu de modeste, il a connu une carrière fulgurante de haut fonctionnaire le menant aux plus hautes sphères de l’Etat (tiens lui aussi ?) Il faut savoir qu’en ces temps fort reculés, pour accéder à l’ascenseur social, il ne fallait guère être étouffé par les scrupules. Bien que zélé et sans état d’âme, Macron-l’antique n’a rien d’un imbécile (comme le Macron made in XXIème siècle, reconnaissons-lui cette qualité) Ainsi, alors qu’on venait de rapporter à Tibère que le prince juif Agrippa, élevé à la cour au titre de prince descendant des Maccabés, lors d’un banquet « espère » la mort de Tibère, propos tenus par un palefrenier, Tibère, selon son habitude fait mijoter le palefrenier en le jetant en prison. Mais il convoque Agrippa. Macron est présent. Tibère convaincu que le palefrenier a dit la vérité, il ordonne à Macron d’enchaîner le prince juif. Macron feignant de ne pas comprendre l’ordre impérial (il sait qu’Agrippa n’est pas n’importe qui) hésite et enchaîne le pauvre palefrenier. Tibère entre dans une colère noire et lui dit que c’est Agrippa qu’il faut enchaîner, pas l’autre (2) Macron qui sait que la caractéristique du vent c’est qu’il tourne toujours et souvent dans le sens où on ne l’attend pas, aussi, face à un Tibère vieillissant et reclus loin des agitations de Rome dans sa quasi-forteresse de Capri, décide-t-il de trahir Tibère. Macron-l’Antique chez qui le pouvoir était décidément une seconde nature (chez l’autre aussi) joue la carte Caligula avec succès. Le premier ordre que le « pas encore empereur » Caligula donne à Macron c’est d’assassiner l’empereur pour qu’il puisse enfin devenir maître de Rome(3). Macron s’exécutera ignorant comme tout le monde dans l’Empire que ce nouvel empereur finira englué dans ses délires paranoïaques ira jusqu’à nommer son cheval général de brigade. Il mourra lardé de plusieurs glaives.
Les journalistes ont beaucoup ergoté sur le fait que l’une des marques de fabrique de Macron-l’Antique était la trahison et que, en poussant un peu trop le bouchon lesdits journalistes se verrait bien en train de réécrire l’histoire, s’inspirant de la trahison de Macron-l’Antique pour expliquer la trahison d’Emmanuel envers François Hollande. En ce qui me concerne, et sans être un adepte forcené de la réincarnation, je suis assez médusé par ces « deux » Macron que l’Histoire nous renvoie avec de bien étranges similitudes.
Mais comme dit ma concierge, chacun voit Macron à sa porte.
Heureusement les époques passent et avec elles certaines pratiques qui aujourd’hui mèneraient tout droit en Cour d’Assises. Le Macron made in XXIème siècle n’a certes pas le goût du sang comme son homonyme romain. Mais, il a la même propension pour l’ambition no-limit. En 2001 ne rédige-t-il pas un mémoire d’étude en maîtrise de DEA à l’université de Nanterre sur Machiavel ? Décidément on ne se refait pas !
