Danielle Khayat. Approximations idéologiques et Précision juridique : le « crime d’apartheid » imputé à Israël


Photo: Charles Walker Collection

« Tout ce qui est excessif est insignifiant » : ces mots célèbres du Prince de Talleyrand-Périgord, le plus célèbre des diplomates français, viennent immédiatement à l’esprit à la lecture d’une tribune publiée par le quotidien Le Monde le 27 octobre 2022, dont les auteurs sont 5 anciens ministres européens des Affaires Étrangères – qui espèrent sans doute que, par cette tonitruance, leur notoriété franchira enfin les frontières de leurs pays respectifs.

On demeure perplexe : quel insecte a bien pu piquer de respectables diplomates, c’est-à-dire des personnes maniant la litote voire la « langue de bois », pour qu’ils se vautrent ainsi dans la fange de la calomnie la plus crasseuse, du déni du réel le plus hallucinant ?

Les actes terroristes qui ensanglantent Israël et meurtrissent sa population ? Les milliers de roquettes envoyées deux mois plus tôt par le Jihad Islamique Palestinien ? La rétention de cadavres de soldats israéliens par le Hamas ? L’absence de toute information relative au sort d’Israéliens détenus par le même groupe terroriste ? Le financement par l’Autorité Palestinienne des terroristes emprisonnés et des familles de ceux qui ont été éliminés et sont considérés comme des « martyrs » ?  

Circulez ! Aucun intérêt pour ces dignes personnages drapés dans leur prestige antérieur, mais taiseux sur tout ce qui les gêne.

Seraient-ils atteints d’amnésie ? 

« Il faut reconnaître que les politiques et pratiques d’Israël à l’encontre des Palestiniens équivalent au crime d’apartheid », écrivent-ils sans vergogne.

Après Amnesty International et des députés français de la NUPES auteurs et signataires d’un projet de résolution devant l’Assemblée nationale, ils lancent à leur tour, avec toute la gravité inhérente à leurs anciennes fonctions, l’accusation d’apartheid à l’encontre d’Israël. 

Et ils le font d’une manière qui laisse pantois tout juriste familier du droit pénal – qu’il soit interne ou international. Car le droit pénal, fondé – entre autres – sur le principe fondamental de l’interprétation restrictive de la loi pénale (« nullum crimen, nulla pœna sine lege »), ignore la notion d’« équivalence» : un acte est incriminé ou il ne l’est pas, tel est le principe fondamental du droit criminel depuis les travaux de Cesare Beccaria en réaction à l’arbitraire qui présidait jusqu’en 1789 en France – laquelle exportera ensuite ce principe dans la plus grande partie de l’Europe.

Il faut revenir aux textes juridiques pour comprendre la contorsion dont on est ainsi témoin, destinée à faire avaler la couleuvre du « crime » que l’on voudrait tant imputer à Israël. 

Le « Statut de Rome de la Cour pénale internationale » du 17 juillet 1998 (https://www.icc-cpi.int) vise, au titre des «Crimes contre l’humanité » le «crime d’apartheid» ( article7 -1 – j) qu’il définit  ainsi : « Par « crime d’apartheid», on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime».

L’utilisation par le texte d’incrimination des mots « groupe racial » pouvant se révéler problématique lorsqu’il s’agit d’accuser Israël du crime d’apartheid, Amnesty International a cru trouver une parade. Sur son site internet, on lit, en effet : « Lorsque l’on utilise le mot « race » ou « racial», cela inclut, en droit international, «la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique» (article 1 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale»)».

Sauf que cette assertion est complètement anéantie tant par le principe – déjà rappelé – d’interprétation restrictive de la loi pénale que par le Statut de Rome. En effet, outre qu’il ne vise pas la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de décembre 1965, ce texte prend soin, en son article 6 définissant le «crime de génocide », de parler de la destruction d’un « groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Et il ne reprend absolument pas cette énumération dans son article suivant traitant des « crimes contre l’humanité », se limitant explicitement, lorsqu’il évoque celui d’apartheid, à viser « un groupe racial ».

Mal gré qu’en ait Amnesty International, mais comme ont dû le flairer les 5 diplomates auteurs de la tribune parue dans Le Monde – lesquels, pour éviter cet écueil, n’en sont pas moins tombés dans un autre tout aussi redoutable – le crime d’apartheid implique, au titre de ses éléments constitutifs, qu’un « groupe racial » soit l’auteur des actes qui sont énumérés par le Statut de Rome.           

Prétendre imputer à Israël le « crime d’apartheid » implique donc de faire des Juifs un groupe racial. 

A quelle théorie revient-on ainsi, si ce n’est au nazisme ?

Leur volonté de faire d’Israël un État d’apartheid révèle, chez les activistes qui s’en réclament – leurs relais médiatiques complaisants comme Le MondeLibeL’Obs (liste non exhaustive) en sont-ils conscients ? – une filiation idéologique qui était déjà celle d’Amine El-Husseini, le grand muphti de Jérusalem allié de Hitler. Elle atteste d’autre part de la totale pertinence tant de la définition de l’antisémitisme mise au point par l’I.H.R.A. – adoptée par de nombreux pays au grand dam des tenants du «pro-palestinisme » béat – que des propos de Vladimir Jankélévitch et du Pasteur Martin Luther King : l’antisionisme n’est que le masque moderne de l’antisémitisme.

© Danielle Khayat

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1 Comment

  1. Madame,

    Félicitation pour cet article.
    Il s’agit là, d’une analyse très fine, technique. Dans leurs accusations d’état d’apartheid, chaque mot, on le voit, a été pesé.
    Vous parvenez à décortiquer les accusations de ces trois anciens diplomates,.qui ne sont, je suppose, plus sous protection d’immunité.
    Alors il devrait être possible de les mettre devant un tribunal, non ?

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