Je, soussigné, Allas Di Tlelli, né le 20 juillet 1970 à Iwaḍiyen, en Kabylie de l’ouest, étant en pleine possession de mes facultés mentales me permettant un discernement et une volonté parfaitement éclairée, déclare établir mes dispositions de dernières volontés ainsi qu’il suit :
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____ N’ayant aucun patrimoine immobilier ou foncier, pas même un véhicule motorisé, celui que je détenais ayant été complètement démoli dans l’accident de la route duquel je m’en suis miraculeusement sorti en 2018, n’ayant donc pas grand-chose à léguer à mes légataires hormis mes éventuels droits d’auteurs que je lègue à mes deux filles ainsi que les meubles, appareils et autres objets usuels du foyer familial qui, de fait, appartiendront à mon épouse qui en est déjà copropriétaire, dès lors, mes dernières volontés se porteront essentiellement sur le déroulement de mes obsèques et mon souhait quant au sort de mon corps. En effet, privé, de mon vivant, de toutes les libertés, je ne leur laisserai pas s’emparer aussi de ma mort :
(1)- Je fais don de mon corps à des fins d’enseignement et de recherche scientifique ou médicale dans les universités de Tizi Ouzou, de Vgayet ou de Tuviret. Si cela n’existe toujours pas, mon corps sera offert à un centre de recherche scientifique/médicale en Occident. Si les obstacles politiques viennent à empêcher cela, je fais don de mes organes qui seraient encore en bon état, à ceux qui en auront besoin pour continuer de vivre. Si la tyrannie colonialiste empêche tout cela de se réaliser, je souhaite que mon corps soit soumis à la crémation, mes cendres funéraires dispersés dans la nature. Je ne suis qu’un être éphémère, il n’y aucune raison pour que je continue à emmerder les vivants avec une sépulture. La nature et la vie sont plus belles sans cimetières.
(2)- L’enterrement de mon corps sera donc le tout dernier recours et ce, si toutes les voies su-citées auront été totalement épuisées.
(3)- Mon cercueil (si enterrement il y a) ne sera couvert que des deux drapeaux, kabyle et amazigh, sur lesquels sera posé un rameau d’olivier.
(4)- Interdiction formelle de toute présence d’individus proches ou ayant été plus ou moins proches, de quelque façon que ce soit, du pouvoir algérien et/ou des islamistes, de tout élu ou ayant été élu dans les institutions algériennes, à quelque niveau que ce soit, de tout militant ou sympathisant islamiste ainsi que de tout symbole ou attribut vestimentaire de l’islamisme (hayek, hidjab, djelbab, niqab, tchador… kamis, barbe hirsute…) et ce, avant, pendant et après mon enterrement (si enterrement il y a).
(5)- Il n’est pas nécessaire de se déranger pour la veillée mortuaire et pour l’enterrement (si enterrement il y a). Bien qu’animés par le désir sincère de rendre un dernier hommage au montagnard que je suis, les gens ne doivent pas en faire un devoir, ils ont déjà leurs propres soucis et leur vie qui doivent passer en priorité. Je n’ai pas aimé déranger les gens de mon vivant, je n’aimerais pas qu’ils soient dérangés par ma disparition. Ainsi donc, le caractère intimiste de mes obsèques reste mon profond souhait.
(6)- De la constatation de mon décès jusqu’à mon enterrement (si enterrement il y a), en passant par la veillée mortuaire ou funèbre, aucune expression religieuse, aucune manifestation, acte ou geste de nature religieuse ne sera autorisé. Un athée laïque, je l’ai été vivant, ma mort en sera conforme à mes convictions à tout point de vu.
(7)- Pendant la veillée mortuaire, il n’y aura que de la poésie et des chants de lutte et d’amour qui seront diffusés par une simple enceinte (acoustique) ou interprétés/déclamés par les présents qui peuvent aussi débattre des sujets politiques et philosophiques de l’heure. Les œuvres concernés seront ceux que j’aime de mon vivant : Muḥya, Gide, Nietzche, Adonis, Mammeri, Voltaire, Racine, Hugo, Nacéra Abrous, Rimbaud, Ferhat Mehenni, les chants de Lounès Matoub dédiés uniquement à la Kabylie, à la laïcité, à l’amour et à la liberté, Tenna, Smail Kessay, Simon & Garfunkel, Amy Winehouse, Brel, Bachelet, Cabrel, Renaud, Ferrat, Ferré, Mozart, Vivaldi…(La liste sera complétée, ou pas).
(8)- Le jour de mon enterrement (si enterrement il y a), durant tout le trajet et le temps qui séparent la levée du corps et ma dernière demeure, il n’y aura que des chants en kabyle, notamment l’hymne kabyle, pour accompagner une dernière fois ma dépouille.
(9)- Ma sépulture (si enterrement il y a) portera une pierre tombale sur laquelle il n’y aura que des gravures en langue kabyle (graphie universelle) et en langue française, les deux ailes de la Kabylie où je suis né et où j’ai grandi. Aucune mention religieuse n’y sera ajoutée.
(10)- J’ai vécu en militant, ma mort sera un ultime acte de lutte pour la liberté et pour la vie. Qu’on m’oublie donc aussitôt, car la vie devra reprendre ses droits tout de suite, sans période de deuil.
____ Je désigne ma famille, mes amis et les présents le jour de mon décès, comme exécuteurs testamentaire, afin de veiller à la bonne exécution de mes dernières volontés exprimées dans le présent testament(2).
Fait le 20 avril 2022 à Tizi Ouzou
Allas Di Tlelli
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Notes :
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(1) La vie étant imprévisible, ce testament est une précaution.
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(2) La forme manuscrite de ce testament existe, un testament n’étant officiel que sous cette forme.
[ NE LES OUBLIONS PAS : https://www.facebook.com/allas.ditlelli/posts/4836254153099521 ]
Azul fellak ami sympathique de TJ, et que la chance te prête une longue vie pour profiter encore des chants, de la poésie et de l’air pur des montagnes de Kabylie.