Allez, oublions Machiavel et revenons à des problèmes plus actuels comme les troubles qui secouent Jérusalem en particulier et le Proche-Orient en général. Or, Macron made in XXIème siècle, furieuse ironie de l’histoire, se trouve confronté aux mêmes questions que Quintus Naevius Sutorius Macron. En effet, Caligula, qui a définitivement pété un câble, exige que sa statue soit placée dans le Temple de Jérusalem, fait parfaitement inacceptable pour les Juifs, d’autant que, par édit impérial Tibère avait réitéré la liberté de culte et le respect des coutumes en Judée. Il s’en suit de très graves troubles que Rome entend mater à sa manière. Or, la Judée-Samarie a un roi, le dernier roi des Juifs en la personne d’Agrippa Ier, descendant par sa mère des Maccabés. Agrippa Ier qui veut à tout prix éviter un bain de sang embarque pour Ostie afin de rencontrer à Rome Caligula, qu’il connait d’ailleurs depuis l’enfance, et avec qui, il a fait les quatre-cents coups ; bref tout ça devrait des liens. Or, le tout puissant Macron, qui décidément veut être calife à la place du calife, n’aime pas beaucoup ce roi des Juifs. Pour tout dire, il croit davantage en la puissance militaire de Rome qu’en celle d’Agrippa Ier qui pourtant est loin d’avoir une armée fantôme derrière lui. Par ailleurs Agrippa sait qu’il marche sur des œufs car plus personne à Rome n’ignore à quel niveau de folie Caligula est arrivé. L’homme est totalement incontrôlable, mégalomane, névrosé jusqu’à la moelle et pris dans des délires qui dépassent tout ce qu’on peut imaginer même de la part d’un détraqué (4) Donc Agrippa Ier est parfaitement conscient qu’en pénétrant dans l’antre de l’empereur et d’y défendre la cause des Juifs, il risque sa peau. Macron profitant de cette situation délétère, et sachant mieux que personne comment manipuler Caligula, convainc le malade mental — qui pourtant a été l’ami d’Agrippa Ier — que ce dernier cherche à narguer Rome et donc sa propre personne. Agrippa plaide sa cause. Caligula contre toute attente le laisse repartir à Jérusalem (5) mais on soupçonne qu’il a quelque idée derrière la tête. En fait, tout fou qu’il est il se méfie de Macron et l’envoie en Egypte, autrement dit, il l’éloigne. Mais une fois à Ostie, alors qu’il est près d’embarquer, Macron pour une raison toujours inexpliquée est sommé ainsi que sa femme de se suicider. Ainsi meurt Macron-l’Antique.
Cette histoire est vraie du bout à la fin. Et curieusement, le premier ministre israélien vient rencontrer Emmanuel Macron sous 24 heures. Ils évoqueront les troubles à Jérusalem et au Proche-Orient. Autant dire qu’il n’y rien de neuf au soleil sinon que sous Agrippa Ier le Hamas n’existait pas et que Netanyahou ne risque pas grand-chose à l’Elysée. Il n’empêche. Les données demeurent identiques. Caligula voulait mettre sa statue dans le Temple, et le Hamas attaque les synagogues. Caligula refuse aux Juifs le droit de culte et de coutume comme Macron refuse de reconnaître Jérusalem comme capitale. Les deux hommes devront parler sans concessions et rien ne laisse prévoir un réchauffement des relations franco-israéliennes.
Macron-l’Antique a fini sous le glaive du pouvoir. Espérons que Macron made in XXIème siècle ne finisse pas sous la pression de la rue.
Comme dit ma concierge — décidément très cultivée — O tempora, O mores.(5)
© Michel Dray
NOTES
(1): « Libération » du 18 janvier 2018
(2): Rapporté par Flavius Josephe dans Antiquités Judaïques et repris par Heinrich Graetz, Legrand historien juif du XIXème siècle dans Histoire des Juifs, les Hérodiens : Agrippa Ier. (parution en Allemagne en 1882)
(3): Les historiens débattent toujours sur la mort de Tibère. Beaucoup pense que ce vieillard de 77 ans est décédé de mort naturelle. Suétone dans sa Vie des Douze César penche catégoriquement pour l’assassinat. La succession de Tibère ne s’est passée aussi facilement mais je fais grâce au lecteur les assassinats en règles qui ont permis à Caligula d’accéder au Trône.
(4): Alors qu’il est en campagne pour envahir la Bretagne (la Grande-Bretagne d’aujourd’hui) le mauvais temps qui règne dans cette région le pousse à abandonner la partie. C’est alors qu’il ordonne à ses soldats de remplir leur casque de coquillage, car dit-il, ils sont un hommage de la nature au roi de l’univers qu’il est. Le fait est avéré. On imagine les tranches de rigolades au sein de l’armée !
(5): Flavius Josephe dans La guerre des Juifs dit que c’est là un signe de la providence. Je pense plutôt que c’est leur amitié depuis l’enfance qui a joué dans ce départ.
(6° Formule latine signifiant grossièrement « autre temps, autre moeurs »
Historien, Analyste en géopolitique méditerranéenne, Michel Dray travaille depuis de longues années avec des universités, des écrivains, des acteurs de la société civile et des chercheurs dans le cadre d’un Think Thank hors des Réseaux sociaux sur les analyses géopolitiques en Méditerranée.
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