Avez-vous remarqué comme les dimanches électoraux sont teintés d’une particulière couleur ?
Non point celle affiliée aux listes mais celle qui recouvre ce jour d’une aura quasi boréale.
C’est un rituel propre à chacun.
Un rendez-vous avec soi dans l’isoloir dont les rideaux très laids nous cachent du reste du monde. En l’occurrence, les assesseurs, le président de bureau et les autres citoyens venus remplir leur devoir.
Situation particulière ce jour.
Certains se retrouvent dans un dilemme quasi kafkaïen.
Y vais-je ou non ?
Vais-je ou non pouvoir mettre dans l’urne un bulletin qui brûle mes mains ?
Et penser : « moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. Et puis après ? Est-ce que tu t’imagines qu’on peut gouverner innocemment ? »
Innocemment ? Ils sont si loin mon innocence et mon enthousiasme porteurs de métamorphoses… Existent-ils encore ?
Mon vote va-t-il changer le cours des choses ?
La tentation de s’en laver les mains et de ne plus y penser est forte.
Débat intérieur.
La morale de l’engagement qui prend tout son sens.
Puis-je rester spectatrice d’une histoire qui va affecter ma vie pendant des années ?
En ai-je même le droit ?
Conscience sors un instant de ma tête trop pleine, en ce particulier dimanche, où l’on fête aussi les pères.
Le mien doit se retourner dans sa tombe.
Nos interminables discussions quand j’ai commencé à m’engager en politique très jeune au Parti Socialiste me manquent de façon douloureuse.
Et, j’ai honte.
Terriblement honte.
Nous sommes dans un paysage politique grave.
Notre pays est pris en tenaille entre deux extrêmes.
Mais, l’abstention est, hélas, le coup de semonce et le plus gros drame de ces élections car elle devient face à la désertion des votants, le premier parti de notre pays.
Gouverner quand le peuple déserte les urnes est quasi impossible.
La défiance envers la classe politique en présence est plus que légitime.
Ce qui nous promet des lendemains désenchantés.
Qu’avons-nous encore raté ?
C’est la question qui me taraude. Inutile de se voiler la face, nous sommes responsables de cette faillite.
Guère joyeux tout ça sur fond de guerre en Ukraine dont le sort est de plus en plus préoccupant.
Ne serait-il pas temps de refonder et de penser à la proportionnelle puisque notre système actuel montre ses limites?
Donc, y vais-je ou non ?
La réponse est oui. Un immense oui.
J’y vais parce que m’abstenir est une caution que je me refuse à donner aux extrêmes.
J’y vais parce voter est un devoir citoyen.
J’y vais parce que je me refuse à devenir « un salaud ».
© Felicia-France Doumayrenc
Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.
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