Dans un essai revigorant récemment paru[1], l’historien des idées Pierre-André Taguieff retrace la généalogie du concept de « déconstruction », aujourd’hui tellement banal et utilisé si souvent qu’on a presque oublié son contenu radical. Remontant aux origines de la pensée « déconstructionniste », Taguieff évoque notamment Nietzsche et Heidegger, Foucault et Derrida, Deleuze ou encore Lévi-Strauss. Nietzsche a-t-il été le grand « déconstructeur » ? Le philosophe de Sils Maria n’était sans doute pas aussi radical que ses lointains héritiers actuels, comme le montre Taguieff.
L’intérêt principal de son livre n’est toutefois pas seulement dans son aspect historique et généalogique, mais aussi dans ce qui lui donne sa brûlante actualité : la description du magma idéologique contemporain, où wokisme, théorie du genre et autres élaborations intellectuelles aussi folles que dangereuses font converger leurs efforts dans une entreprise de démolition généralisée.
« Le monde est empli d’idées devenues folles« . Jamais l’observation de Chesterton n’a été aussi vraie qu’aujourd’hui. La « déconstruction » est en effet depuis longtemps sortie des universités pour faire de la société globalisée et de l’humanité tout entière son laboratoire. Elle ne se limite plus actuellement aux théories politiques (déconstruire l’Etat, la nation ou l’histoire) mais a pris pour cible les domaines encore plus essentiels et fondateurs de la civilisation que sont la famille, la différence sexuelle ou la filiation. Jadis exercice intellectuel, la déconstruction apparaît de plus en plus comme une tentative de saper les fondements mêmes de notre humanité commune.
Mais – c’est sans doute l’un des paradoxes de notre époque – l’élan destructeur de ces théories issues des campus américains et européens se heurte à des résistances de plus en plus fortes, attestant que l’homme du vingt-et-unième siècle n’est pas encore devenu le spécimen d’un “post-humanisme” ou d’une nouvelle forme d’humanité à laquelle certains aspirent. Il résiste, en s’arc-boutant sur les piliers encore bien solides du temple de la civilisation occidentale, qui tremble sur ses bases, fait parfois mine de s’effondrer, mais est encore bien debout. Si nous savons que les civilisations sont mortelles, nous savons aussi qu’elles peuvent parfois se ressaisir, sortir de leur torpeur et de leur état maladif pour retrouver une seconde jeunesse. C’est cet espoir ténu et fragile qui anime les pages qui suivent.
Le vingtième siècle a été celui des grandes destructions. Auschwitz a marqué le glas d’une époque de la civilisation occidentale, comme l’ont observé bien des écrivains et des penseurs, mais cela ne signifie pas nécessairement que l’Occident est mort et enterré. Ceux qui se hâtent de proclamer la fin d’un monde n’ont souvent aucun nouveau monde à proposer en remplacement… Peut-être le temps est-il venu, après celui du doute et du soupçon qui ont donné naissance à tant de théories destructrices, de reconstruire. Non pas, comme ce fut le cas de bien des promesses illusoires, en levant l’étendard d’une nouvelle révolution, qui prétendrait créer un monde nouveau sur les ruines de l’ancien monde, mais plus modestement, en semant les graines d’un espoir renouvelé dans l’homme et en plantant les arbres pour faire « refleurir le désert ». (à suivre…)
© Pierre Lurçat
http://vudejerusalem.over-blog.com/2022/12/reconstruire-le-monde-la-pensee-d-israel-face-aux-derives-ideologiques-actuelles.html
[1] P.A. Taguieff. Pourquoi déconstruire ? Origines philosophiques et avatars politiques de la French Theory. Éditions H&O. 2022.
Ils ont lu « Seuls dans l’Arche? » de Pierre Lurçat:
« Un formidable parcours philosophique… Une méditation sur le sens de nos vies ». Marc Brzustowski, Menorah.info
« Une réfexion profonde sur des questions essentielles, comme celle du rapport de l’homme au monde et la place de la parole d’Israël ». Emmanuelle Adda. Radio RCJ
« Une analyse claire et percutante de la définition de l’humain dans le monde actuel ». Maryline Médioni. Lemondejuif.info
« Lurçat, dans son bel exposé, en appelle à bien des penseurs : Aristote, Maïmonide, Husserl, Bonnefoy, Proust, Arendt, Levinas, Henri Baruk, Fondane, Benamozegh, Nietzsche, Huxley… Remarquable! » Jean-Pierre Allali. Crif.org
Ce qu’il faudrait déconstruire c’est plus de 50 ou 60 ans de désinformation, de révisionnisme et de newspeak permanentes et quasi omniprésentes y compris à l’école et dans le showbiz sur tous les sujets dont naturellement le racisme : le racisme n’a jamais été aussi puissant sur terre que depuis qu’il se fait passer pour de l’antiracisme. Et la LICRA elle-même ne peut pas avoir perdu un honneur qu’elle n’a jamais eu. La construction européenne ? Une vaste déconstruction européenne, une destruction de l’Europe programmée et inexorable. Le « barrage républicain contre l’extrême droite » ? C’est ce qui a permis à l’extrême droite, la vraie et non pas une extrême droite fantasmée, de parvenir au pouvoir et diriger le monde occidental.
Contrairement à Taguieff (*) je ne crois pas qu’il soit possible pour l’Amérique du Nord et l’Europe de sortir du fascisme et de la barbarie où elles se sont enfoncées. Plus depuis l’horreur absolue nommée BLM. Plus depuis Biden et Macron. Le simple fait de nommer les choses (ce que je m’efforce de faire ici ou ailleurs) est devenu un acte subversif et revient à prêcher dans le désert.
Sur Nietzsche la réponse est non Le seul vrai grand philosophe allemand avait au contraire prédit ce qui est en train de se passer mais essayait de mettre en garde les Européens contre cette catastrophe qu’il redoutait. Aujourd’hui Nietzsche et George Orwell pourraient dire que tout ce qu’ils craignaient est devenu réalité.
« La perversion de la cité naît de la fraude des mots » écrivait Platon et il suffit de jeter un coup d’œil dans notre presse vomitive ou allumer 5 mn BFMTV France TV ou Radio France pour se rendre compte à quel point la perversion du langage a atteint un degré absolu. Et donc la perversion de nos sociétés également.
(*) d’où ma position opposée à la sienne sur la Russie qui même dans le contexte actuel reste plus civilisée que nous.