Jacques Tarnero. Israël, « Le Monde » et la gauche : où est le problème ?

Le meilleur des Mondes

Par une étonnante ruse de l’histoire le statut du mot « juif » a muté, mais demeure de manière insubmersible à la surface de toutes les tempêtes de l’histoire moderne. Tour à tour coupable idéal, bouc émissaire, expulsé, déporté, relégué, dispersé, exterminé, gazé, objet de fascination autant que de répulsion, voilà qu’il surnage et survit dans une étonnante reconstruction. Sa surprenante vitalité interroge et dérange mais au lieu de servir de questionnement, au lieu de s’interroger sur cette histoire, ce et ceux qui l’entourent cherchent à le disqualifier en reproduisant à son égard tous les arguments qui avaient déjà servi pour son exclusion. « Mais que vous a donc fait Israël ? » questionnait Marceline Loridan dans Le Monde du 10 juin 2010 à propos de la « flotille turque pour la paix ». Cette femme savait très bien de quoi elle parlait. Cette ancienne déportée à Auschwitz posait les questions que le dossier qui suit tente de poser une nouvelle fois. L’exceptionnelle force de ce texte dit l’essentiel. Nous le republions intégralement.

« Mais, que vous a fait Israël ? »

« Quel est ce chœur unanime de condamnations contre Israël ? Quel est cet ensemble vertueux qui désigne Israël comme le coupable absolu ? Quel est ce tribunal planétaire où pas une voix ne manque pour désigner à la vindicte publique le responsable de tous les maux de la planète ? Il y aura même eu un imam iranien pour affirmer que l’éruption du volcan islandais était la punition divine des crimes du « régime sioniste ». De Dominique de Villepin à Noam Chomsky, tous se sont précipités dans les télévisions pour dénoncer « l’incroyable crime » commis par les soldats israéliens ! Trop de bonne conscience tue la conscience. Trop, c’est trop ! Qu’est-ce que nous dit cet accablement ? Qu’il y aurait un État de trop sur la terre ? Non, bien sûr ! Israël possède de nombreux amis qui lui écrivent des lettres d’amour, pleines de conseils en forme d’épitaphe. Il y a même une célèbre journaliste américaine qui conseille aux Israéliens de rentrer « chez eux ». Chez eux ? En Pologne, en Russie, en Algérie ! Pourquoi pas à Auschwitz tant qu’on y est ! Tant de sollicitude touche la vieille dame juive que je suis. Je crois que tous les Israéliens doivent être contents du constant intérêt qu’on leur témoigne et tous les juifs sont heureux de cette empathie sans cesse renouvelée. J’avais fait, il y a longtemps, le choix de la pensée universelle. Bien que je fusse déportée parce que j’étais juive, j’ai cru que l’humanité, l’idée d’humanité, était plus forte que la charge des origines. Près de soixante ans plus tard, dois-je faire le constat de mon erreur ? Dois-je constater qu’être juif vous désigne jusqu’à la fin des temps comme le coupable des nations ? 

De quoi Israël est-il coupable ? Même si la politique de son gouvernement est critiquable, est-ce de cela dont il est question ? Est-ce vraiment parce que cette opération militaire a été conduite et s’est mal terminée qu’il faille désigner ces soldats israéliens comme d’horribles assassins face à des agneaux turcs ? Pourquoi une telle mauvaise foi planétaire ? Pourquoi cette bonne conscience européenne à vil prix ? Pourquoi est-ce de l’Europe que fusent les critiques les plus virulentes ? De quelle morale cette Europe peut-elle se prévaloir ? Quelles bonnes grâces veut-elle s’attirer ? 

Et puis il y a la gauche, ma famille politique ! Qu’est-ce que c’est que ces alliances, ces rencontres avec ces fanatiques qui crient « Israël partira, Palestine vaincra ! » Quels sont ces supposés trotskystes qui font cortège commun avec ceux qui font la prière en pleine rue ! La gauche a-t-elle perdu la tête ? Croit-elle vraiment que le Hamas va émanciper les classes laborieuses comme on disait jadis ? Croit-elle vraiment que l’islamisme défend la liberté de conscience ? Croit-elle vraiment que dans les banlieues la haine des juifs fait partie des contradictions admissibles au sein du peuple ? Il y a de la folie dans le moment présent. Il y a une haine qui ne dit rien de bon, qui n’annonce rien de bon et je crains que la tolérance planétaire à l’égard de ce président iranien ne ressemble à l’accueil tolérant qui fut fait à Goebbels à la SDN en 1938.  Combien de temps reste-t-il avant d’autres horreurs programmées ? Des larmes compassionnelles, les juifs et les Israéliens n’ont que faire. C’est pour cette raison qu’ils ont créé Israël. Est-ce cela qui vous dérange tant ? « 

Marceline Loridan-Ivens. Numéro tatoué sur le bras gauche à Auschwitz-Birkenau : 78750

D’où je parle…

Je lis le Monde tous les jours depuis plus de cinquante ans. Cette addiction doit relever d’une tradition de famille. En Algérie mon père lisait Le Monde, avec Oran républicain qui était plus à gauche que l’Écho d’Alger dont le directeur, Alain de Sérigny, avait été un notoire partisan de Vichy. Dans l’Algérie française le sens des nuances n’était pas de mise en milieu pied-noir et l’antisémitisme faisait partie des mentalités les plus fréquemment partagées. Quand l’affaire des barricades en janvier 60 fit couler du sang de gendarmes français, je me souviens de Pierre Laffont, directeur de L’Écho d’Oran, venu parler à la foule rassemblée au « forum » oranais de la Place des Victoires. Il osa faire cette remarque incitative : « Il faudrait que nous réfléchissions à ce que nous voulons ! » et après un très bref moment de stupeur, Laffont se fit huer et traiter de pédé… Il n’était pas question de réfléchir. Les cinq notes du Al-gé-rie fran-çaise se substituaient à tout questionnement. J’avais quinze ans et je comprenais mal les réticences de mon père devant l’exaltation patriotique des pieds-noirs. Pour ce Juif libéral, le gaullisme de fraiche date du 13 mai 58 était une farce tant les Français d’Algérie avaient trouvé dans les mesures antijuives de Vichy un certain plaisir. Les minutes du procès Dreyfus occupaient un pan de mur dans le salon de notre appartement et les mots du racisme anti arabe ne franchissaient pas le seuil de notre maison. Au lycée Lamoricière à Oran, nous avions été élevés, mon frère et moi, sous les auspices de l’excellence républicaine. Dans cette ville à majorité européenne, toute une hiérarchie de racismes organisait la société : le Français méprisait l’Espagnol ou l’Italien qui méprisaient le Juif et le Juif souvent méprisait l’Arabe. Chaque tribu était à sa place dans une sorte de patchwork compatible où personne ne pensait à l’avenir. Une sorte d’insouciance faisait de la Méditerranée un horizon suffisant pour vivre heureux et quand on rentrait le soir de la plage, à Mers el Kebir, dans un virage qui dominait la mer illuminée par les rayons de la lune, mon cousin posait cette rituelle question : « De quoi a-t-on besoin de plus ? » Pour moi, il exprimait une vérité existentielle. J’étais bien, chez moi, dans mon pays. Jamais je n’avais imaginé devoir un jour le quitter parce que j’y serais devenu étranger.

