Procès en appel des attentats de janvier 2015
Extraits
« Alors quelle est cette cause qui a tué tous ceux dont on a parlé depuis six semaines, ainsi que 130 personnes [à Paris] le 13 novembre, 86 à Nice et des dizaines de millions d’autres depuis des siècles ? Elle a un nom : c’est l’accusé qui ne comparaîtra jamais alors que c’est celui qui transforme des humains ordinaires en auteurs de crimes plus monstrueux les uns que les autres, jusqu’à abattre un petit garçon de 3 ans avec une tétine dans la bouche, à bout portant, et une petite fille de 8 ans en l’attrapant par les cheveux – je parle évidemment de Mohamed Merah ; jusqu’à couper la tête d’un professeur en toute bonne conscience. Cet accusé tue indistinctement chrétiens, juifs, musulmans et athées, et pourtant il faudrait ne jamais prononcer son nom. C’est lui qui a conditionné les Kouachi à commettre leurs crimes, le 7 janvier 2015. Dans cette salle, il faut bien finir par le désigner, par le regarder en face : il s’appelle Religion. C’est mon accusé […].
Ce sont les auteurs de ces crimes eux-mêmes qui le hurlent et le scandent […]. “On a vengé le prophète Mahomet”, ont-ils répété à trois reprises après le massacre. Mais comment cela pourrait-il être plus clair ? Que nous faut-il de plus pour comprendre ? Comment fait-on pour ne pas interroger la religion, pour prétendre que ça n’a rien à voir, sauf à faire comme si on n’avait pas entendu ? […] Voilà le mobile du crime et il est explicite : le respect du Coran et la vengeance du Prophète.
L’action de ces terroristes est motivée par l’islam, plus précisément par une vision de l’islam. Je parle d’une croyance, pas des croyants. Je parle d’une vision de l’islam, pas des musulmans. Une vision dogmatique, dont les principales victimes sont d’abord des musulmans, comme les soviétiques étaient les premières victimes du stalinisme […].
Lutte à mort. Des centaines de millions de musulmans à travers le monde […] aimeraient vivre leur religion tranquillement, sans les privations de liberté qu’induit cette vision de l’islam. Mais ce n’est pas une vision marginale. C’est la plus militante, la plus organisée, la plus conquérante, la plus communicante, la plus opulente aussi, grâce à ses bailleurs de fonds saoudiens ou qataris […]. Il faut combattre cette vision. Parce qu’il en va de l’intérêt de tous et parce que, pour citer Voltaire, « il est honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas ».
C’est la dernière fois que je plaiderai ce dossier. Je suis au bout de ce chemin. Aux universitaires de travailler pour notre futur commun. Aux intellectuels de faire preuve d’un peu de courage, de défendrele vertige de la liberté plutôt que le respect des dogmes. Aux artistes et aux créateurs de retrouver la liberté de Molière et de Voltaire, sinon à quoi bon créer?
Qui ose encore? A eux de ne pas abandonner l’audace de la critique des religions dans les tombes de ceux qui ont forgé la liberté dont ils bénéficient. Aux exploitants de salles de cinéma et aux diffuseurs de tenir bon. Aux journalistes d’oser nommer les choses – c’est leur mission, leur responsabilité, leur devoir de rouage essentiel de notre grande horlogerie démocratique. Aux juges administratifs d’être parfois moins naïfs. Aux autorités politiques du monde musulman de cesser d’instrumentaliser et de politiser une religion. A nos politiques d’être des humanistes militants, intraitables sur nos libertés et notre universalisme. Aux théologiens de proposer une nouvelle vision. Et à tous, que l’on en finisse avec l’obligation de respecter les religions ».
© Richard Malka
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