Céline Pina. Ce que disent de notre système les attaques des candidats au baccalauréat à l’encontre du texte de Sylvie Germain

Sylvie Germain est un merveilleux écrivain, une orfèvre des mots. Elle écrit dans une langue riche, dense et évocatrice. Chacun de ses livres est un cadeau et une petite merveille. Elle est loin du style journalistique en vogue aujourd’hui dans le roman et c’est tant mieux. Je l’ai découverte jeune, à une époque où je rêvais d’écrire moi aussi un roman et je l’ai immensement aimée et jalousée : je rêvais d’écrire comme elle.

Se confronter à ce type de texte et à ce type d’écrivain est une chance. Encore faut-il en avoir les moyens. L’extrait proposé au bac est très beau et fort accessible. Sauf si on ne maîtrise que 300 mots de vocabulaire et que l’on est déjà en partie hors de la civilisation et de la culture. Quand on n’a pas les mots, ne reste que la violence, l’insulte et l’invective. L’incapacité et l’impuissance rendent bêtes et méchants. Certains lycéens ont illustré parfaitement cet adage. Confrontés à leurs limites, ils préfèrent insulter l’auteur plutôt que prendre conscience de leurs manques. Pourtant leur déficit de connaissance, de capacité d’expression et de finesse va leur poser des problèmes toute leur vie et ne facilitera ni leur carrière ni leur chemin d’homme. Les humanités, comme on les appelait avant, ne sont pas des matières utilitaristes, mais elles sont indispensables pour savoir vivre comme un homme et non exister comme une bête. Elles n’assureront peut-être pas les salaires les plus élevés et un niveau de consommation digne d’un rappeur bling bling, mais elles offrent un supplément d’âme et la capacité de se lier à l’autre en égal et en pair.

La violence des apostrophes qu’a subir Sylvie Germain sur les réseaux est indigne mais elle parle du très bas niveau d’intelligence et du manque de tenue de certains jeunes. Qu’elle émane de lycéens, censés avoir subi un écrémage depuis les années collège n’est pas très glorieux pour notre système éducatif. On ne peut pas dire qu’il brille par le niveau des connaissances qu’il transmet, mais visiblement il a du mal à donner une certaine idée de ce qu’est la dignité humaine, la décence commune et la tenue, aux jeunes esprits qui lui sont confiés.

Ce qui est sûr c’est que des lycéens incapables de comprendre ce texte n’ont simplement rien à faire au lycée. Ils n’ont pas le niveau. Et cet état de fait est de leur faute mais seulement en partie. Le problème est que quand le système éducatif manque d’exigence et d’autorité, il est difficile de faire grandir en intelligence ceux qui lui sont confiés.

Les attaques contre Sylvie Germain par des neuneus décérébrés fort de leur rancoeur et de leur ignorance ne parlent pas que d’une jeunesse geignarde, elles montrent aussi l’état d’un système où on ne transmet plus le goût de l’effort et l’exigence de la quête. Il faut dire que quand au bout de tant d’années d’école, un minimum de vocabulaire n’a pas été assimilé et que l’on se retrouve quand même au lycée, il y a peut-être un problème et surtout le besoin de remettre un peu plus de sélection.

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Le texte de Sylvie Germain


« Ils étaient hommes des forêts. Et les forêts les avaient faits à leur image. À leur puissance, leur solitude, leur dureté. Dureté puisée dans celle de leur sol commun, ce socle de granit d’un rose tendre vieux de millions de siècles, bruissant de sources, troué d’étangs, partout saillant d’entre les herbes, les fougères et les ronces. Un même chant les habitait, hommes et arbres. Un chant depuis toujours confronté au silence, à la roche. Un chant sans mélodie. Un chant brutal, heurté comme les saisons, — des étés écrasants de chaleur, de longs hivers pétrifiés sous la neige. Un chant fait de cris, de clameurs, de résonances et de stridences. Un chant qui scandait autant leurs joies que leurs colères.
Car tout en eux prenait des accents de colère, même l’amour. Ils avaient été élevés davantage parmi les arbres que parmi les hommes, ils s’étaient nourris depuis l’enfance des fruits, des végétaux et des baies sauvages qui poussent dans les sous-bois et de la chair des bêtes qui gîtent dans les forêts ; ils connaissaient tous les chemins que dessinent au ciel les étoiles et tous les sentiers qui sinuent entre les arbres, les ronciers et les taillis et dans l’ombre desquels se glissent les renards, les chats sauvages et les chevreuils, et les venelles1 que frayent les sangliers. Des venelles tracées à ras de terre entre les herbes et les épines en parallèle à la Voie lactée, comme en miroir. Comme en écho aussi à la route qui conduisait les pèlerins de Vézelay vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils connaissaient tous les passages séculaires creusés par les bêtes, les hommes et les étoiles.