La folie sanglante ne va pas tarder à se substituer à l’illusion d’une Algérie française en paix. En 1962, l’’horreur va s’imposer dans la rue. Tous les jours dans le journal, une page entière était consacrée à la liste des attentats commis la veille. Les listes des morts s’empilaient et je fus le témoin en rentrant du lycée, de l’assassinat devant moi, d’un homme qui venait d’acheter Le Monde. Sur son corps fut déposé une feuille de papier où il était écrit « Traitre à l’Algérie française ». L’adolescent que j’étais n’a pas oublié cette scène horrible. Le chaos l’emportait sur la raison. Je ne découvris que bien plus tard les textes d’Albert Camus, Germaine Tillon, Emmanuel Robles ou Mouloud Ferraoun, c’est-à-dire ceux qui avaient eu l’audace d’imaginer autre chose que l’immense malheur qui advint. Il n’y a pas eu en Algérie de Gandhi, de Nelson Mandela ni de Frederik de Klerk capables d’imposer une autre issue à cette tragédie. Soixante-dix ans plus tard ses effets ne sont toujours pas dissipés mais il me reste cette fidélité de lecture pour ce journal que mon père lisait et qui m’incitait à réfléchir.  Un inconnu y avait perdu la vie. 

La guerre d’Algérie raconte l’histoire d’un immense gâchis. J’ai lu il y a quelques années la réédition d’un livre de Pierre Nora sur Les Français d’Algérie. Jeune professeur d’histoire nommé au lycée Lamoricière à Oran, celui-ci y faisait une description caricaturale de ce peuple bigarré, mélangé, âpre, violent et souvent raciste mais son regard avait la froideur de la thèse universitaire. L’analyse de classe y était dépourvue de toute empathie pour ce peuple hâbleur, méditerranéen dans l’âme où parler pour ne rien dire est un art vivant digne de Pagnol. Tant et si bien qu’un autre bel esprit, Jacques Derrida, vint rabrouer l’arrogance de l’agrégé, celle de celui qui croit avoir tout compris et Derrida écrit à Nora pour lui dire, avec finesse et parfois avec tendresse, qu’il est passé à côté de l’essentiel, que les choses ne se résument pas aussi simplement à une lutte entre riches et pauvres, qu’il y a des contradictions à l’intérieur de chaque camp et que dans les cultures méditerranéennes l’affect joue autant que les rapports de classe. Avec élégance et une grande honnêteté intellectuelle Pierre Nora a publié cette lettre de Derrida accompagnée d’une postface où il admet que cette première écriture méritait plus de nuances, qu’elle aurait gagné à être corrigée pour y introduire cet élément subliminal, inscrit dans l’amour que les pieds-noirs portaient aussi à cette terre. Le nuancé Nora tancé par le théoricien de la déconstruction, voilà qui ne manquait pas à l’époque d’une certaine saveur ! Ces commentaires sur ce livre et cette histoire privée font aussi partie de ce qui va suivre ? C’est dans Le Monde des livres que j’ai lu cette recension et ce débat de Nora avec lui-même m’a fait plaisir. 

Cette lettre de cinquante pages manuscrites se trouva pour la première fois publiée intégralement, Pierre Nora l’ayant mise en annexe de la réédition de ses Français d’Algérie. Christian Bourgois Editeur 

C’est bien tout ce qui fait défaut au Monde d’aujourd’hui. 

Je tenais à dire ma nostalgie du monde d’hier… 

Pourquoi je parle

Soixante-dix ans plus tard, cette béquille intellectuelle m’a trahi. Elle me heurte. Elle ne dit pas ce que je vois. Elle ne dit pas ce que j’ai vu. Elle me raconte d’autres histoires que j’estime fausses, mensongères en particulier à propos d’un pays qui m’est cher et à propos duquel ce que rapporte ce journal m’apparaît profondément erroné, mensonger, sans nuance. L’hostilité du Monde à Israël m’apparaît être un principe qui fonde l’écriture de ses correspondants. Ce journal n’informe plus, il prêche. L’idéologie a pris le pas sur l’information car non seulement le travestissement des faits y est patent, bien pire le mensonge par omission permet d’orienter l’appréciation que peut se faire le lecteur des faits supposés être rapportés. Présenter le conflit entre Israël et les Palestiniens à travers le prisme de la guerre d’Algérie, c’est vouloir ne rien comprendre à ce qu’est Israël, à ses fondements, à ses cauchemars autant qu’à ses rêves. Aujourd’hui la bonne conscience semble être le souci majeur de ceux et celles qui écrivent dans le « quotidien de référence ». Être dans le camp du Bien, écrire pour indiquer quelle est la noble cause et quelle est la mauvaise paraît caractériser ce journalisme militant. On est très loin d’Albert Londres, de Joseph Kessel ou de Pierre Vianson-Ponté.

Ce cheminement a une histoire. Essayons d’en tirer le fil

J’ai commencé à me méfier de la lecture du Monde quand Jean Lacouture commença à y rapporter les mérites des Khmers rouges libérateurs de Cambodge puis quand la guerre libano-libanaise commença (1975) à faire couler le sang, il était question dans les articles du Mondedécrivant ce conflit, pour en désigner les protagonistes, des « palestino progressistes » affrontant des « chrétiens conservateurs » alliés entre autres des syriens dirigés par Hafez el Assad. Dans le camp du Bien, le progressisme possédait des vertus incontestables héritées de la guerre d’Algérie. Personne ne prit soin de mettre en cause les massacres progressistes des chrétiens libanais à Damour, ni l’assassinat de Elie Hallak, médecin juif libanais surnommé le médecin des pauvres à Beyrouth, assassiné parce que juif ET libanais. 

Les massacres progressistes du FLN en Algérie, ni l’aide apportée par l’ancien nazi suisse François Genoud à l’Algérie nouvelle, pas plus que la présence d’anciens nazis arabes dans ses cadres, ni que Mohamedi Saïd, responsable du massacre de Mélouza, ait fait ses classes dans la Wehrmacht avant de devenir ministre de Ben Bella, rien de tout cela ne sera rapporté dans l’histoire officielle de l’Algérie. Il a fallu plus de cinquante ans pour que le massacre au faciès des européens à Oran le 5 juillet 1962 soit rappelé par un président de la République. Ce que Boualem Sansal va raconter dans son roman Le village de l’allemand refusait d’être connu à la fin des années 60. 

Razak Abdelkader

En contre point, sait-on dans le camp du Bien, celui de la gauche décoloniale, que l’arrière-petit-fils de l’Emir Abel Kader, Razak Abdelkader, est enterré en Israël au kibboutz Affikim, proche de Tibériade et que ce communiste avait trouvé dans le kibboutz l’incarnation de son idéal politique ? Qui connait, à gauche, l’histoire de cet algérien, farouche opposant aux Frères musulmans et à Amin el Husseini, partisan d’Hitler ? Qui au Monde, à Télérama, à Libération, à Médiapart, aux Inrocks a rappelé son extraordinaire itinéraire ? 

Le pré-pensé idéologique semble être devenu la qualité dominante dans le conformisme médiatique actuel. Pour le Monde, aujourd’hui, Israël se situe dans le camp du Mal.

Histoire d’un glissement

Tant que le Juif était habillé d’un pyjama rayé, l’opinion n’avait pas de mal à le plaindre à défaut de l’aimer. 

Jusqu’en 1967 Israël jouit dans l’opinion d’un regard favorable. On est admiratif pour le pays des rescapés, celui des survivants de l’holocauste (le mot shoah n’est pas encore entré dans le vocabulaire ordinaire) celui de ces soldats laboureurs qui fertilisent le désert dans le frugal idéal des kibboutz.  Le procès Eichmann (1961) a rappelé au monde ce qui avait été occulté aux procès de Nuremberg, dire et décrire ce projet d’extermination d’un peuple autant que sa mise en œuvre. Les récits des témoins, ceux des survivants de l’horreur, vont marquer durablement les esprits. Le seul rappel de cette histoire va conforter la légitimité de ce nouvel État. Né dans les cendres de sa destruction, voilà qu’Israël possède l’énergie de repousser ceux qui de nouveau voulaient le faire disparaître. Cette énergie, cette volonté de vivre, cet acharnement à défier le mauvais sort de leur histoire, vont constituer le meilleur atout de sympathie pour l’Israël des débuts. Toute une aura d’héroïsme enveloppe l’image du jeune État. 

