Charles Rojzman. Vous n’aurez pas ma haine

OPINION. Comment expliquer que les épisodes de violence, qu’ils soient liés au terrorisme ou à l’insécurité au quotidien, se heurtent presque systématiquement à un mur de grands principes et de beaux sentiments ? 

« Vous n’aurez pas ma haine ». Ce titre d’un ouvrage, écrit par le père d’une des victimes du Bataclan, est le cri de toute une génération bourgeoise qui revendique son appartenance au camp du bien et repousse loin d’elle l’hypothèse du mal en son sein. La fracture sociale est là : entre, d’un côté, le monde des enfants de l’élite éduquée qui a accédé aux manettes du pouvoir dans la politique ou les médias, et de l’autre le monde populaire qui se sent abandonné et trahi depuis quelques dizaines d’années déjà. Un monde populaire qui, n’appartenant pas aux « talking classes » seules légitimes à s’exprimer en public, désespère de faire entendre ce qu’il voit et subit quotidiennement.

« La meilleure façon de comprendre les conflits culturels qui ont bouleversé l’Amérique depuis les années soixante est d’y voir une forme de guerre des classes dans laquelle une élite éclairée (telle est l’idée qu’elle se fait d’elle même) entreprend moins d’imposer ses valeurs à la majorité (majorité qu’elle perçoit comme incorrigiblement raciste, sexiste, provinciale et xénophobe) encore moins de persuader la majorité au moyen d’un débat public rationnel, que de créer des institutions parallèles ou « alternatives’ dans laquelle elle ne sera plus obligée d’affronter face à face les masses ignorantes« , écrivait Christopher Lasch dans La révolte des élites (1995).

Macron est le prototype de cette élite instruite dans les bonnes écoles, puisant une image de compétence dans sa communication et s’appuyant sur une base restée provisoirement solide. Une élite indifférente aux souffrances populaires qu’elle ignore, ou plutôt qu’elle relativise. En réalité, l’effondrement est proche et il est préfiguré par l’état déliquescent de l’école, de la police et de la justice qui ne parviennent plus à remplir leur mission d’éducation, de sécurité et d’égalité devant la loi.

Il y a actuellement 120 attaques au couteau par jour. Mais qui donc possède un couteau dans sa poche ? Quel est le profil de ces manieurs de couteau ? Le dénominateur commun serait-il culturel ? Civilisationnel ? Pourquoi n’en parle-t-on pas ? Pour ne pas stigmatiser ? Mais quel rapport avec ces millions de personnes de la même origine ? Pourquoi alors ne pas dire ce que chacun sait : que la quasi-totalité de la délinquance de la vie quotidienne est commis par l’immigration ou plus précisément par des personnes appartenant à cette aire civilisationnelle du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne ? Si on continue à pratiquer ce déni, le danger est grand que l’on en arrive à stigmatiser l’ensemble d’une population en la poussant encore davantage à se séparer de la communauté nationale. Alors qu’il faudrait dénoncer avec franchise cette délinquance qui a son origine dans des comportements familiaux, culturels, religieux même, et entamer le débat sur des mesures nécessairement draconiennes.

Il s’agirait de quelques personnes, nous dit-on, et il ne faudrait pas faire de généralité. Ce discours est convenu depuis quelques dizaines d’années. Cette génération, et ce milieu-là, minoritaires dans la population mais très puissants dans la politique et les médias, a peur du racisme, peur de la haine, peur de l’exclusion. Ils appartiennent à des groupes qui se veulent angéliques dans leurs intentions et coupables de ce qu’ont fait leurs prédécesseurs : colonialisme, esclavagisme antisémitisme, racisme… Ils se méfient de l’armée et la police sauf quand elles servent leurs intérêts, récusent le monopole de l’État sur la violence légitime, rejettent le nationalisme, l’homophobie, le sexisme, l’islamophobie, le militarisme. Comment comprendre cet assaut de gentillesse et d’humanisme sans limites ?

La réponse est en partie dans l’éducation donnée par des parents, une éducation bienveillante qui culpabilise l’enfant colérique, l’enfant « méchant » et rebelle, l’enfant qui devrait être reconnaissant de l’amour qu’on lui porte. Cet enfant, souvent unique, est gâté car il est le porteur des rêves de ses parents. D’un côté, on lui dit qu’il est aimé et qu’il peut faire ce qu’il veut. De l’autre, subtilement, il est manipulé pour répondre aux désirs de ses parents. Cette violence qui se fait passer pour de l’amour culpabilise l’enfant qui doit réprimer sa colère. Il va ainsi choisir ses objets de bienveillance et de sollicitude, les opprimés qu’il a choisis et au même moment pouvoir exprimer sa haine des oppresseurs, l’autorité et tous ses représentants. Bien entendu, l’explication psychologique est insuffisante. Mais elle permet de comprendre que l’idéologie a souvent un soubassement relevant de l’histoire personnelle et affective de chacun. A condition de ne pas oublier que cette histoire familiale est également une histoire de classes sociales et de moment de l’histoire.

