Les bras m’en tombent. La Chronique de Denis Parent. Vendredi 23 septembre 2022

Les bras m’en tombent. Vendredi 23 Octobre (ou septembre d’après certains)

Thiérry est mort. Je l’ai connu en 2016 dans une obscure station de radio FM qui nous servait la soupe promotionnelle alors qu’on venait chacun de sortir un livre.

On n’aurait jamais du devenir amis. Il était très catholique alors que je suis mécréant, il chantait bien quand je ne suis qu’une casserole, il respectait la tradition alors que je suis transgressif, il était de droite alors que je suis anarchiste-foutraque, il était plein d’espérances en l’homme alors que je suis un misanthrope cynique. Il connaissait l’économie et la philosophie alors que je prends Kant pour une particule élémentaire et Keynes pour le fiancé de Barbie.

C’est pas parce qu’il est mort que je dois en parler au passé. Thiérry Berlanda est devenu mon ami. On a du déjeuner ensemble quatre fois, on échangeait sur messenger, ca a suffi.

Disons plutôt qu’on avait l’amitié qui s’apprêtait à fleurir. Le type bienveillant, ouvert, jamais un mot plus haut que l’autre. A l’écoute, dans un monde où tout le monde fait un concours de braillade. Six ans, quand on y pense, sans avoir le temps. Je l’ai mis dans mon livre « Malvina » ou j’ai fait un casting de copains dans le rôle des gentils (et des gens qui m’en ont fait baver dans celui des crapules). Je l’ai appelé Ter Ballanter, c’est un Ecclesiaste, un diplomate religieux de mon histoire.

Comme ça je le vois tous les jours le Thierry.

Pas la peine de faire le mort.

De savoir qu’il jouait un personnage de papier, ça l’amusait. Le mec voyait le beau partout, il avait une machine à s’émerveiller. Souvent, je me disais qu’à côté de lui je ne valais pas cher. Et pourtant je ne suis pas bon marché .

À plusieurs reprises dans ma vie j’ai rencontré des gens qui avaient pas le bon métier, pas le bon costume, pas la bonne moto, pas la bonne religion, qui votaient mal, qui écoutaient Brahms ou du free jazz, voir même Joe Dassin, des qui aimaient pas Céline et Giono, bref des pas fréquentables.

On est devenus potes. Le destin est un bouffon de cour, il rit de nos postures. Il nous fait rencontrer les meilleures personnes dont on ne voudrait pas, (et celles qui nous séduisent contre l’évidence ) comme pour railler nos arrogances. A bientôt avec Ter Ballanter.

© Denis Parent

La Chronique de Denis Parent « Les bras m’en tombent », que tous ses lecteurs assimilent à ses humeurs, est née il y a trente ans dans « Studio Magazine », où l’auteur nous entretenait de cinéma.

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1 Trackback / Pingback

  1. Thierry Berlanda... et il s'en alla...

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