Corine Goldberger relaye le témoignage de son père, Z’L Léon

80e anniversaire des #raflesduVeldhiv. Le témoignage de mon père, Z’L  Léon Goldberger.
« Je suis né en 1933 à Paris. J’étais fils unique de parents immigrés juifs polonais et hongrois. J’ai porté enfant l’étoile jaune dès  le début. J’avais 9 ans en 1942 au moment des grandes rafles de juifs à Paris. Voici mon histoire : Nous avons été raflés, mes parents et moi, en pleine nuit par la police française et emmenés au commissariat du 3ème arrondissement dans une cohue indescriptible.

PREMIER MIRACLE  :
les femmes non juives, mariées à un juif, avaient le droit d’accompagner leurs maris au commissariat. Voyant l’une d’elles, ma mère lui demande de me prendre par la main, comme si j’étais son fils et de sortir libre  du commissariat. Cette femme accepte et nous sortons dans la cohue. Sitôt dehors, je la quitte et dans la nuit, je me précipite chez ma tante Frida
(soeur de  ma mère) épouse d’un prisonnier de guerre et dont le statut était donc protégé à  l’époque. Je passe le reste de la nuit, assis sur le palier devant sa porte. (note Corine : Papa m’avait raconté que sa tante, entendant frapper à la porte, n’avait pas ouvert, pensant qu’on venait l’arrêter)

DEUXIEME MIRACLE : mes parents sont emmenés à Drancy, de sinistre mémoire. A cette époque, ils travaillaient tous deux chez un fourreur qui fabriquait des gilets en peau pour l’armée allemande. En une nuit, le patron perd ses 50 ouvriers tous raflés et va se plaindre aux autorités. Les 50
personnes  sont libérées (cas rarissime) et ramenées à Paris.

TROISIEME MIRACLE : raconté par mes parents. En consultant ses listes, le commissaire s’aperçoit qu’il lui manque un enfant. Il frappe mes parents pour les  faire avouer et lance une escouade de policiers pour me rattraper en criant « trouvez-moi le petit youpin ! « . Ils ne me trouvent pas.

QUATRIEME MIRACLE : dès leur retour de Drancy, mes parents me trouvent une nourrice, grâce probablement à un réseau juif clandestin, et je me retrouve à  Avrolles dans l’Yonne en zone occupée, un village de 413 habitants. Nous étions 3 enfants juifs
Toute la population savait et nous a protégés (maire, institutrice, curé etc…) jusqu’au bout dans une longue suite de miracles.
Mes parents ont quitté immédiatement Paris et se sont réfugiés en Corrèze.
Pendant que j’étais caché à Avrolles depuis le début 1942 mes parents ont trouvé refuge à OBJAT en Corrèze (à l’époque zone libre) depuis fin 1942 . Mes parents sont partis en catastrophe à OBJAT, sans pouvoir m’emmener avec eux. Ils y ont vécu 2 ans en vivotant de travaux de couture pour les gens du coin. Mon père était dans la résistance avec les communistes et les réfugiés espagnols qui avaient fui Franco. Comme il faisait partie des anciens combattants juifs (il avait fait la guerre de 1939-1940, avec le 21e régiment de volontaires étrangers) et d’une organisation de résistants, les deux  organisations sont venues à son enterrement en délégation avec leurs drapeaux tricolores.)

Fin Août 1944 à la Libération, ma mère est venue me chercher chez ma nourrice Clémence Munier et lui payer les 2 ans de pension qu’elle lui devait et qu’elle n’avait pas pu lui faire envoyer. La « tante » Clémence était une femme adorable qui me considérait comme son fils et qui a risqué sa vie pour moi, vu les lois antijuives de l’époque.
La tante Clémence est décédée sans enfant en 1963. » 

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Note de Corine:

Papa  est retourné chez Clémence en vacances tous les étés jusqu’à ses 15 ans. Elle lui avait dit que si ses parents ne devaient pas revenir, elle l’adopterait.

Papa associait au nom de Clémence celui de Mauricette Perrier:  » Mon institutrice d’Avrolles qui m’a protégé de 1942 à la libération, notamment en un jour  où la Gestapo a fait irruption dans la classe, en plaçant prestement et discrètement un cahier à mon nom qui trônait sur la pile de cahiers sur son bureau , de la première à la dernière place sous la pile ».

Clémence Munier

Clémence Munier a reçu à titre posthume le titre de Juste parmi les Nations le 23 septembre 2008, un mois après le décès de mon père. Il aurait été tellement heureux d’assister à la remise de la médaille. La cérémonie officielle a eu lieu en 2011 au Tignet dans les Alpes maritimes. La médaille a été remise à son neveu Gérard Vallenot. A Avrolles, trois enfants juifs étaient cachés dont deux dans la même famille. Une Place des « Justes parmi les Nations » a été inaugurée à Avrolles.

Deux autres enfants juifs se cachaient à Avrolles :

Colette Sznajder, (épouse Klemper), chez Marie-Louise et André Vallenot, la tante de Clémence Munier.

Deux enfants juifs cachés dans la même famille.

Et Rachel Kokotek  (épouse Sameroff) actuellement aux USA) , chez Jeanne et Roger Voinot, boulangers à Avrolles.

Honneur à ces cinq Justes  d’Avrolles qui ne connaissaient pas cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier », et qui l’ont appliquée, simplement, au péril de leur vie, parce qu’un enfant, c’est un enfant.

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