Les bras m’en tombent. Vendredi 16 Septembre
Le pape est mort. JLG comme on disait, pour ceux qui résument les gens à des acronymes. Rendre l’âme quasi en même temps que la reine d’Angleterre , je jurerais qu’il l’a fait exprès. Le deuil collectif, la convocation des pleureuses, me sidèrent , on est au bord du panthéon . La plupart des gens qui sévissent dans la mediacrité n’ont pas vu ses films ou en bande annonce.
A leur décharge (publique) il faut bien reconnaître qu’il y a beau temps qu’ils ne sont plus visibles. Au sens critique du terme. Je ne connais personne qui se dise « je suis impatient de rentrer pour revoir Prénom Carmen ». Pour moi il y a toujours eu une imposture Godard. Le petit soldat est épouvantable, Alphaville est abscons, La Chinoise est grotesque. Et je ne parle que de la première partie de carrière.
Tous les onanistes mediatriques citent les évangiles : « Pierrot le fou », « A bout de souffle », et surtout « le Mépris ». Les deux premiers font amateur, le dernier agite les mythes sans raconter grand chose. Mieux vaut relire le roman de Moravia. Et encore je l’aime bien pour Bardot égarée dans une république bananière et Piccoli a l’aise partout.
Tout cela est détaché, marmonnant, chaotique, impuissant à narrer, et ça fait illusion par des artifices ésotériques. Il y a chez God une ironie malséante , quelque chose de narquois, paradoxal pour un homme qui disait tant aimer le cinéma. On a parfois l’impression de le voir se noyer dans son dépit de lui-même et des spectateurs. Les pires moments de Gainsbarre généraient le même malaise.
Révolutionnaire ! brament tous les commutateurs qui se prennent pour des commentateurs. Il faut croire qu’ils ont pour profession d’éteindre la pensée contraire. En quoi Gode est-il novateur ? Son surréalisme préexistait chez Bunuel ou le polonais Wojciech Has. Son côté potache est chez tous les burlesques ou Preston Sturges. Le jeu distancié des acteurs était la avec Bresson.
Sur la forme on genuflexionne avec les tournages en extérieurs de saint jean Luc et la j’éclate de rire. On tourne en extérieur des l’aube du cinéma. Simplement le système des studios était économiquement plus fiable pour maîtriser lumière, décors et intempéries. Avec la guerre les caméras deviennent moins lourdes et les pellicules plus sensibles. Les neo réalistes italiens tournent en extérieur, la Fox de Zanuck encourage le vérisme et c’est Kazan ou Hathaway… Enfin l’utilisation baroque du son et de la voix off c’est Guitry (générique parle bien avant le Mépris) Preminger, Mankiewicz et tant d’autres.
La fable que promeuvent les incultes (les journaleux atteints de la tremblante du Jean-Luc ) est excusable. Elle l’est moins chez les cinéphiles, pour qui la Nouvelle vague est une permanente épiphanie. Godard a trouvé un personnage de prophète rigolo prompt à l’aphorisme avec des airs de Droopy.
C’était en amuseur public, bien comprendre la pusillanimité médiatique. Ça n’en fait pas un génie.
Le terrorisme intellectuel autour de Godichon existe depuis soixante ans. Faut faire partie des initiés. Ben moi non. Je suis un rustre : Gogo m’a toujours gonflote à refuser le récit pour nous infliger ses dispensables digressions. Et je me souviens de son pauvre costume cravate au moment où il filmait les Stones le poil long et la patte d’eph (One +one). Lui faisait notaire embarrassé qui ne comprenait pas « Satisfaction »
© Denis Parent
La Chronique de Denis Parent « Les bras m’en tombent », que tous ses lecteurs assimilent à ses humeurs, est née il y a trente ans dans « Studio Magazine », où l’auteur nous entretenait de cinéma.
« Les pires moments de Gainsbarre suscitaient le même malaise »…Quels mauvais moments de Gainsbarre ? « Aux armes etcetera » et « Love on the Beat » font partie de ses meilleurs albums et même « You’re under artest » est excellent. Il n’y a rien à jeter chez Gainsbourg (sauf peut-être ses films).