Les Apartés de Félie. Lazare, d’une guerre à l’autre

Lazare Ponticelli 

Qui se souvient de Lazare ?

 Non point celui de Bethanie, ni de Saint Lazare qui a désigné jadis un hôpital réservé aux lépreux, encore moins la gare qui abrite retrouvailles et déchirures mais le seul, l’unique dernier Poilu mort en 2008 à l’âge de cent dix ans.

Est-ce un pur hasard de s’appeler Lazare ? Ou cet homme de naissance italienne, Ponticelli de par son patronyme qui en 1914 tout juste âgé de seize ans s’engageait dans la légion, était-il destiné à devenir un héros ?

Quel temps faisait-il dans la Somme ce 11 novembre 2022 ? Que reste-t-il, dans nos têtes pressées de non sens, de souvenirs de « la grande guerre » comme on l’appelait jusqu’à ce qu’Hiltler ne décide, aidé par d’autres, qu’une seule guerre mondiale ne suffisait pas.

Cent-deux ans. Plus personne pour parler de l’horreur des tranchées, du génocide arménien, de la révolution russe, mon arrière grand-père maternel avait été gazé dans les tranchées et en est mort. J’aimerais faire un sondage et demander au hasard (comme lors d’une espèce de micro-trottoir aux passants de me parler de ce conflit). Je pense que j’entendrais beaucoup de bêtises ou serais confrontée au silence.

Jour de commémoration, important à mes yeux. Ne jamais oublier, devoir de mémoire, respect à ceux qui sont morts pour leur patrie.
Plus de poilu. Plus d’image forte, une transmission qui se fait mal. Pétain traître ou héros ? Que peut comprendre notre jeunesse en mal de repères, en proie au doute, confrontée à une société qui ne leur offre que peu d’espoir ?
Cela ne fait pas rêver la première guerre mondiale. Pas de strass, ni de paillettes, ni de bling bling en 14/18. Ni dans aucune autre guerre. Les bruits des canons, des fusils, de la peur, de la sueur, du sang, du courage et des larmes.
Juste une « drôle de guerre » et des photos jaunies.
Il pleut et il fait froid. Il y a cent-deux ans, des gens pleuraient de bonheur. Les Allemands et les alliés venaient de signer l’armistice.
Cent-deux ans. C’est si loin. Mais, ne jamais oublier par respect pour tous ceux morts pour sauver leurs pays, parce que l’histoire n’est pas qu’une matière de plus qu’on enseigne, elle éclaire et donne sens au présent.
Parce que les hommes veulent toujours plus, refont les mêmes erreurs ou pire encore. Parce que la troisième guerre mondiale frappe à notre porte. Ou est déjà là, installée, ou en route mais si proche de nous.

Quand l’homme deviendra-t-il raisonnable ? Sans doute jamais. Éternel recommencement.

 Un conflit chasse l’autre, une prise de territoire en entraîne une autre et la folie meurtrière qui habite des tyrans assoiffés de pouvoir fait toujours des soldats de la chair à canon.
Mais le bruit des bottes est à nos portes, la menace d’armes chimiques palpables, celles du nucléaire donnent des sueurs froides. Depuis des mois, nous sommes devenus avides de nouvelles, soutenant l’Ukraine contre la folie sanguinaire de Poutine.
La guerre, je l’ai connue. Non pas en allant au front mais de par mon grand-père rescapé des camps,  de par mon père qui revenu d’Indochine avait perdu une partie de sa promo à Dien Bien Phu. Je l’ai comprise dans leur silence.

En chaque soldat, il y a un Lazare qui pourrait fredonner cette chanson de Colette Deréal

« A la gare St Lazare
A l’horloge pendue
J’ai compté quatre quarts
Et tant de pas perdus
A la gare St Lazare. »

Une armée sert à faire la paix et non la guerre. C’est ce que l’on devrait tous apprendre et appliquer.

Ne nous perdons pas de vue salle des pas perdus. N’oublions pas la beauté du monde et laissons y refléter le meilleur de nous.

J’ai de plus en plus de mal à y croire et vous ?

© Felicia-France Doumayrenc

Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.

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