Elle ne va pas durer.

La victoire israélienne de la guerre des six jours va faire basculer le statut symbolique d’Israël. Le petit pays qu’on disait faible est devenu vainqueur de trois pays arabes. Simultanément, la fin de la guerre d’Algérie a redistribué les cartes. Elle va transformer le regard autant que le statut des uns et des autres. S’agissait-il d’un hommage paradoxal ou de mots innocemment réprobateurs pour les Juifs de la part de De Gaulle, « Peuple d’élite sûr de lui-même et dominateur » ? Déjà ce qui sera nommé au Quai d’Orsay comme étant la « politique arabe de la France » énonce ses préférences. Le temps du « Israël, notre ami, notre allié » est bien fini. Pour autant le statut symbolique du signifiant « arabe » ne s’en trouve pas particulièrement favorisé…  La crise pétrolière née de la guerre de kippour (1973) va accélérer le mouvement de bascule. En France on n’a pas de pétrole mais avec Raymond Barre à la manœuvre on va avoir des mots à défaut d’avoir des idées. 

Le passé et le passif de la guerre d’Algérie ne font pas encore partie des handicaps culpabilisateurs de la France. Certes la grille de lecture de cette histoire n’est pas à l’honneur de la France. La bataille d’Alger, l’usage de la torture ne donne pas au général Massu des lettres de noblesse mais personne hormis Albert Camus ou Germaine Tillon ne vient interroger les qualités progressistes des bombes posées par le FLN au Milk bar ou rue Michelet à Alger. Personne à gauche ne s’indigne du sort fait aux harkis et personne ne plaint celui des Pieds-Noirs. Malheur aux vaincus, ils étaient dans le mauvais camp sinon dans celui du Mal. Sartre avait prononcé son jugement définitif dans la préface aux « Damnés de la terre » de Franz Fanon. Le colon doit être tué et la lutte pour l’indépendance menée par le FLN s’inscrit dans les catégories morales et politiques du progressisme. C’est l’âge d’or des mots en « isme » et JP Sartre, le Résistant du dernier quart d’heure, rattrape son retard grâce à son soutien aux « porteurs de valises » autant que par son caricatural engagement gauchiste. 

Dans les mythologies de gauche, la guerre d’Algérie va progressivement prendre le relais symbolique et sémantique de la Résistance. Dès mai 68 le gauchisme créatif de l’École des Beaux-Arts ne va pas hésiter à sortir une affiche présentant Hitler affublé du masque de De Gaulle. Cette ignominie artistique ne va déclencher aucune indignation. Le basculement dans le gauchisme au milieu des années 70 permet à la génération d’après-guerre d’arrimer son imaginaire dans une Résistance par procuration autant qu’à éponger à peu de frais la culpabilité héritée de Vichy. Ce retour d’après-guerre est au cœur des passions politiques de l’époque. La dénazification en Allemagne ou l’épuration en France n’ont pas soldé tous les comptes. 

La mythologie gaullienne d’une France entièrement résistante ne résiste pas aux assauts d’une critique qui n’a ni chagrin ni pitié pour la France de Vichy. Un résistancialisme de pacotille fait les beaux jours de ceux qui aiment se payer de mots. La Gauche prolétarienne titre La Cause du peuple d’un « Geismar-Arafat résistance » pour glorifier la Nouvelle Résistance Populaire… On frôle le basculement dans le terrorisme mais l’attentat contre l’équipe israélienne aux jeux olympiques de Munich en 1972 va ouvrir et déciller les yeux et les exaltations. La GP s’auto dissout laissant sur le carreau nombre de ceux qui avaient cru à l’avenir radieux version Mao… Chacun rentre chez soi et va s’allonger chez son psychanalyste pour raconter « ce qui l’interpelle, quelque part … » Les « masses » pèsent désormais moins lourd que le « moi-je ».

Ce croisement des deux dettes mémorielles, celle de Vichy et celle de la guerre d’Algérie, constitue le socle des passions françaises des années 70.  Ces deux récits vont sans cesse croiser leurs zones d’ombre. C’est autour d’elles que la concurrence des mémoires va s’installer à la fois pour le meilleur travail des historiens ou au contraire pour son pire usage idéologique.  Le sort des Juifs sous la Collaboration n’occupe pas encore cette place centrale, mais le succès du Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart, Prix Goncourt 1959, annonce cet engouement à venir. Pour le public, le récit de la mort des Juifs inscrit celle-ci dans une sorte de normalité. Ils ont la sympathie du monde dès lors qu’ils sont à plaindre et quand le Méchant porte l’uniforme SS, jamais quand ils combattent pour leur survie. Le mur des lamentations installe une succursale chez les éditeurs de la rive gauche. Tout ce qui touche à cet objet pas encore nommé shoah fait recette. Il faudra attendre 1985 et la sortie du film de Claude Lanzmann pour que le nom commun shoah s’installe dans les consciences. L’étonnant succès des Bienveillantes de Jonathan Littell (prix Goncourt 2006) témoigne de cet intérêt trouble pour les représentations du Mal autant que pour ses victimes. Qu’est ce que le public a savouré dans cette œuvre indigeste ?

Dans le même temps, plus tôt, en Allemagne, la rédemption des crimes nazis prend d’autres chemins que la recherche mémorielle. La génération d’après choisit la violence pour éradiquer les crimes de ses pères. La République fédérale allemande est dénoncée par Baader et ses compagnons comme le masque d’un nazisme réaménagé. Dans une dialectique délirante le gauchisme allemand va reconduire les gestes des bourreaux nazis pour combattre ceux qu’ils estiment en être les héritiers. En détournant vers l’Ouganda, pour le compte du FPLP, un avion d’Air France chargé de passagers israéliens et français, deux gauchistes allemands accompagnés de palestiniens vont, l’été 1976, trier leurs otages, séparant ceux qui sont israéliens de ceux qui ne le sont pas. Les autres passagers seront libérés. Cette sélection en rappelle une autre, mais à l’époque seul Joshka Fischer, gauchiste allemand, sera révulsé par ce geste et par ce qu’il représente symboliquement. Un dissident du groupe Baader, Hans Joachim Klein, rappellera dans le récit de sa propre dérive, via le livre « la mort mercenaire » (Seuil éditeur), ce que ce tri va susciter chez lui : « il y eut la rampe d’Entebbe, comme il y eut la rampe d’Auschwitz » L’intervention audacieuse d’un commando israélien pour libérer les otages va stupéfier le monde, mais elle n’aura pas les faveurs de tous. 

Valery Giscard d’Estaing ne dira pas merci à Israël d’avoir libéré un avion français, ses passagers français et son équipage français. Serge July, directeur de Libération, publiera en Une de Libération le 5 juillet 1976 : « Championnat du terrorisme, Israël en tête ». La mesquinerie prétentieuse de l’un confortée par la stupidité politique de l’autre restera comme une belle illustration d’une certaine infamie française. 

Jean Genet ne sera pas en reste. Dans un texte publié par le Monde en septembre 1977, distinguant la belle et légitime violence de Baader contre la laideur du gouvernement allemand, Genet écrit les mots suivants : « Jamais dans ce que nous connaissons d’eux, les membres de la  » RAF  » ne laissent leur violence devenir brutalité pure, car ils savent qu’ils seraient immédiatement métamorphosés en cet ennemi qu’ils combattent ». Pour cet admirateur d’Hitler, de la beauté des SS, de celle des feddayin « si jeunes, si beaux », la distinction qui précède n’est qu’une apparence. Les gauchistes allemands présents à Entebbe, par l’ignominie de leur geste, se sont bien « métamorphosés en cet ennemi qu’ils combattent».

