Pour ceux qui croient dans la démocratie, les élections américaines offrent parfois des scénarios que Hitchcock n’aurait pas désavoués. On se rappelle l’élection de l’an 2000 et le laborieux recomptage des votes en Floride avant que GW Bush soit déclaré Président des Etats Unis.
Cette fois-ci, il semble que nous devrons attendre une nouvelle élection en Georgie pour savoir si le Sénat restera démocrate ou s’il deviendra Républicain. En effet, la loi de cet Etat stipule que le vainqueur doit obtenir la majorité des votes. Or un candidat libertarien a obtenu 2% des suffrages, et le minime écart de 15 000 voix sur 2 millions entre les deux candidats principaux ne leur donne à chacun que 49%. Le démocrate est en tête et le républicain, un footballeur trumpiste, traine un vilain passé de violences et aurait obligé ses compagnes à avorter, alors qu’il prône l’interdiction de l’avortement. Sachant qu’au deuxième tour les électeurs démocrates se déplacent moins que les républicains, socialement plus favorisés, le Sénat, donc le contrôle de la politique financière du plus grand pays du monde, basculera ou non dans les mains des républicains sur des bases plus que fragiles.
En tout cas, il n’y a pas eu de vague rouge aux élections américaines à mi-mandat. Pour rappel, le rouge aux Etats Unis, ce sont les Républicains, Donald Trump n’est pas devenu marxiste. Son parti a emporté une assez maigre victoire. Biden a sauvé les meubles, rien de comparable avec la défaite de Obama aux midterms de 2010 ou celle du même Trump en 2018.
Je l’ai vérifié, depuis la guerre, il n’y a que deux années où le parti du Président ait renforcé sa position au cours des Midterms: 1998, où l’affaire Monica Lewinsky aurait bénéficié à Clinton, beaucoup d’électeurs étant excédés par la violence des attaques contre lui et 2002 où les Américains, après les attentats du 11 septembre, ont fait corps autour de leur président. Jo Biden a bénéficié des juges républicains de la Cour Suprême qui en juin ont autorisé les Etats à interdire l’IVG, ce qui a par contre-coup mis en fureur des électeurs jusque-là indécis. Dans un pays démocratique, tout excès peut provoquer un effet boomerang. Des dossiers contre lui mal ficelés et Netanyahu a su mobiliser autour de lui. Quant au discours incendiaire de Jean-Luc Mélenchon, chacun sait qu’il aide Marine Le Pen. Dans une dictature, en revanche, sataniser l’adversaire accélère une carrière.
Le Washington Post écrit que plus de 150 « deniers » vont entrer au Congrès, 150 parlementaires qui disent que le vote présidentiel de 2020 a été truqué. Cela n’est pas une opinion, c’est un mensonge, à l’encontre de toute enquête, de tout bon sens et de tout indice. Je n’ai pas plus de respect pour un individu qui défend ce hoax, fût-il ancien Président des Etats Unis et défenseur d’Israël, que je n’en ai pour quelqu’un qui dit que la terre est peut-être plate, que la Shoah n’est qu’une hypothèse et pour celui qui prétend que critiquer l’idée que Allah promet 72 vierges à ceux qui tueront ses ennemis relève de l’islamophobie.
La vague de détestation d’Israël qui monte dans les Universités et les mouvements de protestation woke ne se sera pas manifestée au cours de ces élections où, à quelques exceptions près, les amis d’Israël ont été élus ou réélus, à l’instar de Ron de Santis de Floride, probable rival de Trump à la nomination républicaine aux futures présidentielles, qui avait promis d’être le plus pro-israélien des gouverneurs américains.
A ceux qui redoutaient qu’il fût proche de la Squad, ce groupe de parlementaires démocrates anti-israéliens, John Fetterman, nouveau sénateur de Pennsylvanie, a insisté sur son affection pour Israël. Dans le même Etat, le nouveau gouverneur, largement élu, le démocrate Joshua Shapiro, est un Juif ouvertement et strictement pratiquant.
Biden et Netanyahu connaissent et vivent mieux que personne la profondeur des liens qui unissent les Etats-Unis et Israël. Il est absurde de penser qu’ils pourraient rompre ces liens à un moment où l’Iran devient le partenaire militaire majeur de la Russie, et il est maladroit de réclamer, comme l’a fait le mouvement conservative américain, que Ben Gvir ne soit pas nommé ministre. Finalement Avigdor Liberman a été dans le passé persona non grata aux Etats-Unis, cela ne l’a pas empêché d’exercer ses fonctions de ministre et les relations avec Israël n’ont pas cessé.
L’appel au désengagement des États-Unis, aujourd’hui en Ukraine, mais à terme peut-être aussi en Israël, existe dans le camp républicain. L’archi célèbre journaliste de Fox News, Tucker Carlson, dont on dit qu’il est le mentor intellectuel de Donald Trump, en est un exemple.
Cela dit, la désignation d’un kahaniste au gouvernement israélien n’est pas un acte anodin. En cette semaine où on a commémoré l’assassinat de Rabin, comment oublier les paroles du jeune Ben Gvir: « Nous avons buté sa voiture, maintenant nous allons buter l’homme ». Comment ne pas hurler quand son allié Smotrich, lui aussi promis à un avenir ministériel, ressort la fable inepte du complot du Shin Bet à l’origine de l’assassinat?
Je suis convaincu que Benjamin Netanyahu a un sens profond de sa place dans l’histoire et que la défense d’Israël prime toutes les considérations partisanes. C’est pourquoi je voudrais dédier cette chronique à mon petit fils Ben, qui ce matin achève à Jérusalem le Masa Kumta, sa marche de 50 Km, barda sur le dos, à l’issue de laquelle il recevra son béret rouge de parachutiste, en lui disant toute la fierté et l’amour de son grand-père.
© Richard Prasquier
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