L’école de mon enfance m’a privé de ma liberté, de mon innocence et d’une grande partie de la confiance que j’avais en autrui.
Tu arrives avec tes six ans, des cahiers tout neufs et une énorme envie de bien faire, et on te rend la monnaie en intimidations, en ordres secs et sans appels et en humiliations diverses et variées.
Et l’horloge sur le mur refuse d’avancer.
Les chatiments corporels, dans cet établissement d’Etat, étaient monnaie courante. La cour de récréation était grise, flanquée de deux platanes et de deux marronniers, qui, seuls, amenaient couleur et beauté dans cet univers carcéral que je découvrais à peine. Si tu voulais faire pipi sur les latrines derrière le mur, un méchant garnement te pinçait le zizi pour faire rire ses copains. Le racket était monnaie courante. Les surveillants n’étaient pas malveillants, mais amorphes, indifférents, mais d’une indifférence hostile, comme ces gardiens de prison à qui on a graissé la patte pour ne rien voir et ne rien entendre. Même quand il gelait, on ne pouvait monter dans les classes chauffées qu’à l’heure précise, en rang par deux. Sans élever la voix dans l’escalier.
La sonnerie était stridente comme la voix des femmes de ménage qui traînaient leur seaux dans les couloirs.
Et, le chabbat, jour saint que l’on respectait à la maison, il fallait le violer à l’école au nom de la sacro sainte laïcité, à géométrie variable, la même qui t’obligeait à apprendre à Noël la chanson « des rois mages », qui partaient en voyage pour voir l’enfant tout nu.
Et c’est pourquoi depuis, à la rentrée des classes, et même si rien n’est plus comme avant, heureusement, mon cœur se serre.
Ta profession, dans la vie, est rarement un hasard, même si j’ai rencontré Janusz Korkzac et sa magnifique bienveillance sur le tard. Car, chaque fois qu’on m’appelle pour un conseil, ou pour me raconter les frasques d’un diablotin, le petit garçon bouclé que j’étais me regarde et tend sa petite main blanche vers moi. Sans joindre les doigts dans l’attente angoissée d’un coup de règle « éducatif ». En toute confiance. Pour me rappeler que je ne suis pas un éducateur. Pas même un vengeur. Juste un envoyé du rire et du bonheur. Et qui prend sa mission à cœur.
J’étais au collège et au lycée dans les années 80-90 : cela ressemblait à un centre carcéral peuplé d’idiots congénitaux ou/et de psychopathes avec des employés et des enseignants eux-mêmes sortis tout droit de Scream ou Le silence des agneaux.
HF Thiéfaine « Résilience Zero » https://youtu.be/mZznUZasHOE