En 1978 sur une pleine page le Monde publia deux points de vue sur la « question des chambres à gaz ». Deux textes s’opposaient, présentant, dans le non-dit de cette présentation, des « opinions » radicalement différentes : Georges Wellers, premier historien de l’histoire de la déportation des Juifs sous la Collaboration, y soutenait que l’existence des chambres à gaz relevait de la vérité historique et qu’elle ne pouvait relever d’une quelconque « opinion », et Robert Faurisson affirmait que les chambres à gaz n’avaient jamais existé. Plus tard (1980) sur Europe 1 ce même homme renchérissait en affirmant que cela relevait d’une « escroquerie politico financière » dont le « bénéficiaire était l’État d’Israël et le sionisme international ». L’effet « Il est interdit d’interdire » avait fait son œuvre, drainant dans son sillage la mise à bas de toutes les vérités factuelles. Les idiots utiles du négationnisme se mirent au travail et Noam Chomsky, illustre linguiste, figure de proue de la gauche radicale américaine, ne fut pas en reste, au nom de la liberté d’opinion, pour accueillir celle de Faurisson. 

Les modes intellectuelles ont parfois des effets inattendus. La déconstruction des systèmes et des catégories de pensée ne va pas que tenter de renverser la table philosophique, elle va aussi favoriser un renversement symbolique des termes de l’histoire. Israël va en faire progressivement les frais. La guerre du Liban (été 1982) offre une occasion inespérée pour une redistribution des rôles. « Les palestiniens dans Beyrouth comme les Juifs dans le ghetto de Varsovie », titre Témoignage chrétien. Sans avoir à les nommer, le lecteur devine qui sont les SS de l’été 1982. Dans une sorte de bouffée délirante collective les media jubilent de pouvoir enfin réattribuer aux Juifs/israéliens la culpabilité que ces mêmes Juifs avaient tant cherché à imposer. Ce renversement ne s’est pas fait en un jour de l’été 1982. Il est le résultat de tout un lent travail de sape mis en marche depuis mai 1968. Les figures héroïques ont changé de style autant que de tenues. Les révolutionnaires ont successivement porté le turban des fellagha algériens, le chapeau pointu des bodoï vietnamiens, le poncho et la barbe de Castro et du Ché pour enfin s’envelopper dans le keffieh frangé à carreaux rouge et blanc. 

Cette image nouvelle ou cette idée nouvelle qui cherche à imposer les Palestiniens comme étant les nouveaux Juifs victimes de nouveaux nazis incarnés par les Israéliens va faire son chemin. L’ONU a déjà voté en 1975 une résolution présentant le sionisme comme une forme de racisme. Bien qu’abrogée en 1991, cette résolution a fait le lit de tout ce qui va suivre comme diffamations écrites par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU dont l’apogée sera la production d’un antisémitisme sans fard au cours de la fameuse Conférence de l’ONU sur le racisme, tenue à Durban l’été 2001, quelques jours avant l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center.

Ces changements successifs de figure rédemptrice des crimes de l’impérialisme occidental fonctionnaient jusqu’alors dans l’ordre d’une opposition binaire Est contre Ouest, Sud contre Nord. Avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’empire soviétique, rien ne va plus. Un autre ordre s’installe confusément sans que l’on comprenne bien comment se redistribuent les nouvelles cartes.  Il était bi polaire, voilà le monde devenu multipolaire. Le mouvement amorcé par la révolution islamique en Iran (1979) a fait émerger une puissance nouvelle, inédite, celle de l’islam comme force politique dans tous les pays de culture musulmane. Les révolutions anticolonialistes égyptienne, irakienne, algérienne, tunisienne, voient leurs idéologies d’obédience à la fois nationaliste ou marxiste balayées par cette nouvelle vague religieuse. Une nouvelle guerre civile éclate en Algérie opposant islamistes et pouvoir militaire. Elle va durer dix ans et fera plus de deux cent mille morts. Dans tout l’espace de l’islam c’est l’heure des brasiers dont les incendies vont bruler jusque dans les pays à forte présence arabo musulmane. 

Un seul dénominateur commun les unit : la haine des Juifs, des mécréants et d’Israël. Ennemi fantasmagorique autant que réel, le sionisme, le complot sioniste, devient l’unique explication magique de tous les maux dont souffrent les arabes et les musulmans. Exclue de la modernité par ce garrot qu’elle a elle-même passé autour de son cou, la sphère de l’islam cherche dans une désespérante fuite en avant, accusant les autres d’être à la source de son malheur bien réel. Comment lutter contre cet auto-enfermement à la fois paranoïaque et schizophrène ? Nul ne le sait surtout quand c’est de l’intérieur du monde occidental que des voix viennent conforter cet enfermement. C’est en particulier dans Le Monde que ces idiots utiles, comme aurait dit Lénine, trouvent des tribunes accueillantes et des complices bienveillants.

La Pravda de la bonne conscience

Pourquoi s’en prendre au Monde quand on interpelle la gauche ? Parce que Le Monde est emblématique de ces discours nourris de bonne conscience qui prennent plaisir à qualifier Israël de pratiques « d’apartheid ». De Jeremy Corbyn à Hubert Védrine, du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en passant par la NUPES, c’est la main sur le cœur et l’âme pure qu’ils désignent le Mal. En focalisant son énergie contre ce seul État, la gauche de la gauche prétend identifier la dernière séquelle de l’héritage nazi. Le projet de résolution soumis au parlement dénonçant le « régime d’apartheid » dont Israël serait le dernier représentant mettait en avant la nature raciste de cet État. C’est la légitimité de cet État que les amis de Jeremy Corbyn ont pris pour cible. L’affrontement entre le Jihad islamique et Israël en juillet dernier a été soumis à ce même prisme de lecture. Un supposé mouvement de résistance à l’occupation aurait affronté un État colonisateur et raciste. Porte-parole autoproclamé de la pensée juste autant que de la bien-pensance, le journal Le Monde s’est acharné à présenter cette nouvelle séquence meurtrière comme la récurrence d’une constante idéologique : Israël serait le responsable de la mort d’enfants arabes parce que cette agression serait dans la logique de son projet.

Quelques exemples concrets de cette appropriation symbolique du camp du Bien s’expriment tous les jours dans les pages du « quotidien de référence ».  Soyons précis et donnons à voir de près quelques éléments de langage.

L’édition du journal Le Monde daté de dimanche-lundi 2-3 octobre 2022 présente un florilège tel qu’on n’en avait pas lu depuis longtemps ainsi composé dans un même numéro. S’il est besoin d’en prendre conscience, cette collection de perles illustre parfaitement la dérive idéologique désormais bien affirmée de ce qui fut jadis un « journal de référence ».

Pour commencer, à la page 7, sous un titre dépourvu de toute ambigüité : « L’Europe paie, Israël détruit», un article énonce la réalité des relations Europe-Israël. Le parti pris de Clothilde Mraffko y est énoncé exclusivement à charge contre Israël. L’Europe, pauvre gourde, est entre les mains (on ne sait pas si elles sont crochues) d’Israël. Israël tient l’Europe à sa botte. 

On peut ainsi y lire comme ce qui coule de source : « Cette relance du dialogue marque un alignement progressif de la politique européenne sur les positions de l’État hébreu et, partant, un désintérêt croissant pour le sort des Palestiniens ».  Et sur la même page, un autre papier signé de la « correspondante du journal » énumère les turpitudes d’Israël : crimes, crimes de guerre, perfidies, mensonges, engagements non respectés, trahisons, forfaits, expulsions, démolitions, traumatismes physiques et psychiques. N’y manquent que les ulcères et cors aux pieds provoqués à coup sûr par Israël chez les palestiniens, victimes éternelles d’un État « d’apartheid ».