Charles Rojzman

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6 Comments

  1. Dans la mesure où le colonialisme, l’esclavagisme etc…ne sont absolument pas propres aux occidentaux et que le racisme est extrêmement présent et virulent chez les populations africaines ou d’origine africaine, les bobos bien-pensants prouvent non seulement leur déconnexion totale avec le réel mais également leur bêtise intrinsèque. Je parle en connaissance de cause en observant les gens (milieu familial plutôt aisé versus gens que je rencontre dans la vraie société) : le milieu bourgeois du style bobos vit dans une bulle et est bien la partie la plus bête et dépourvue d’esprit de la population. C’est Proust qui écrivait « j’avais assez fréquenté les gens du monde pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés, et non les ouvriers électriciens ». Malheureusement ce sont effectivement ces illettrés qui occupent l’espace médiatique et qui détiennent le pouvoir.

  2. Comment ne pas envisager que les luttes horizontales entre blancs, noirs, arabes et toutes autres nuances, entre pauvres et à peine moins pauvres qualifiés de privilégiés, arrangent les affaires de nos élites, en ce sens qu’elles diffèrent – l’atermoiement illimité de Kafka – la seule qu’il conviendrait de conduire, la verticale ? Comment s’étonner, au-delà de l’angélisme psychologique, cet « assaut de gentillesse et d’humanisme », que rien ne soit dit ni fait, politiquement, pour résoudre le problème que soulève Mr Rojman ?

    • Sur wikipedia il est repris un tweet d’Antoine Leiris « Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes ».

       » ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes « .

      Cela me semble faux.

      Les islamistes connaissent le coran, ce qui est loin d’être facile. Ils connaissent, intellectuellement ou d’instinct, le fonctionnement du monde occidental. Ce ne sont pas des « bêtos ».
      Vis à vis des islamistes Antoine Leiris fait un complexe de supériorité.

      • Tout à fait d’accord avec vous, Joseph, ce « vous n’aurez pas ma haine » face aux auteurs d’attentats ou de meurtres délibérés, égorgements, décapitations, défenestrations, barbares et cruels, d’êtres chers – réaction choquante tellement elle semble peu humaine, peu naturelle, ne prouve en rien la bonté de ceux qui tiennent ce discours mais plutôt effectivement, leur sentiment de supériorité envers ceux qui pour eux ne sont même pas dignes d’être des ennemis contre lesquels ils condescendront à se battre. Cela peut même être considéré comme un affront. On l’a pourtant constaté : cette réaction (cette stratégie ?) n’est pas, n’a jamais été, comprise de ceux qui voient leurs victimes comme des ennemis à abattre et n’a jamais suscité en eux le regret de leurs actes, pas plus qu’elle n’est considérée comme un appel à la paix, bien au contraire peut-être. C’est ce qui s’appelle un coup d’épée dans l’eau.

  3. Trois exemples illustrant assez bien ce qui se passe dans le crâne du bourgeois bien-pensant (pas forcément français) :
    1) lors d’un débat télévisé il est question du viol et du meurtre d’une adolescente juive allemande commis par un réfugié irakien…et à la seconde même le « journaliste » visiblement très gêné coupe subitement la discussion sous un prétexte grotesque (personne n’est dupe sur le plateau)…Jewish lives don’t matter
    2) à la mort du dictateur raciste et homophobe Robert Mugabe les médias francophones (et probablement américains) « oublient » d’évoquer les persécutions racistes et massacres de Blancs dans son pays : White lives don’t matter
    3) alors que la Russie incarne Satan aux yeux du « progressiste » chaque fois qu’il est question du vénérable Herr Dogan aucun « progressiste » ne fait la moindre illusion à la guerre barbare qu’il mène au Kurdistan : kurdish lives don’t matter…

    Le camp du bien a des airs de 4ème Reich.

  4. Cet « assaut de gentillesse et de bienveillance sans limites » relève plutôt d’une forme de sauvagerie sans limites : comme nier la réalité du racisme anti-blancs et des (nombreuses) violences racistes de ce genre ou inversement parler d’une islamophobie tout à fait imaginaire alors que la judeophobie, la christianophobie ou la Yezidophobie sont malheureusement bien réelles.
    L' »enfant gâté » en question s’amuse à couper les ailes des mouches ou la moustache des chats puis se proclame défenseur du bien-être animal.

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