La maison où ils étaient nés s’était montrée très vite bien trop étroite pour pouvoir les abriter tous, et trop pauvre surtout pour pouvoir les nourrir. Ils étaient les fils d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse. »

Venelles : petits sentiers.
Séculaires : qui existent depuis cent ans ou davantage.

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9 Comments

  1. Effectivement. Ce texte, pas très difficile pour un bac littéraire, ne devrait pas soulever tout ce bruit.

    Cela dit, raison gardons.
    Rien n’est plus facile que d’insérer un message critique, voire insultant, dans les réseaux sociaux.
    On devrait peut-être se poser la question inverse : combien d’élèves ayant eu à disséquer ce texte dans l’épreuve en question n’ont RIEN dit ? N’ont ni insulté, ni critiqué l’auteure ?

    On pourrait en conclure que c’est l’immense majorité et que les réactions agressives de certains n’étaient que le fait d’une minorité négligeable.
    Il faut tenter de chiffrer pour relativiser…

    D’ailleurs l’auteure, qui a écrit ce texte apparemment en 1988, n’est pour rien dans le choix de l’Education Nationale de l’utiliser comme matière du bac.
    Accuser l’auteure est d’une bêtise sans nom.

  2. Sylvie Germain est un effet une orfèvre des mots et son texte est magnifique, dense, imagé, vivant. J’ai vu le spectacle qu’elle nous offre avec ses mots.
    On ne peut que confirmer ce qui est dit plus haut : « Ce qui est sûr c’est que des lycéens incapables de comprendre ce texte n’ont simplement rien à faire au lycée.  » Tout simplement.

  3. Notre société élève sa population dans la haine de la culture et du savoir. Inversement tout ce qui relève de l’ignorance et de l’obscurantisme (que ce soit le rap, Distney, Netflix ou notre honteux ministre de l’Éducation) est mis à l’honneur. Le fascisme prospère sur l’ignorance, et quand les tenants de l’idéologie dominante (racialiste et antisioniste) entendent le mot culture, ils sortent leur revolver. Ainsi tout a été fait et tout est fait pour créer une population d’illettrés _ à commencer par la Télévision. En cas de sénilité, la mort cérébrale précède la mort physique et le monde occidental contemporain est sénile.

  4. j’ai 73 ans , j’ai lu ce texte avec plaisir , je n’ai que le CEP , maintenant je n’ai pas les questions qui ont été poséés aux étudiants.

  5. Très beau texte ! De quoi exciter la jalousie de beaucoup d’écrivains qui ne sont pas capables d’arriver à cette perfection . Quelles sont les questions demande Emma 73 ans qui n’a que le CEP mais qui a apprécié la beauté du texte ! Pour ceux qui n’ont rien compris il y aura une session de rattrapage où on proposera de commenter un texte de rap du style : j’la fous par terre et je nique ta mère !

  6. Générations critiques nées après guerre et inventeurs de cette société qui a remplacé les citoyens par des consommateurs, qui a promu sans broncher la financiarisation de tut ce qui faisait la grâce du Monde, la beauté, la nature, l’air et l’eau, qui a sans brnché laissé polluer tout le Vivant, qui s’est complue à développer cette absurdité que sont les smatphones, greffons insécables de tous les moins de 30 ans, qui ont laissé massacrer notre école, puis dans la foulée notre collège ensuite notre lycée et maintenant nos facs par des êtres malfaisants qui devraient être traduits en justice pour haute trahison, nous, gentils papys, adorables mamans, sommes tous responsables de l’état actuel de la culture en général et de celle de nos enfants en particulier. Accessoirement, pour vous mettre à l’aise, je trouve insupportable que le dernier pays ayant érigé l’apartheid comme doctrine d’Etat soit mené par des gens de mn peuple. Bien loin le teps où Disraëli pouvait répondre à Gladstone que tandis que ses propres ancêtres étaient le peuple du Livre, ceux de son interlocuteur étaient des sauvages dans une île inconnue. Qui sont les sauvages aujourd’hui ?

    • Israël pays d’apartheid, ce n’est pas vrai ! C’est un mensonge ,une calomnie,une insulte !
      Vous n’êtes pas juif,vous êtes un anti juif et si par malheur vous êtes juif , vous êtes encore pire qu’un salaud ! Israël se défend contre des ennemis déchaînés qui veulent l’anéantir et ce pays compte deux millions de citoyens arabes, un parti arabe dans la coalition au pouvoir et dans aucun pays arabe les arabes sont mieux traités qu’en Israël !
      Vous êtes un anti juif ou un idiot utile des Frères musulmans !

    • @Micmacher Claude, si vous voulez voir ce que c’est qu’un véritable apartheid, je vous suggère de regarder la Chine (vis àvis des ouïghours), l’Égypte (vis à vis des Chrétiens), l’Algérie (vis à vis des Berbères) et la Turquie (vis à vis des Kurdes). Vous verrez ce que signifie réellement le mot apartheid.

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