En poursuivant la lecture page 15, Luc Leroux rend compte de la lutte contre « les trafiquants français » du « narcotrafic marseillais ». Mais sans le vouloir, il nous offre une incarnation réelle du film BAC nord : la Cité des Oliviers A est « tenu par Kamel Meziani », tandis que celui de la Cité des Lauriers l’est par une bande « d’origine comorienne » appelée « les Blacks » et l’assassinat du « caïd Farid Tir » est en voie d’élucidation. Les gros bonnets du trafic seraient installés « à Dubaï, où ils roulent en Rolls, au Maroc ou en Algérie, et ils sont richissimes ».  Et « les noms de certains barons marseillais (…) sont archiconnus : Hakim Berrebouh, alias « Marcassin », Karim Harrat, surnommé « Arafat », Mohamed Djeha dit « Mimo » … Quelle est la morale de l’histoire ? Qu’est-ce que cet article n’ose pas dire ? Sinon que c’est le prix que la société paie pour avoir laissé s’installer une immigration massive et non maîtrisée où les voyous ont pris le pouvoir. Cette attitude de déni face aux méfaits engendrés par des mafias venues du Maghreb, installées à Anvers, Rotterdam ou Marseille, ne relève pas d’une prudence lexicale « non stigmatisante » mais de la politique de l’autruche, quand bien même elle s’autoqualifierait de progressiste.

Poursuivons la lecture. Sur une double page (32 et 33) les ultimes pensées d’Edgar Morin, à mi-chemin entre Guy des Cars et Guillaume Musso, nous livrent leurs sentences sur sa vie, son œuvre, sur l’amour à 100 ans, la bienveillance, la tolérance et le respect, sa « compassion pour les Palestiniens » évidemment, et ses attaques contre Israël : « Le vainqueur méprise, viole, opprime. Le vaincu mérite la compassion parce qu’il est humilié. (…) En bref je suis du peuple maudit, pas du peuple élu ». Les longs passages sur sa mère et les beautés du monde, les couchers de soleil, le chant du rossignol et celui des grillons, masquent mal cependant la banalité de ses propos drapés dans un « antisionisme » aussi indispensable que de bon aloi.

Mais cette édition week-end n’en a pas terminé avec son militantisme qui trouve son apogée (page 38) dans la pétition d’intellectuels (« de gauche », forcément de gauche) regrettant le silence des intellectuels et universitaires (« de gauche », forcément de gauche) sur le mauvais sort fait aux femmes iraniennes. Signée notamment par Judith Butler, Jacques Rancière, Angela Davis, la Tribune de ces honorables universitaires (ce sont eux qui se présentent ainsi) voit les choses du haut de leur suffisance.

Voilà que les mêmes qui soutenaient en France le port du voile en tant que fier drapeau des luttes indigénistes et/ou décoloniales, présentant le port du hidjab (et toutes sortes de voiles) comme la légitime affirmation identitaire d’anciens colonisés, font désormais de la lutte contre le voile en Iran une juste cause. Toutefois nulle critique explicite de l’islamisme n’y est énoncée : « Les femmes et les corps marginalisés (!) en Iran » sont opprimés à cause « du développement historique des rapports de pouvoir au sein des sociétés dites « islamiques » et dans la crise contemporaine des relations de reproductions sociales dans le capitalisme mondiale », non par la charia et la dictature des mollahs acculturés à l’idéologie des Frères musulmans depuis des décennies.

Ceux-là mêmes qui n’ont jamais pris la défense de Mila (Cette jeune femme, lesbienne pourtant, menacée de mort pour s’être moquée de Mahomet) et ne sont pas effarés par les appels à la soumission totale (corps et âme) d’Houria Bouteldja déplorent « le faible écho rencontré par les luttes féministes au sein du monde universitaire ». L’ironie est savoureuse lorsqu’on connait la pénétration du wokisme, du conformisme politiquement correct à l’Université. Mais on est accoutumé au renversement de la charge de la preuve et à l’inversion des rôles.

Une « approche néo-orientaliste » aurait donc conduit les universitaires (enfin les autres, pas les signataires évidemment, pas le « NOUS, un groupe d’universitaires ») à « écarter épistémologiquement et politiquement les résistances féministes et queer ou allosexuelles, altersexuelles (..) en Iran » (!) On retrouve-là le ton pédant et grotesque, prétendument conceptuel parce que jargonneux, de ceux qui « insistent sur un programme féministe, queer, anticapitaliste et antifasciste qui ne réduise pas nos alliées en Iran aux problèmes tels qu’on les rencontre dans les pays du nord ». Ouf, la diversité multiculturelle est sauve et l’aberration de la défense du voile comme liberté en Occident est justifiée. 

Mahsa Amini, la jeune iranienne assassinée par la police des mœurs à Téhéran, dont le meurtre a déclenché le plus formidable mouvement de refus du goulag islamiste, n’est donc pas morte pour rien.  Mais ça n’est pas cette lame de fond qui intéresse les signataires. Cette internationale vigilante est d’abord soucieuse d’effacer ses propres contradictions ayant ici défendu le port du hijab. Cette arrogance sans fin des donneurs de leçon a une constante : la myopie ou l’aveuglement les caractérise. Après n’avoir rien vu du stalinisme, après n’avoir rien du maoïsme, après n’avoir rien vu du castrisme, après n’avoir rien vu du chavisme, après n’avoir rien vu de l’islamisme, ces idolâtres d’abord amoureux d’eux-mêmes, disent comment penser le Mal qui vient. Ni les femmes kurdes, ni les Afghanes, ni les yézidis ne les ont intéressés. Peut-être les palestiniennes quand le tueur était « sioniste » mais pas quand elles étaient victimes de crimes d’honneur si communs dans la culture arabo musulmane, du Proche orient au 9-3. Mahsa Amini est morte tuée par la police religieuse du régime de l’ayatollah Khomeini, celui-là même qui devait apporter dans notre civilisation un supplément de spiritualité selon Michel Foucault.

Sans chercher à faire la généalogie du triste moment présent, on ne peut s’empêcher d’être sarcastique devant un tel appel qui découvre les différences culturelles entre le Nord et le Sud, entre la culture en Occident et celle de l’Orient. Bravo pour cette lucidité tardive. Vos « sœurs » iraniennes vous en seront reconnaissantes, les algériennes assassinées par les GIA n’ont pas eu droit à cet honneur quand vous posiez la question « Qui tue qui ? » durant la décennie noire algérienne. Les questions de « genre » occupent désormais tout l’espace idéologique en Occident pour les meilleures affaires de madame Rousseau qui fait le buzz médiatique sans qu’aucune hiérarchisation des menaces ne vienne troubler l’ordre médiatique. On sera d’accord avec le souci qui inspire ce texte collectif. Les femmes iraniennes constituent la ligne de front contre le totalitarisme islamique. 

Les propos alambiqués de cette tribune n’empêchent pas ses signataires de se prendre les pieds dans le tapis – persan en l’occurrence. Et « le quotidien du soir » d’y dévoiler une fois encore sa dérive sectaire, son allégeance à la religion séculière qui, toute contradiction bue, défend et combat à la fois le voilement des femmes.  Par ailleurs en prétendant lutter contre « tous les racismes », sa haine sélective d’Israël, le parti pris lacrymal de ses correspondants dans le récent affrontement avec le Jihad islamique, ne vise pas seulement la politique, mais aussi la légitimité de « l’État hébreu ». 

Déferlement de haine anti israélienne au journal Le Monde

 « Déferlement de haine anti arabe dans les rues de Jérusalem » tel est le titre de l’article publié le mardi 31 mai et signé Louis Imbert, correspondant du journal Le Monde en Israël.

Un titre résume, ramasse ce qui sera développé dans le texte qui suit. Ici, le texte raconte des scènes vues, mais la chose racontée est commentée par le reporter non pas de façon à mieux comprendre les faits mais à les distordre par un prisme idéologique fait de préjugés.

Est-ce cela qu’on devrait lire dans un « quotidien de référence » ? L’écriture venimeuse est une affaire de style et les guillemets encadrant le qualificatif « réunifiée » à propos de la capitale d’Israël précisent les préférences de l’auteur. « Déferlement de haine anti arabe » signifierait un torrent irrépressible, une sorte de pogrom anti-arabes mené par des Juifs. 

Il y a certes eu des cris racistes, des insultes, des appels au meurtre, des gestes insupportables. Et deux mille extrémistes qui cherchaient à en découdre.  Mais la police a évité le pire. Combien y a -t-il eu de morts ? En quoi ce courant nationaliste-religieux représente-t-il le peuple d’Israël, la politique de son gouvernement ? Ce groupe extrémiste est-il au pouvoir ? Le gouvernement n’a-t-il pas condamné ces manifestations ?

Dans son article Louis Imbert détaille les comportements des fanatiques dont la « testostérone » éclaterait en passant Porte de Damas. C’est en effet un critère intéressant que de prendre en compte la part du plaisir quand il s’agit de haïr ou de tuer. A-t-il mesuré le taux de testostérone des Palestiniens qui ont massacré à la hache ou au couteau des civils israéliens au mois de mai dernier ? Le choix des mots, la juste perception de leur charge symbolique, sont de première importance pour rendre compte d’un conflit dont les enjeux fabriquent des morts par milliers. Dix-neuf personnes assassinées en Israël au cours du seul mois du ramadan par des Palestiniens obéissant aux injonctions dictées par la foi islamique n’émeuvent plus personne, en revanche que l’État d’Israël célèbre sa capitale autant que l’histoire tri millénaire de sa présence à Jérusalem est un outrage pour toutes ces bonnes consciences indignées. 

Imbert induit l’idée que la légitimité d’Israël sur sa terre est un outrage à l’histoire et au droit et tout son article laisse penser qu’au fond c’est bien tout Israël qui est complice de cette déferlante de haine anti-arabe. La chanson est connue et l’antiracisme dévoyé veut faire du Juif/Israélien le nouveau nazi, le colonialiste, le raciste. Tout le discours décolonial/indigéniste s’abreuve à cette fontaine. C’est cette détestation d’Israël qui engendre ici-même des justiciers allant assassiner des enfants juifs à Toulouse pour « venger la mort d’enfants palestiniens ». Quel était le taux de testostérone de Mohamed Merah quand il a pris Myriam Monsonégo par les cheveux avant de lui loger une balle dans la tête ?

Il y a une totale irresponsabilité médiatique à présenter de manière symétrique la violence de certains extrémistes juifs nationalistes religieux en Israël et la violence des masses hystérisées du Hamas. Ces choix, ces discours, ces passages à l’acte n’obéissent pas aux mêmes logiciels, aux mêmes registres de pensée. Rendre compte d’un conflit où la part d’irrationnel est majoritaire nécessite une prudence lexicale. Projeter ses propres catégories intellectuelles de lecture sur une histoire, des mythologies, un imaginaire radicalement différents interdit d’en comprendre toute la complexité. 

Comment Le correspondant du Monde peut-il ignorer ou oublier la part de fanatisme religieux qui inspire l’islamisme ? Comment peut-il ne pas citer la Charte du Hamas ? Comment peut-il laisser croire que les mécaniques psychopolitiques fonctionnent de manière similaire entre les islamistes et les Israéliens ? Les enfants palestiniens sont éduqués dès leur prime jeunesse dans la haine des Juifs et dans le culte du jihad. Le martyr est sanctifié et celui qui tue un Juif est non seulement présenté comme un héros mais comme un saint. Dans les rues de Jenine ou de Naplouse, ce sont des bonbons que l’on distribue au passant à chaque attentat réussi. Pourquoi n’est-ce pas rapporté dans la presse ? Pourquoi cette dimension spécifique de l’islamisme n’est elle pas rappelée au lecteur pour qu’il comprenne dans quel monde, avec quel environnement vivent les Israéliens. Quand on porte un toast en Israël on dit « Le haïm ! », ce qui veut dire « À la vie ! », alors que c’est le culte de la mort qui est célébré par le Hamas.

Quand les media qualifient « d’attentats suicides » ceux qui se font exploser avec des ceintures de bombes, ils commettent une radicale erreur d’appréciation sur la qualité de ces gestes. Dans nos imaginaires, « suicide » évoque « désespoir ». Or il n’y a aucun désespoir suicidaire qui inspire ces assassins palestiniens mais bien plutôt une jouissance mortifère qui consiste à donner la mort au prix de sa propre vie. La bombe humaine va puiser son inspiration dans la vision du monde exaltée proposée par le jihad dont le martyr est l’acmé. 

On ne peut rien comprendre au projet islamiste si on le pense comme une forme de résistance nationaliste contre Israël. En élargissant la question on peut estimer que ce qui se joue avec la menace nucléaire iranienne relève de la même inspiration. Ce projet d’armement n’a rien à voir avec un quelconque souci d’équilibre nucléaire entre l’Iran et Israël, car ceux qui ont une vision apocalyptique du monde n’hésiteront pas à utiliser leur arsenal pour aller au paradis en attaquant Israël. Pour l’Iran des ayatollahs, rayer Israël de la carte du monde est une mission sacrée. On pourrait alors imaginer les orgasmes collectifs si une bombe atomique pouvait détruire Tel Aviv, la première ville sioniste ! C’est pourtant avec ces gens-là qu’un accord destiné à contrôler les capacités nucléaires de l’Iran fut signé en 2015 par les occidentaux, la Russie et la Chine. Le retrait des USA de cette signature a depuis permis à l’Iran d’accélérer ses capacités de production pour fabriquer LA bombe. Alain Frachon énonçait justement dans le Monde les termes de la menace.

Faut-il rappeler que le Hamas fait de la destruction de l’État juif l’âme de son projet. Quand des pluies de roquettes s’abattaient indistinctement sur tout Israël, était-ce pour le bonheur du peuple palestinien ou bien pour jouir de la mort de l’ennemi sioniste ?Ces tirs indistincts relevaient d’un projet d’anéantissement. Faut-il rappeler que le Hezbollah attend son heure pour lancer ses dizaines de milliers roquettes sur Israël et que son parrain iranien fabrique à bas bruit sa bombe atomique. Le correspondant du Monde ignore-t-il tout cela ?

En manipulant les mots, en tordant les faits, en réaménageant l’histoire, voilà que le « quotidien de référence » dévoie son travail journalistique au profit des basses œuvres de la propagande. Le projet de nazification de l’État juif reste la meilleure stratégie pour le délégitimer. La chose n’est pas tout à fait nouvelle. Ce rapport s’articule autour de deux mouvements : d’une part verser des larmes sur les juifs victimes des nazis et commémorer la shoah, d’autre part mettre à jour la reproduction du « signe nazi » installé au plus profond du « signe sioniste ». La constante mise en avant des enfants palestiniens tués dans des frappes israéliennes s’inscrit dans ce dispositif. Jamais il n’est fait mention de leur rôle de bouclier humain dans les dispositifs militaires du Jihad islamique ou du Hamas. Présenter ces groupes islamistes comme étant des « forces résistantes à l’occupation » est l’autre falsification majeure du récit de l’affrontement récent à Gaza. 

Les milliards de dollars de l’aide internationale investis à Gaza ont été détournés pour construire des tunnels, des rampes de missiles et autres dispositifs terroristes. L’Iran est le maitre d’œuvre de cette stratégie. Ne pas rappeler ces faits consiste à désinformer le lecteur au profit d’une présentation lacrymale des apparences. Depuis 2005 ce territoire est libre de toute présence israélienne. Depuis cette date, Gaza aurait pu être l’exemple même d’un développement à côté d’Israël. En 2007, à la suite d’un coup d’état sanglant contre le pouvoir du Fatah, le Hamas a fait le choix d’y bâtir une base de haine et de terreur. On connaît la suite.

Quand Le Monde devient le porte-voix du Jihad islamique

 En mai et juin 2022 une série d’agression ont frappé des civils israéliens. A la hache ou au couteau ou avec des armes à feu, près de quatorze personnes civiles et deux soldats ont été assassinés. En riposte à ces attaques venues de Gaza et signées Jihad islamique, Israël a riposté en visant ce groupe terroriste affilié à l’Iran. Le Hamas, non visé, n’a rien trouvé à y redire. Les comptes rendus faits par Le Monde de ces affrontements ne font pas seulement que déformer les faits, ils les transforment en leur contraire. Une roquette tombée sur des civils palestiniens aurait tué plus de dix personnes, toutes civiles. Tout l’article impute la responsabilité de ce tir à Israël. L’État-major israélien a démenti tout tir effectué à cet endroit. Deux jours plus tard le journal change l’information qu’il a donné à lire deux jours plus tôt. Le tir de la roquette du Hamas avait été mal calculé et celle-ci serait tombé à l’intérieur du territoire de Gaza. Aucune excuse de la part des correspondants du Monde ne vient amender la divulgation de cette fausse nouvelle. Qui va vraiment vérifier ? 

Le site internet InfoEquitable.org publie depuis un certain temps les éléments nécessaires à la connaissance de la réalité des faits. Avec un acharnement extraordinaire il donne à lire ce que les médias ont présenté au lecteur, puis présente lui-même les éléments de preuve de leur distorsion. Voilà un certain temps que le lecteur du Monde est mis en condition. Les faits importent peu et seule compte l’émotion que les mots peuvent produire. En reprenant à son compte le narratif palestinien de ce conflit, en reprenant son lexique, la Rédaction du Monde induit la construction d’un autre imaginaire chez le lecteur dont la grille de lecture symbolique s’est imposée depuis les années 2000 : les tueurs d’enfants sont les soldats israéliens et les victimes sont bien les enfants palestiniens. 

Frédéric Barrère, correspondant de France Info eut ces mots en septembre 2000, au début de la seconde intifada : « Les soldats israéliens sont cruels, ils respectent davantage les palmiers que les chiens et les chiens que les humains ». Ce commentaire est passé en boucle, comme le fait France Info, toute une matinée, jusqu’à ce que l’ambassadeur d’Israël, Elie Barnavi, prenne soin de téléphoner à la direction de la station pour s’inquiéter de la santé mentale du journaliste. A Europe 1, une situation identique eut les mêmes effets : à la vue des images de la mort du petit Mohamed Al Durah dans les bras de son père, Catherine Nay, l’éditorialiste bouleversée, affirma que ces images effaçaient, annulaient, la célèbre image présente dans tous les livres scolaires du petit garçon juif les bras levés, mis en joue par un SS dans le ghetto de Varsovie. Une nouvelle image symbolique chassait la précédente, laissant en suspens une question subliminale : où étaient les SS juifs qui avaient tué Mohamed al Durah ?

Cette nazification d’Israël brandie sur toutes les banderoles des défilés antis israéliens des années 2000 affichant un signe = entre la svastika et l’étoile juive restera comme la manifestation symbolique la plus abjecte de l’époque. Le retournement du statut des Juifs transformés en nazis va signifier le grand succès de la propagande islamo-gauchiste des temps modernes. Des intellectuels avisés vont y souscrire. Edgard Morin, Danielle Sallenave et Sami Naïr cosigneront un texte titré « Israël-Palestine, le cancer », publié le 3 juin 2002 dans Le Monde : «On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issue du peuple le plus longtemps persécuté dans l’histoire de l’humanité, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en « peuple dominateur et sûr de lui » et, à l’exception d’une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier (…) Les Juifs d’Israël, descendants des victimes d’un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. Les Juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d’un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les Juifs victimes de l’inhumanité montrent une terrible inhumanité »

L’appel de cinq anciens ministres des affaires étrangères publié dans Le Monde en Octobre 2022, « Il faut reconnaître que les politiques et pratiques d’Israël à l’encontre des Palestiniens équivalent au crime d’apartheid » vient conforter ce projet de résolution déposé à l’Assemblée nationale par la NUPES en juillet 2022, dénonçant le système « d’apartheid » dont seraient victimes les Palestiniens. Cette qualification infamante, essentiellement polémique, n’a qu’un objet : disqualifier Israël pour mieux mettre en cause sa légitimité, son droit à être en tant qu’État pour le peuple juif.

La haine d’Israël, progressivement baptisée antisionisme, ne relève pas de la critique de sa politique. L’antisionisme s’est installé dans le paysage intellectuel comme principe politique. Son statut égale celui de l’antiracisme. Que signifie ce variant ? Pour celui qui l’emploie, s’agit-il d’un fourre-tout commode proclamant le refus de la politique d’Israël ou bien le refus de son droit à l’existence ? Le sionisme étant le mouvement idéologique et politique qui a conduit à la renaissance de l’État d’Israël, être opposé à ce mouvement signifie le rejet du droit de cet État à être. Simultanément il met en cause le droit pour un peuple à se constituer en un État, sauf si le peuple en question était un leurre, une fiction, une imposture. Certains en Israël-même s’acharnent à le dire. Il faudrait alors mettre en cause le concept de peuple, en vérifier les divers éléments constitutifs. Cet État, reconnu par l’ONU, est le seul au monde à posséder une langue, une écriture et un alphabet qui lui soient propres. Dispersé depuis plus de trois mille ans, voilà que des humains se reconnaissent en lui, disent avoir en commun une religion, des rites, des coutumes communes, une légende qui depuis trois mille ans répète inlassablement une même prière prophétique : L’an prochain à Jérusalem !  Est-ce suffisant pour reconnaître à ce peuple le droit d’être un peuple ? 

La haine d’Israël relève bien plutôt d’une haine métaphysique qui n’a rien à voir avec un combat nationaliste pour récupérer une terre, pour y construire une patrie. Quel est le plus cher désir de ceux qui égorgent ? Quel est leur plus grand plaisir : détruire l’État d’Israël, tuer des sionistes, ou construire un État ? Si les Palestiniens l’avaient voulu, depuis 2005, Gaza aurait pu devenir un exemple de prospérité au Proche Orient et défier Israël au plan de la création, de l’imagination, du bien pour leur peuple. Ils ont préféré en faire une base de haine.

Depuis une année les Accords d’Abraham ont essayé d’introduire de nouvelles logiques politiques dans les relations d’Israël avec certains États arabo musulmans. Ils essaient, difficilement, de sortir de cet enfermement qui faisait d’Israël la seule raison du malheur arabe. Hassan II qualifiait Israël de « meilleur aphrodisiaque » pour le monde arabe. Le roi du Maroc introduisait la part de testostérone indispensable pour comprendre ce monde dont le ressentiment irrigue tous les discours. Le malheur arabe est incontestable, le malheur palestinien est réel, mais la cause de ce malheur réside en priorité dans ce goulag mental que des mythologies régressives ont installé au cœur du monde arabe et musulman.

La fin effroyable ou l’effroi sans fin

L’été 1982, Ben Bella avait accordé à la revue Politique Internationale un entretien qui anticipait les contours de ce qui irrigue aujourd’hui la pensée politique arabe et/ou islamique. De la cause palestinienne il est à peine question, la création à côté d’Israël d’une Palestine indépendante qui clôturerait ce conflit vieux de 100 ans n’est pas à l’ordre du jour. On comprend en le lisant que les choses sont d’un tout autre ordre qui n’a rien à voir avec un quelconque affrontement entre deux nationalismes dont la complexité résiderait dans cette contradiction matricielle : une seule terre pour deux peuples, dont la solution serait le partage. Ce dont il est question c’est le rejet tout aussi principiel d’une présence juive sur une terre déclarée arabe. Ben Bella énonce un principe qui ne tolère aucune contestation « Ce que nous voulons, nous autres arabes, c’est être, or nous ne pouvons être que si l’autre n’est pas (…) Jamais le peuple arabe, le génie arabe ne tolérera l’État sioniste (…) parce qu’accepter l’être sioniste reviendrait à accepter aussi le non-être arabe » Si tel est le principe, Ben Bella ne lésine pas sur les moyens pour atteindre cette fin. L’usage de la bombe atomique est inscrit dans cette panoplie.

  La messe est dite…

Depuis 25 ans, mais depuis bien plus longtemps encore beaucoup d’eau et de sang ont coulé sous les ponts du Jourdain. La nature de cet affrontement a muté, d’israélo-arabe il est devenu judéo-islamique avant de se métastaser en un conflit islam-occident dont le 11 septembre 2001 a été le marqueur symbolique le plus fort. Refuser de voir que les attentats contre Charlie hebdo, l’hyper casher en janvier 2015 puis le Bataclan ou les Terrasses en novembre de la même année obéissent à la même inspiration que les attentats commis à New York ou en Israël par les disciples des Frères musulmans consiste à ne pas vouloir regarder en face ce qui ICI même nous menace. 

Traiter Israël d’État d’apartheid ne fera ni avancer la cause de la paix, ni l’émancipation des peuples arabes, ni celle des populations musulmanes, ni celle des « jeunes-issus-de-la-diversité-dans-les -quartiers-difficiles ». Au contraire, la réprobation d’Israël ne fait que conforter l’enfermement de ses ennemis dans leurs délires. Le jihad n’est que la forme islamisée de ce qui a été défini par le Tribunal de Nuremberg comme relevant de la notion de Crime contre l’Humanité. La Palestine a été et reste toujours une rente de situation pour tous les leaders arabes en manque de dérivatifs pour leur incurie. En Occident elle reste toujours un mythe commode pour ceux qui sont en manque de juste cause. Pour le grand malheur des Palestiniens, la Propalestine manipule les myopes et les gogos. A la NUPES, chez Badiou, Balibar, Rancière ou chez Edgar Morin, Jean Ziegler, feu l’indigné Stéphane Hessel et beaucoup d’autres, cette incantation apparaît comme l’ultime ressourcement des croyances défuntes. Aujourd’hui la ligne de front est limpide : elle est double, ce sont les femmes iraniennes qui combattent au péril de leur vie le goulag islamique et c’est la lutte que mène Israël pour son droit à exister en tant qu’État pour le peuple juif. Ne pas comprendre que ce qui menace Israël NOUS menace est suicidaire. José Maria Aznar, ancien premier ministre d’Espagne eut un jour cette phrase prophétique : « Si Israël tombe, nous tomberons tous ».

Qu’est-ce que l’agression contre Salman Rushdie vient nous rappeler ? Qu’est-ce que les menaces toujours vives contre la jeune Mila viennent nous rappeler ? Qu’est-ce que le nom de Samuel Paty nous rappelle ? Qu’est-ce que la haine antisioniste instrumentée par les pouvoirs en place dans le monde arabe vient nous dire ? Qu’est-ce que l’imam Iquioussen prêchait à destination de ses ouailles ? Que le Juif est l’ennemi de l’humanité et qu’Israël reste un pays à maudire. Ces énoncés ont construit une pensée magique, baptisée à gauche « antisionisme ». Elle grignote chaque jour les cervelles des banlieues mais il se trouve que par opportunisme, lâcheté, paresse intellectuelle, conformisme idéologique, ce cancer de la pensée ne veut ni être vu, ni être nommé pour ce qu’il est. Bien pire, c’est la culture du déni du réel, du déni de la menace pour tous, y compris eux-mêmes, qui triomphe et se fait le relais, voire le complice, des discours propagandistes du Jihad islamique. Personne ne conteste le malheur de Gaza, mais personne ne cherche la raison de ce malheur dans ce que les Palestiniens ont eux-mêmes choisi pour leur propre devenir.  L’usage que les arabes font de la cause qu’ils prétendent défendre s’inscrit dans la grande tradition des mensonges d’abord destinés à berner les peuples.

C’est une grande tristesse que de retrouver dans le journal Le Monde cette écriture qui obéit aux pires clichés de propagande usant des renversements sémantiques attribuant à Israël des qualificatifs visant à le disqualifier le plus radicalement possible : nazi, raciste, apartheid sont les mots de la propagande inaugurée à Durban en 2001, quand dans une conférence de l’ONU on cria « Mort aux Juifs » au nom de la lutte contre le racisme.

C’est le triste privilège des Juifs que d’avoir en héritage le récit de leur destruction par les nazis et d’avoir pour perspective la promesse de leur destruction prochaine par la bombe atomique que les mollahs iraniens s’acharnent à construire. 

© Jacques Tarnero 

Essayiste. Documentariste. EX CNRS. Ex CSI. Auteur du film Décryptage réalisé avec Philippe Bensoussan en 2003. Ex CNRS. Ex CSI.

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2 Comments

  1. Je l’ai déjà dit dans un autre commentaire, à propos non pas du journal « Le Monde », mais du Goethe Institut (en Israël même!) dans une tentative de comparer la Shoah à la prétendue Nakba (catastrophe) palestinienne. Une Allemagne si « gentille » avec les Juifs et l’Etat d’Israël depuis qu’elle a éteint ses fours crématoires, mais qui commence à s’y mettre elle aussi. Pour ces gens du « Monde » et d’ailleurs, ni les fusillades d’adultes et d’enfants perpétrées par les « hommes ordinaires » des Einsatzkommandos, ni les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau et de Treblinka ne leur ont fait perdre l’appétit. La catastrophe pour eux, c’est que les armées allemandes dans le Caucase et en Libye n’aient pu poursuivre leur progression en 1942 et se rejoindre en terre d’Israël. La catastrophe pour eux, c’est qu’en fin de compte l’Allemagne a perdu la guerre, après six millions d’actions « héroïques ». Au bout de deux mille ans de diabolisation et de mille ans de massacres presque partout en Europe, l’année 1948 a bien été pour eux la catastrophe ultime : la fin de la récréation. Il ne reste plus, en effet, à ces hommes ordinaires, qu’à banaliser la Shoah ou diaboliser l’Etat d’Israël, ou les deux. Il est encore possible de tuer des Juifs et cela arrive parfois, mais c’est devenu rare et cher. Il y a bien, dans un avenir probablement proche, la bombe atomique iranienne, secrètement souhaitée, peut-être, par beaucoup. Mais le passage à l’acte, 80 ans après la Shoah et sans être dans le secret des dieux, c’est pour toute l’humanité, qu’elle soit sensible ou indifférente, à déconseiller cette fois très vivement.

  2. C’est un documentaire remarquable que je viens de lire . Jacques Tarnero nous inquiète, le mot est faible, mais nous fait voir la vérité en face j’espère que vous serez nombreux à lire Jacques Tarnero , sa lucidité et la richesse de ses écrits.

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  1. Jacques Tarnero. "Le Monde" est-il devenu le "Je suis partout" de la bonne conscience ? - Tribune Juive

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